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Et Si Les Concepts Et Slogans Suffisaient-ils Pour Changer Le Monde ?

Et Si Les Concepts Et Slogans Suffisaient-ils Pour Changer Le Monde ?

Je voudrais introduire mon propos par cette célèbre phrase de Karl Marx dans sa «Thèse sur Feuerbach» : «Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, ce qui importe, c’est de le transformer.»

Le Président Macky Sall a habitué le Peuple sénégalais à des concepts et slogans qui, même si l’esprit qu’ils chérissent est théoriquement louable, ils restent lamentables dans la pratique. Ses déclarations solennelles sont toujours accompagnées de slogans et de «concepts chocs». Si ces derniers suffisaient pour transformer le monde, le Président Sall aurait battu tous les records en termes de bons qualitatifs. Dans sa prestation de serment du 2 avril et dans son message à la Nation, il a encore annoncé que son nouveau quinquennat sera placé sous le sceau de «fast track».

En annonçant son «fast track», le président de la République n’est-il pas encore dans l’ère des slogans ? En médecine, le «fast track» est une procédure multi disciplinaire, associant anesthésistes, chirurgiens et l’ensemble du personnel. C’est donc une thérapie pour une «réhabilitation rapide». Son but est de permettre au patient de recouvrer plus rapidement ses capacités psychiques et physiques après l’intervention chirurgicale. Admettons donc que le pays va mal parce que l’aveu, comme disent les juristes, est la mère des preuves, et qu’il va falloir utiliser le «fast track». Mais est-ce que les conditions de son opérationnalisation sont réunies ?

En faisant cet aveu, le Président reconnaît implicitement que l’efficacité encore moins l’efficience n’ont jamais été au rendez-vous durant son septennat.

Chantre de la «gouvernance sobre et vertueuse», de la «patrie avant le parti», il «devient» celui qui cautionne des pratiques nébuleuses en décidant de «mettre sous son coude» les dossiers d’opposants politiques contre qui on avait brandit les audits comme une épée de Damoclès, pour qu’ils rejoignent la prairie marronne : c’est le prix de la transhumance dont les pourfendeurs d’hier sont devenus les apôtres d’aujourd’hui. Hélas, le «fast track» est le couronnement d’une gouvernance «sombre et vicieuse», de la priorité du «parti avant la patrie».

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Dans la mise en œuvre du «fast track», le projet de suppression du poste de Premier ministre est annoncé ainsi que le resserrement du gouvernement.

En effet, le projet de suppression du poste de Premier ministre est annoncé comme une «grande mesure» pour faire une mayonnaise qui certainement aura du mal à prendre.

En quoi le poste de Premier ministre constitue-t-il un obstacle à l’efficacité gouvernementale ?

Sa suppression n’est rien d’autre qu’une volonté de renforcer un régime présidentialiste et bonapartiste. Cette réforme annoncée avant la lettre devra inéluctablement entraîner une modification de notre charte fondamentale, la Constitution, qui consacre des missions spécifiques au chef du gouvernement. Il ressort de l’article 53 de la Constitution que le gouvernement comprend le Premier ministre, chef du gouvernement, et les ministres. Ce gouvernement conduit et coordonne la politique de la Nation sous la direction du Premier ministre, responsable devant le président de la République et devant l’Assemblée nationale. En réalité, celui qui est censé être le premier garant de la Constitution est son premier fossoyeur.

Je voudrais rappeler que la Commission pour la réforme des institutions, sous la houlette du Pr. Amadou Makhtar Mbow, à la demande du président de la République, avait, dans son rapport, proposé des réformes hardies et structurantes, reflétant ainsi de fortes aspirations de la population sénégalaise. Au terme de ce travail inclusif, le président de la commission, le Pr. Amadou Makhtar Mbow, a essuyé une pluie de critiques de la part des gladiateurs qui entourent le «prince» pour avoir seulement transmis fidèlement les conclusions de son rapport à un Président qui n’était pas prêt à sortir de sa zone de confort.

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S’agissant du resserrement du gouvernement, ce ne fut qu’un slogan puisque la montagne a encore accouché d’une souris. Selon les termes de Mahammed Boun Abdallah Dionne, un tel resserrement devrait conduire à une réduction des ministres. De 39 pour le premier mandat, on est passé à 32 ministres et trois secrétaires d’Etat. Le gouvernement reste encore pléthorique, au regard du nombre de ministres. Au lendemain de son élection en 2012, le nouveau locataire du Palais avait promis un gouvernement de 25 ministres, au maximum. Inutile de vous demander si cette promesse a été honorée…

Pour des raisons de convenance politicienne, Mahammed Boun Abdallah Dionne brandit la taille importante de l’actuel gouvernement comme une opportunité. Le Président Macky Sall et son «Premier ministre de transition» (ministre d’Etat et secrétaire général de la Présidence) voudraient-ils nous faire prendre des vessies pour des lanternes en disant que «toutes les 14 régions administratives ont été représentées dans l’actuel gouvernement» ? Les citoyens attendent plus que ça (jeu de chaises musicales). A mon avis, c’est plus une volonté de gérer une clientèle politique qu’on ne peut rassasier que par des strapontins ministériels.

Devrait-on continuer à dire, comme le soutenait l’ancien Président Abdoulaye Wade, que «les promesses n’engagent que ceux qui y croient» ? Que vaut donc la parole d’un homme politique ? Peut-on continuer à accorder la présomption de bonne foi aux hommes politiques ?

Il est aujourd’hui urgent de jeter les bases d’une révolution citoyenne, laquelle devrait faire de la refondation un passage obligé pour un Sénégal des Sénégalais. Ce Sénégal devra s’inspirer de nos valeurs, mais surtout de l’éthique de conviction qui doit être érigée en règle de conduite aux yeux de Thierno Souleymane Baal et de Max Weber. C’est un Sénégal où l’élection est plutôt une lourde responsabilité qu’une consécration ou récompense politique. C’est aussi un Sénégal où on est élu ou nommé pour servir et non pour se servir. Le respect de la parole donnée n’est rien d’autre que la congruence entre le dire et le faire, entre la déclamation et l’action. Le Peuple a soif d’une praxis révolutionnaire au sens marxien du terme. Qu’il me soit permis de conclure avec les propos de Edmund Spencher : «L’amour est plus précieux que la vie ; l’honneur plus que l’argent. Mais plus précieux que tous les deux, la parole donnée.»

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Dr. El Hadji Malick Sy CAMARA

Socio-anthropologue,

enseignant-chercheur, Ucad

elhadjimalicksy.camara@ucad.edu.sn

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