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Le GÉnÉral Lamine CissÉ Rejoint L’Éternel

Le GÉnÉral Lamine CissÉ Rejoint L’Éternel

Le général Lamine Cissé, à qui je m’efforce avec tristesse de rendre un vibrant hommage, je l’ai perdu de vue depuis presque deux ans alors pourtant qu’il fut un temps où on s’appelait régulièrement au téléphone.

Le général Lamine Cissé, à qui je m’efforce avec tristesse de rendre un vibrant hommage, je l’ai perdu de vue depuis presque deux ans alors pourtant qu’il fut un temps où on s’appelait régulièrement au téléphone. Puis, ces entretiens se sont espacés. Pourquoi restions-nous parfois longtemps sans nous voir ? « Mais, je suis un soldat au service de l’Afrique ! » s’était-il empressé de répondre un jour pour se justifier. Dieu sait qu’il n’y avait pas de quoi se justifier. Car, depuis son départ de la tête du ministère de l’intérieur à la tête duquel il a fait preuve de droiture, d’abnégation et de courage jusqu’à devenir le principal acteur de la première alternance politique du Sénégal intervenue le 19 mars 2000, l’homme qui vient de tirer sa révérence n’a guère eu le loisir de se reposer. Il a eu à mener de nombreuses missions et médiations internationales pour apporter son expertise, son expérience et son savoir-faire en matière d’organisation d’élections au chevet d’une Afrique déchirée par des guerres civils ou conflits post-électoraux. Un jour, j’ai reçu de lui un appel où il m’a tenu à peu près les propos suivants : « Mais toi là ! Je viens de me souvenir que depuis Washington, nous ne sommes plus revus. Tu m’as lâché… » m’a « fusillé » Mon Général d’un ton taquin, histoire de me faire porter la responsabilité de non-retrouvailles devenues définitives puisqu’il est décédé le samedi 20 avril 2019 à l’âge de 80 ans.

Dans une embuscade de sauces …

Effectivement nos dernières retrouvailles remontent à 2017 aux Usa lors de la rentrée officielle de l’actuel Chef d’Etat Major général des Armées (Cemga), le général de corps d’armée Cheikh Guèye, au prestigieux Hall of Fame (Panthéon). Ce jour-là, j’ai eu le privilège d’assister à la grande cérémonie d’entrée au « Hall of Fame » de l’école de guerre où trône désormais, pour l’éternité, la photo du général Cheikh Guèye. Un Panthéon où l’a précédée depuis très longtemps celle de son lointain devancier à la tête de nos armées, le général Lamine Cissé. « Pape, viens voir ! Tu as vu ma photo comment elle est belle ! Je suis plus beau que Cheikh Guèye. Allez…réponds « wakhal » ?

Et pourtant, elle date de 1992… » M’avait apostrophé le général Lamine Cissé avec l’humour et l’énergie communicative qu’on lui connaissait. Connu aussi pour sa disponibilité légendaire, le général Cissé, tel un guide touristique, m’a fait visiter l’exposition démesurée de cette grande salle de la plus grande école de guerre américaine. C’est également cette salle qui abritait le cocktail dinatoire offert en l’honneur du général Cheikh Guèye. Et à chaque fois que nous nous sommes perdus de vue dans cette forêt de képis, d’étoiles et de galons, le général Lamine Cissé réussissait à me localiser du regard avant de me faire signe de la main pour que je rejoigne sa table de buffet. « Je voulais juste que tu viennes me secourir car je suis tombé dans une embuscade de sauces et de mets succulents…Goute ! » m’invitait-il entre deux brochettes de poulet et autres crevettes enrobées,

Humilité et simplicité…

S’il me plait de vous raconter les coulisses du « Hall of fame », c’est pour montrer ô combien le général Lamine Cissé, malgré sa haute personnalité et ses excellents états de services, incarnait l’humilité, la modestie, la simplicité et la générosité. En effet, je garde de lui le souvenir d’un homme exceptionnel aux qualités multidimensionnelles qui a marqué son époque. Une époque qu’il a vraiment marquée dans l’Armée où je l’ai connu alors qu’il était Chef d’état-major général des Armées (Cemga). Revenir sur la longue et brillante carrière de ce valeureux officier-général au parcours sans faute, c’est prolonger davantage l’état combiné de nos peines, nos chagrins et nos douleurs provoquées par cette disparition. Donc inutile de rappeler son brillant parcours dés lors que tout le monde s’accorde à reconnaitre que le défunt ex-Cemga aimait beaucoup sa patrie, le Sénégal, et toujours œuvrait pour le prestige de son Armée.

Le ministre de l’Intérieur, l’inspecteur de police radié et la leçon de vie

Après de bons et loyaux services rendus à l’Armée nationale, le général Lamine Cissé a été nommé plus tard ministre de l’intérieur. Encore, nos chemins se sont croisés. Comme un père et « fils » qui se veulent inséparables c’est-à-dire plus que des amis ! « Tiens, Pape Ndiaye… le porté disparu ! C’est toujours avec plaisir que je retrouve mes amis du « Témoin » spécialistes des questions militaires et forts de leur façon de scruter les étoiles et prédire les nominations de Cemga ! Quand est-ce je serai « nommé » Président de la République ? » m’avait chambré un jour l’alors ministre de l’intérieur Lamine Cissé rencontré lors d’une cérémonie à l’Ecole de police. Dans la foulée, il me présente quelques personnalités de son entourage à qu’il raconta son long compagnonnage avec « Le Témoin ». Ce jour-là, j’avais profité furtivement de l’occasion pour abuser de sa bienveillance en lui parlant d’un cas social. Vraiment social puisque consistant à sauver la carrière d’un brillant policier en passe d’être brisée par une histoire de famille. Tenez ! Un ami, un inspecteur de police était poursuivi par son ex-belle-sœur pour abus de confiance portant sur des bijoux. On ne sait pas trop comment les bijoux confiés ont disparu des mains de l’inspecteur de police alors qu’il devait les garder pour sa belle-sœur en voyage. Condamné à trois mois fermes pour abus de confiance, le mis à cause a été radié des cadres de la police. Mais comment un si brillant inspecteur de police peut-il être radié bêtement alors qu’il n’avait commis aucune faute dans l’exercice de ses fonctions ? Ce cas douloureux, je l’avais soumis à l’appréciation du ministre de l’Intérieur d’alors, le général Lamine Cissé. Lequel, après un long moment de réflexion, me dit ceci : « Bon ! Dites à l’intéressé de faire une demande de grâce adressée au Président de la République.

Et de m’en faire ampliation », m’a-t-il suggéré. Aussitôt conseillé, aussitôt fait ! Malheureusement, la énième demande pour suivi s’est égarée dans le bureau du ministre. Et ce, jusqu’au jour où le ministre Lamine Cissé m’a annoncé que la demande a finalement connu une suite favorable de la part du président de la République. « Déjà, j’ai donné des instructions que l’intéressé soit réintégré dans les rangs de la Police » tient à rassurer le ministre. Mais curieusement, plusieurs mois s’étaient écoulés sans qu’il y eut point de réintégration. Une situation qui a poussé le ministre à s’arracher les cheveux. « Mais comment ça ! Venez avec l’inspecteur concerné, je vous reçois en audience » m’avait-il dit malgré son agenda trop chargé. Et dès que l’ami et moi étions entrés dans son bureau, le ministre de l’Intérieur a aussitôt interpellé l’inspecteur radié en termes « Mais toi là, où sont tes parents ? Et depuis quand est-ce tu ne les as pas revus tes parents ? » a-t-il demandé.

Et soudain, notre bonhomme cherche les mots et peine à répondre avant de lâcher « Ils sont dans le Saloum ! Mon père est décédé. Pour ma mère, cela fait un an que je l’ai pas vue » bredouille-t-il. Le ministre de l’Intérieur humaniste s’étrangle de colère : « Dis-donc ! Comment un fils peut-il rester un an sans voir sa mère alors que le Saloum c’est tout près… Je suis persuadé que tu n’as jamais rien fait pour tes parents. C’est pour cela que tes malheurs s’accumulent et tes affaires se compliquent. Bon, je t’offre une enveloppe de 50.000 CFA pour que tu ailles voir ta mère et demander pardon. Sinon la Justice divine va continuer de s’abattre encore sur toi… » conseille le général Lamine Cissé se coiffant pour l’occasion de la casquette du père de famille. Quelques semaines après cette audience, l’inspecteur en question a réintégré les rangs de la police avant d’être affecté dans un commissariat d’arrondissement de Dakar. Ce jour-là, je venais de découvrir en Lamine Cissé deux autres qualités humaines : la bienveillance et la sociabilité. Et pourtant, l’officier Lamine Cissé était très rigoureux dans le commandement. Il était convaincu du fait que le comportement quotidien du policier doit s’adosser sur l’honnêteté, la droiture et la responsabilité jusque dans son foyer. Mais au-delà de toutes ces considérations, il est de la responsabilité du ministre de l’Intérieur ou des chefs de sauver des carrières pour préserver la survie de toute une famille qui tomberait dans la misère en cas de radiation de son chef.

Et tous ces principes, le général Lamine Cissé savait les harmoniser sans rigueur inutile et ni faiblesse coupable. Mon Général, la mort t’a arraché à mon affection brutalement. Elle vous a aussi arraché de notre affection car vous étiez un fidèle lecteur du « Témoin » jusqu’à revendiquer une certaine assiduité aux éditos de Mamadou Oumar Ndiaye, votre ami. Vous allez laisser un grand vide dans notre cercle commun. Mais ma peine immense sera comblée par vos souvenirs précieux et surtout les leçons de vie (sociale et politique) que vous nous avez léguées pendant votre passage au ministère de l’Intérieur. Ainsi, le ban se referme définitivement sur l’œuvre et la vie d’un brillant officier-général doublé d’un père de famille modèle et exemplaire appelé à rejoindre l’éternel « Hall of fame ». Nous prions que Le Bon Dieu accueillera le général Lamine Cissé dans son Panthéon paradisiaque. A ses veuves, ses enfants et ses anciens camarades d’armes, « Le Témoin » présente ses sincères condoléances. Adieu, mon Général !







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