Peut-on jouer au sapeur-pompier quand on est fondamentalement pyromane ? Chanter la douce musique du dialogue national et jouer la mélodie du preux chevalier solitaire qui éperonne vigoureusement son cheval pour qu’il passe du trot de sénateur à la bride lâchée du pur sang, pour avaler un quinquennat jugé trop court, voilà ce que l’élu du 24 février dernier veut imprimer à son deuxième (et dernier ?) mandat.
D’accord, gouverner n’est pas simple, mais notre gouvernant en chef est aussi d’une complexité quasi insondable. Depuis le 2 avril dernier, il nous a montrés quelques unes de ses multiples facettes : projeter de cisailler des pans entiers de notre texte fondamental sur les chapeaux de roue en prenant de court toutes les forces vives du pays, tailler au coutelas de boucher votre gouvernement après trois semaines d’attente pénible pour ceux qui espèrent rester, ceux qui espèrent entrer, ceux qui rêvent de miracles, mettre à la retraite certains des plus efficaces, promouvoir des délinquants à col blanc épinglé par nos corps de contrôle et, suprême humiliation, charger votre ex-Premier ministre de rester, le temps pour lui, d’organiser sa propre mort. C’est fort et cruel à la fois.
Comble de la complexité, tout cela était sensé simplifier sa prochaine et dernière gouvernance, en coupant les goulots d’étranglement, en supprimant les lourdeurs administratives par la modernisation de celle-ci, en allant en guerre contre nos villes-poubelles-déchets, en mettant fin aux carnivores fonciers qui taillent en pièces terres arables et habitat social. Oui, vous annonciez vouloir faire tout ça mais pas seul. Vous annonciez un dialogue national que vous avez réitéré le 3 avril dans l’euphorie d’une victoire « mystérieuse » avec de grands efforts de sincérité qui ont bluffé votre monde…un instant. Oui seulement un instant.
La surprise passée, vous voilà devant les conséquences des décisions prises dans la hâte et la solitude : faut éteindre le feu. Devenir sapeur-pompier après avoir été un pyromane convulsif. Oui, vous accumulez les fautes à une super cadence que même Mimi la sprinteuse doit s’étonner de vos foulées monstrueuses qui la relègueraient presque en queue du peloton.
Oui, vous avez fait si vite et si seul toutes ces choses -à, que mon confrère Madiambal (qui vous aime bien), dans son dernier « Lundis » semble s’inquiéter pour vous en écrivant : « Macky risque de se tromper seul ». Outre le fait qu’on peut discuter sur les notions de se « tromper seul » ou se tromper « collectivement », la vérité est que, quand on prend seul ses initiatives, quand sa constance c’est de clignoter à gauche et tourner à droite ; quand la fonction présidentielle s’apparente au métier du boulanger qui roule dans la farine les consommateurs et vous vos interlocuteurs, pourquoi s’étonne-t-on que forcément on se trompera seul. Voyez-vous, c’est le propre des monarques et autres apprentis tropicaux.
Peut-on, doit-on, s’étonner et plaindre celui qui hier, jurait de défendre, respecter et faire respecter les institutions devant Dieu et la Nation et, le lendemain, se comporter comme le plus grand « serial killer » de ces mêmes institutions ? On se trompe toujours seul quand on se taille les habits de monarque même pas éclairé. Le problème, non la tragédie, c’est que, voyez-vous, la faute solitaire occasionne toujours des dégâts collatéraux collectivement tragiques.
Il y a trois ans on nous imposait un référendum pour « parfaire » notre texte fondamental en introduisant 16 (18 ?) points. De l’avis de tous, ce fut les élections les « plus calamiteuses » de toute l’histoire politique contemporaine du Sénégal. Aujourd’hui, on veut charcuter autant d’articles (ou plus) par le biais d’une Assemblée aussi efficace que la caisse enregistreuse de …Auchan. On demande aux parlementaires d’être encore plus inutiles, plus haïssables, plus parasites si c’est possible : bouffez l’argent du peuple, préservez vos privilèges et fermez la ! Le super président fera tout, règlera tout, vous soumettra tout, et vous, on ne vous demande qu’une seule chose : bouffez et fermez la ! C’est dans vos cordes non ? La question est : à quoi sert une telle Assemblée ? Que les députés de la majorité ne soient aucunement incommodés par leur nouvelle fonction peut se comprendre, dans une certaine mesure. Mais les députés de l’opposition, qu’en pensent-ils ? Ils vont faire comme les autres : bouffer et la fermer ?
Il veut un quinquennat qui s’écoule comme un long fleuve tranquille en se passant des institutions de régulation et de contrôle. Il veut un quinquennat au décollage plein gaz avec une vitesse de croisière. Seulement, il y a un risque à ce genre d’actions : atterrissage catastrophe, boites noires introuvables…
Un quinquennat du silence donc. Même les éléments de son Secrétariat Exécutif national (SEN), qu’il a convoqués à son palais, ont été frappés …de silence. L’empereur a parlé, demandé aux grognons de ne plus polluer les pages des journaux et autres médias via leurs militants. Un SEN sans débats donc. A force de cohabiter avec les premiers théoriciens de congrès sans débats, on risque la contamination. On avait, paraît-il, demandé à un marronnier, de proposer une motion pour que la réunion soit sans débats…
Aux députés, on demandera de voter et de faire le mort ou d’aller s’occuper de leurs vergers puisqu’ils seront désormais en chômage technique plus ou moins longue durée, selon les oukases du Prince. Aux alliés ensuite, on rappellera, s’ils veulent continuer à partager la table du Prince, ils savent ce qui leur reste à faire : chanter les louanges d’un compagnonnage très jouissif, en faisant rentrer dans les rangs les empêcheurs de manger en paix. Qu’ils restent donc à l’hôtel Rebeuss jusqu’à la fin du quinquennat.
Mais si on en croit certains journaux (qui donnent l’info comme s’ils y étaient), le Président, dans sa grande ouverture d’esprit, a déclaré maintenir l’appel au dialogue, et demandé à son ministre de l’Intérieur de lancer les convocations. Pendant des mois, ils vont nous pomper l’air avec cette histoire de « dialogue ». Au détriment de nos urgences qui sont elles, très sociales.
Une question quand-même : comment accueillir la nouvelle République de Ndoumbélane qu’on nous prépare : se laisser anesthésier totalement, ou résister malgré tout ? Parce que, c’est tout de même long, un quinquennat !