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Macky Ii : Le Risque De Prendre Encore 5 Ans Ferme ?

Macky Ii : Le Risque De Prendre Encore 5 Ans Ferme ?

La prestation de serment pour son second mandat avait presque les allures d’un couronnement. Pour légitimer une légalité que lui contestent ses principaux adversaires politiques, Macky Sall s’est tourné vers ses pairs pour donner une onction, du moins diplomatique, à son nouveau mandat. A défaut d’une liesse populaire.

Pour marquer les esprits, il n’a pas lésiné sur le casting avec un parterre de chefs d’Etat et de diplomates étrangers, invités à écouter son discours d’investiture qui ressemblait, à s’y méprendre, à une opération fenêtres ouvertes pour le meilleur après un septennat portes ouvertes pour le pire. Lui qui avait fait naître, en 2012, une immense espérance, avant que son système de gouvernance ne jette une lumière crue sur un régime qui, tout au long, aura pris congé de l’exemplarité et de l’intégrité. Nombreux étaient les Sénégalais qui attendaient beaucoup de sa promesse d’une «République sobre et vertueuse», mais le mythe de la morale républicaine dans la gestion des affaires publiques se révèlera être une immense farce. Et quid du mantra de sa conquête du pouvoir «la Patrie avant le Parti», que Macky Sall psalmodiait à longueur de discours, qui a laissé place à une gouvernance consanguine et clanique où l’Apr s’est substituée à la Patrie, où sa famille et belle-famille ont infiltré le sommet de l’Etat.

Durant toute sa première mandature, le Président Sall aura mis la loyauté à ses propres intérêts, à ceux de son clan et son obsessionnelle réélection au-dessus de la République. Après sept ans de règne, il connaît bien le chemin et la séquence nouvelle qui s’ouvre pour cinq ans, risque de ne pas s’en écarter, bien au contraire. Parce que le centralisme autoritaire de Macky Ier fut une merveille d’orfèvrerie politique, pas étonnant de le voir ressortir la même enclume pour forger la mandature de Macky II. La première parure à en sortir sera la suppression annoncée du poste de Premier ministre. Un énième tripatouillage constitutionnel, voulu par Macky Sall, et façonné par le virtuose de la jonglerie institutionnelle Ismaïla Madior Fall. Et voilà que ces deux-là s’apprêtent à plonger le Sénégal dans une lourde ère de compression autocratique avec un Président absolu, doté d’un pouvoir absolu et avec un droit de contrôle absolu sur tout. Et cette disparition programmée de la Primature ne sera qu’un ingrédient de ce cocktail d’indices qui laisse entrevoir que le président de la République est en train, méthodiquement, de se sculpter un pouvoir qui lui ressemble, c’est-à-dire autoritaire, avec comme cœur du réacteur, le principe fondateur des anciennes monarchies : «Si veut le roi, si fait la loi.» Alors que de raisons d’ironiser pour l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, sur les risques de transformation du Sénégal en une sorte de «néo émirat», taillé pour un seul homme et seul aux commandes de tout un système politique, financier, économique, médiatique et culturel qu’il n’hésitera pas à instrumentaliser pour sa gloire, son profit personnel et le choix de son successeur au trône. C’est dire, si les mandats passent, le cynisme mackysard demeure. D’une efficacité clinique. Même son ex-mentor, Abdoulaye Wade, n’a pas su faire mieux. Chapeau Président.

Plus sérieusement, ce qui se trame dans les coulisses du Palais n’est rien moins qu’un bouleversement en profondeur de notre système politique, car la disparition du Premier ministre va de facto transformer l’Assem­blée nationale en une institution cosmétique pour ne pas dire factice, avec des députés qui n’auront plus aucun pouvoir, ni moyen de contrôle sur le gouvernement. On n’est jamais assez prévenant.

Le Président se prépare trois ans à l’avance, à toutes les hypothèses, y compris celle d’une défaite aux prochaines Législatives qui l’obligerait à se coltiner une majorité parlementaire dissonante. Et à l’heure du «fast track», pas question de brider la cadence présidentielle ou d’avoir une confusion tout au sommet de l’Etat. Macky Sall veut prendre une précaution d’avance en se dotant d’un airbag en cas de collision institutionnelle. Pour se prémunir du syndrome d’un Exécutif à deux têtes et deux signatures, il va s’octroyer un «illimix» présidentiel avec des pouvoirs sans contre-pouvoir et sans restrictions. Il n’en aura que faire d’un Parlement opposé, qu’il pourra enjamber sans état d’âme et gouverner par décret. Si nécessaire.

Le clou, puisqu’il en faudra pour définitivement fermer le cercueil de Macky Ier, sera la pulvérisation de Benno bokk yaakaar, cette diligence électorale d’inutilité politique et publique que Macky Sall trimballe comme un boulet depuis sept ans. «Bennomaniaque» en 2012, «bennophobe» en 2019, le Président veut être seul maître à bord. Plus question désormais de se «farcir» les humeurs et les pressions de groupes politiques dont l’influence et le stock de militants sont inversement proportionnels à leurs exigences politiques. C’est dire si les jours de la coalition Bby sont désormais comptés. Alors, que chacun se le tienne pour dit ! Il est des moments où la realpolitik se contrefiche des apparences.

Macky Sall est autant démocrate que Gouy Gui est universitaire. Alors son appel au dialogue, de la tartufferie. Le Prési­dent n’est pas franchement un intégriste de la délibération et du consensus qui sont pourtant les fondements de tout système démocratique. Que personne ne soit surpris de voir le Palais transformé en forteresse où seront stockés les codes du feu nucléaire contre tous ceux qui oseront se mettre en travers de la volonté de puissance présidentielle !

Une chose est sûre, le chef de l’Etat n’est pas prêt à dégager totalement les grilles de ventilation de la démocratie sénégalaise qu’il a volontairement obstruées pendant sept ans pour conserver, renforcer et perpétuer son pouvoir. Macky Sall joue au démocrate habillé en Erdogan et en Kagamé qui sont, comme par hasard, ses meilleurs amis et surtout ses références politiques. Reccep Tayyip et Paul, deux chefs à la tête de deux systèmes présidentiels forts, deux hommes de fer qui ont une lourde mainmise sur les institutions de leur pays.

Chef de l’Etat, chef suprême des Armées et patron de la Magistrature suffisent-ils aujourd’hui à l’omnipotence de Macky Sall ou se rêve-t-il en Grand Timonier du Sénégal ? Le chef de l’Etat s’est lancé dans une opération d’hyper présidentialisation à très haut risque. Quelle sera son échelle de mesure pour peser sa nouvelle toute puissance ? Le succès de l’opération et l’adhésion des Sénégalais dépendront pour beaucoup des capacités du président de la République à véritablement mettre le Sénégal sur les rampes de l’émergence économique.

Malick SY

Journaliste

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