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En Afrique, L’entrepreneuriat Ne Résorbera Pas à Lui Seul Le Chômage Des Jeunes

Comment l’Afrique peut-elle optimiser les 32,5 milliards d’euros que l’Union européenne (UE) va mettre sur la table d’ici à 2020 ? Comment peut-elle se servir au mieux des 40 milliards d’euros que l’UE projette encore de lui allouer entre 2021 et 2027 pour stimuler, entre autres, la création de 10 millions d’emplois ? Avec le doublement de la population continentale prévu d’ici à 2050, passant de 1,2 à 2,5 milliards d’habitants, l’Afrique devra être en mesure de créer pas moins de « 450 millions d’emplois sur les 20 prochaines années », indiquait en 2017 la Banque africaine de développement (BAD), si elle veut occuper sa jeunesse.

Les plus optimistes imaginent que la création d’entreprise sera la nouvelle religion du continent et que l’engouement pour l’innovation sera partout de mise. Déjà, les jeunes « se disent attirés à 72 % par l’entrepreneuriat », observent Jean-Michel Severino et Jérémy Hajdenberg, co-auteurs du livre Entreprenante Afrique. De plus, l’amélioration du climat des affaires et l’adoption de mesures favorables à la libre entreprise dans un nombre croissant de pays africains ont sans doute incité des millions de personnes à lancer leurs affaires pour tenter de tirer profit des opportunités offertes par de nombreux secteurs.

Une vague de nouveaux entrepreneurs d’une ampleur telle que l’Afrique est déjà la championne toutes catégories de l’entrepreneuriat à l’échelle planétaire. Selon le cabinet de conseil Will & Brothers, l’Ouganda se hisse en tête du classement mondial des pays les plus entreprenants, 28,1 % de la population active y ayant lancé une entreprise. Et que dire des femmes ? Leur proportion parmi les entrepreneurs africains, souligne le cabinet Roland Berger, serait de 24 %, soit plus qu’en Amérique latine (17 %), en Amérique du Nord (12 %), en Asie du Sud-Est (11 %), au Moyen-Orient (9 %) et en Europe (6 %).

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« Davantage subi que choisi »

Mais il ne faut peut-être pas se réjouir trop vite. Jacques Leroueil, un spécialiste financier basé à Kigali, observe : « Lancer son affaire ne suffit pas, encore faut-il la pérenniser. Et à ce titre, l’Afrique détient la palme des cessations d’activité, avec un taux de 12,7 % en moyenne, contre 6,8 % en Europe, 9,6 % en Amérique latine et 12 % en Amérique du Nord. » Ce pourcentage élevé de fermetures d’entreprises ternit évidemment les perspectives les plus optimistes de création d’emplois.

Dans son rapport annuel 2017-2018, la Global Entrepreneurship Research Association dresse l’amer constat que « l’Afrique est la région du monde avec le plus faible pourcentage d’entrepreneurs s’attendant à créer plus de six emplois dans les cinq premières années de leur activité ». Jetant des doutes sur la capacité de l’entrepreneuriat à résorber à lui seul le chômage endémique du continent, ce rapport semble en outre suggérer que les jeunes Africains, faute d’opportunité d’emplois, se tournent souvent par défaut vers la création d’une activité privée.

Jacques Leroueil ne dit pas le contraire : « L’entrepreneuriat africain est davantage subi que choisi. En l’absence de réelles opportunités au sein du secteur formel, les gens sont finalement bien obligés de trouver quelque chose à faire s’ils veulent générer un revenu minimum ».

Et pourtant, de nombreux spécialistes, à l’instar de Dominique Lafont, coprésident du groupe Afrique de l’Institut Montaigne, considèrent que « les centaines de millions d’emplois qui doivent être créés en Afrique ne pourront venir que des petites et moyennes entreprises ». Certes, l’Afrique regorge d’innombrables hommes et femmes talentueux, dont les projets déboucheront sur l’émergence d’un prochain Mohammed Dewji ou d’une prochaine Folorunsho Alakija et qui emploieront des milliers de personnes. Mais, comme le suggère la réalité de l’entrepreneuriat sur le continent, leur ingéniosité ne sera pas suffisante pour combler les besoins colossaux liés au chômage des jeunes.

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Szymon Jagiello est journaliste et observe depuis Bruxelles l’actualité africaine







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