Le plus grand ennemi de la démocratie serait-il la majorité parlementaire ? Sûrement pas ! Quand la légitimité populaire est le fondement de toute majorité, celle-ci est sauve ! L’expression de toute majorité passe par le vote et c’est le vote majoritaire qui s’impose et dicte sa loi. Cela peut faire mal. Cela peut choquer, mais c’est cela la marche de tout État moderne. C’est une redoutable machine que le vote de la majorité. Elle est forcément au service du prince. Elle le protège et le laisse conduire ses missions. Rien de plus normal ! Il est naturel que cela soit difficile pour ceux qui, dans l’enceinte de l’hémicycle, sont toujours déboutés et toujours battus par le vote de la majorité. C’est presque un anéantissement de tout effort de résistance. Les armes sont trop inégales ! Faut apprendre à s’y faire ! Cette mécanique de la victoire peut rendre des opposants fous. Elle peut renvoyer à l’image d’une démocratie déficitaire donnant tout à la majorité et ne cédant pas un pouce à l’opposition. Mais cette ap- proche n’est pas juste.
À la vérité, la notion de démocratie est complexe et cruelle. Elle n’est parfaite nulle part. Il faut bien qu’il y ait une majorité et une minorité. Il faut certes des contre-pouvoirs pour rendre une démocratie crédible. Mais des contre-pouvoirs n’ont jamais empêché une majorité de s’imposer. Le suffrage universel donne à une majorité de gouverner. Trouver la juste mesure n’est pas aisée ! La démocratie ne saurait constituer un frein pour celui à qui le peuple, par son suffrage, a donné le pouvoir de gou- verner ! Il reste que l’opposition doit jouir de tous ses droits pour s’opposer et le pouvoir de tous ses droits pour gouverner ! Parlons-en sans détour : l’opposition a contesté le résultat des élections présidentielles du 24 février 2019. C’est son droit. Elle a épuisé tous ses recours constitutionnels. Installée librement dans ses certitudes, elle a mené le combat de la résistance jusqu’au bout. Épuisée d’être déboutée, inconsolable, dégoûtée presque, elle a fini par abandonner. Qui peut être juge autre que l’institution à qui la loi fondamentale a donné tous les pouvoirs de délibération ? Nous répondons qu’il existe bien un autre juge : la conscience de chaque Sénégalaise, chaque Sénégalais. Mais une conscience reste une conscience. Si celle-ci ne se transforme pas en action, et quelle action, que faire ? Nous n’avons pas la réponse.
La rue, des émeutes massives, auraient pu être une réponse au pouvoir, mais pas forcément décisive. Et jusqu’où cette nature de la réponse aurait pu changer la donne ? Le peuple sénégalais a pris acte de la posture des uns et des autres. L’opposition s’est rebellée. La cour constitutionnelle a délibéré. Le nouveau président élu a prêté serment conformément à la loi. Il entame son quinquennat devant le peuple sénégalais qui a pris acte. Certains prient pour que Macky Sall réussisse. D’autres prient pour qu’il échoue. Voilà une autre forme de démocratie ! Avant Dieu, c’est au président de se donner lui-même toutes les chances de remplir ses promesses faites au peuple sénégalais. Il suffit d’avoir assisté le samedi 4 mai 2019 à la séance plénière de l’Assemblée nationale sur le projet de loi soumis à l’Assemblée nationale pour la suppression du poste de PM, pour se faire une idée du niveau de notre démocratie. Nous avons tout vu, tout entendu en direct ! Débat difficile, échanges assassins, consensus impossible. Des murs et des murs partout. Le président du Parlement malmené mais digne et puissamment protégé par sa culture d’État, mais mieux : c’est un homme de l’âge d’or des sciences humaines. Le connaissant, nous avons pensé qu’il devait psalmodier intérieurement, à mesure que le débat enflait, des formules de So- crate, Démosthène, Confucius, pour contenir son pouls. La culture transforme le venin en jus ! Triste tout cela quand nous assistons à ces si pénibles diatribes entre ceux qui représentent le peuple. Mais nous refusons de croire que notre pays est à genoux face à ces séances désarmantes de notre vieux Parlement. La démocratie non plus n’est pas à genoux, même si on lui fait porter des haillons. Ce qui est à genoux, c’est notre culture de la mesure, du consensus. Ce qui nous manque et qui peut être plus important que la démocratie, c’est notre besoin de respect, de fraternité, d’élévation, de générosité, de hauteur. En un mot, il nous faut aller vers l’écoute entre le pouvoir et l’opposition. Quoique cela puisse coûter aux uns et aux autres, au président de la République, le premier. Il est notre premier interlocuteur. Son devoir et ses responsabilités ne sauraient être les mêmes que celles des autres. Il doit taire en lui tout dépit, toute colère, toute adversité, même légitimes. Il ne s’appartient plus. Du moins telle est notre intime conviction !
À la vérité, si rien n’empêchait légalement le président de saisir l’Assemblée nationale pour faire voter son projet de loi, il n’y a pas de quoi fouetter un rat. Ceux qui, nom- breux, pensent qu’il aurait pu en informer le peuple et solliciter l’avis de l’opposition, peuvent également admettre que rien ne l’y obligeait. Passer par un référendum ? Renseignement pris, rien ne l’y obligeait non plus ! Informer le peuple par un message à la nation ? L’option aurait été heureuse et élégante ! Elle participerait d’une bonne communication qui serait fort appréciée, d’autant qu’en informant son peuple il informe son opposition, en sachant qu’il ne peut rien attendre d’elle. Finalement. Macky Sall a choisi, finalement, de pleinement s’assumer ! Que chacun s’assume à son tour ! Bien sûr, les missions présidentielles ne doivent pas attendre. Les Sénégalais, non plus, ne peuvent plus attendre. Chacun des actes du président doit avoir désormais un impact mesurable sur la vie quotidienne de ses compatriotes. C’est ce qu’il souhaite, dit-on. Mais Il nous faut cependant rétablir une fraternité commune. Le président doit s’y atteler sans rien sacrifier à l’urgence de ses missions. Nous savons tous qu’il est des villes dans le monde qui font plus de 16 millions d’habitants à elles seules. Nous sommes un pays avec un peu plus de 15 millions d’âmes. Nous réussirons si nos nouvelles richesses énergétiques et leurs dividendes sont bien réparties pour un meilleur niveau de vie des Sénégalais. Aucun échec n’est envisageable. Il est impossible d’échouer. Le Sénégal est sur la bonne trajectoire. Il s’agit juste de bien distribuer.
« Servir er non se servir » dit Macky Sall lui-même ! Elles ne sont pas tombées du ciel nos nouvelles richesses ! Elles étaient inscrites dans le temps de la marche de notre peuple. Le temps et non le hasard, a voulu que ce soit sous le président Macky Sall que le processus de découverte et d’exploitation a abouti ! Ces richesses lui survivront ! Il ne partira pas avec elles dans ses valises. Ces richesses sont exploitables au moment où il est programmé à ne plus danser qu’une seule valse, c’est à dire accomplir un seul et dernier mandat. Mais quelle valse Macky Sall va nous danser, quelle valse, mais alors quelle valse époustouflante d’ici 2024, pour dire qu’il n’aura que le travail comme compagnon durant cinq ans et cinq ans, c’est déjà demain ! voilà une autre ruse de l’histoire qui nous donne à faire face à ce spectacle de celui qui fait jaillir l’or et qui le laisse ensuite aux autres, son temps de pouvoir s’étant épuisé ! L’histoire aurait pu se présenter autrement. Les chemins du divin sont simplement impénétrables !
Aujourd’hui, est-il possible de recoudre les déchirures entre nos hommes politiques ? Le peuple sénégalais demande à ce qu’on le respecte. Il demande de sauvegarder l’image du Sénégal ! Nous devons retrouver nos bonnes brosses à dents, notre bonne trousse de toilette. Nos fêlures sont exposées au monde. La politique, telle qu’elle s’exprime en ce moment et se vit dans notre pays, nous fait beaucoup de mal ! Notre peine nous interpelle pour demander à nos hommes politiques de construire des ponts et non des murs entre Sénégalais. Les hommes de culture que nous tentons d’être avec humilité afin de poursuivre le rayonnement de notre grand petit pays, sont interpellés de par le monde sur l’état désastreux de notre scène politique. Celle-ci inquiète mais elle ne rompt pas encore la profonde sympathie que notre pays suscite au regard de sa vitalité démocratique qui a vu des alternances politiques se dérouler dans une Afrique plutôt sombre et violente. Il y a aussi ce têtu et admirable passé d’un Sénégal défendant et nourrissant un esprit puissant et somptueux, portant une pensée intellectuelle opératoire autour de grands concepts enfantés par Senghor et Cheikh Anta Diop. Ne serait- ce pas enfin l’occasion pour que le Sénégal fasse le point sur le cheminement de la pensée de ses intellectuels et en même temps de son cheminement culturel et artistique depuis l’indépendance autour de la question de savoir où nous en sommes en 2019 sur le renouvellement de nos chocs et créativités esthétiques depuis 1960 ? Qu’avons nous créé de nouveau et de portée internationale dans la pensée, la littérature, la peinture, la sculpture, le cinéma, le théâtre, la danse, la musique, la photographie, le design ? Qui sont nos nouveaux critiques d’art dont nous avons tant besoin ? Nos nouveaux critiques littéraires ? Le Sénégal a-t-il reculé, fait-il du sur- place, innove t-il, influence-t-il l’Afrique et le monde comme dans les fécondes années 70 où nous avons fait beaucoup d’enfants célébrés de par le monde ? La soucieuse politique du livre et de la lecture, la pénible et aride foire du livre, le désarroi des vaillants forçats de l’édition sénégalaise, les parts du diable dans la promotion des arts et des lettres, la soucieuse sauvegarde de notre prestigieuse Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, insuffler une nouvelle dynamique à nos centres culturels régionaux si pauvres. Autant d’interrogations citoyennes sur des plateformes majeures qui, réformées, porteront un Sénégal nouveau qui fera la différence sur les scènes africaines ?
Notons aussi combien la création d’emplois dans le secteur de la culture est phénoménale ! Tiens, et si le ministère de l’Intérieur, innovait sous Macky Sall, en sponsorisant désormais les romans policiers des auteurs Sénégalais ? Saluons notre Musée des Civilisations Noires ! Il se révèle de jour en jour comme un formidable espace de rencontre et d’échange de la vie de la pensée et de la créativité ! Si nous décolonisons en nous le concept de musée, nous aurons fait de ce bijou une nouvelle découverte esthétique et de mise en relief époustouflante de nos arts ! Rendons ici hommage à tous ses magnifiques fonctionnaires, serviteurs et acteurs culturels de notre pays qui continuent de tant donner ! Par ailleurs, il importerait de revoir de près les cahiers des charges de nos médias publics et privés. Quelle place font-ils aux arts et à la culture au sens large, à l’école ? C’est tout cela à la fois qui fait l’ensemble de la dynamique de notre démocratie créative qui ne se résume pas aux seules frasques des hommes politiques ! Le renouveau et les accélérateurs appelés par le président Macky Sall interpellent tous les espaces de vie et de représentation de notre pays. Quand un président de la République crédité d’une belle jeunesse décide de se passer d’un Premier ministre, pour, dit-il, prendre directement les choses en main et aller directement au charbon, où peut se cacher le mal ? Cela ne peut en aucun cas ressembler à un suicide ! C’est même courageux et risqué pour un chef de marcher seul vers les barrières, pour le dire de cette manière. Il s’y ajoute que le Sénégal a déjà vécu ce schéma avec les prédécesseurs de Macky Sall ! Par contre, en proposant une réforme qui fait que le pouvoir exécutif et législatif se neutralise, pour faire court, peut prêter à polémique et hérisser opposants politiques et citoyens libres. Mais dès lors que l’Assemblé natio- nale elle-même visée, approuve cette nouvelle donne et la valide par sa majorité, que faire, que dire, quoi penser de cette sauce qui semble lui plaire ? En quoi me demande l’Ambassadeur de Tombouctou cette réforme constitutionnelle impacterait-elle négativement sur la vie quotidienne des Sénégalais ? Je n’avais pas de réponse cohérente car la question me paraissait déjà incohérente par rapport au vrai débat suscité sur la menace de la démocratie !
Partout dans ce pays, nous avons besoin de renouveau, de prospection, d’audace, de créativité, de travail, de suivi, d’évaluation. Ces outils sont indispensables pour porter le vrai développement d’un pays. Toutes les politiques publiques doivent être repensées, revisitées, restructurées, réévaluées avec surtout des obligations de résultats liées à des chronogrammes. En écoutant les médias internationaux au lendemain de l’adoption par le Parlement Sénégalais de la loi supprimant le poste de Premier ministre et des images laissées au monde par nos représentants du peuple, nous avons appris que la démocratie cessait d’être la priorité dans nombre de pays de l’Afrique de l’ouest, dont le Sénégal. Ce serait plutôt l’économie, désormais, et la sécurité, qui prendraient le pas sur l’édification d’une démocratie et l’instauration de ses contre-pouvoirs. La communauté internationale laisserait même faire, qu’importe si des régimes de plus en plus autoritaires pointaient le nez. Il s’agit bien d ‘une nouvelle ère avec la bénédiction et le silence des pays du Nord : renforcer les pouvoirs économiques et sécuritaires et non des contre-pouvoirs qui installeraient le désordre et l’instabilité. Les médias dominants du Nord de conclure : Le Rwanda et son président Paul Kagamé seraient les inspirateurs de ce nouveau modèle politique , économique et sécuritaire. A chacun d’en rire ou d’en pleurer !
Nous aimons le Rwanda. Nous saluons le long et courageux travail de réconciliation nationale réussi par Kagamé et cette mémoire souffrante recousue. Mais le Sénégal n’est pas le Rwanda et ne le sera pas ! Ce n’est pas la même histoire. Ni politique, ni culturelle, ni identitaire. Bien sûr, la tragédie d’une occupation coloniale infecte a installé le Rwandais dans ce terrifiant drame national. Quand à savoir comment garder notre capitale Dakar, propre, car la question est associée à la belle réussite rwandaise dans ce domaine, la réponse est simple : « en restant tous à la maison, car nous ne salirons alors rien » ! Dit-on, vrai ou faux, méchant ou railleur, les Sénégalais ont une forte parenté avec les poubelles ! Le président Sall a promis de ne pas remettre son épée dans son fourreau, tant que ce mal prospèrera !
Puisse le Sénégal rester lui-même, c’est à dire un grand petit pays qui, sur le chemin de son développement, sauvegarde l’image de sa démocratie qui a donné de belles alternances, de belles leçons au monde, l’image de son attachement aux droits de l’homme, aux droits de la presse, aux droits écologiques et environnementaux, à l’égalité des genres. Il nous faut éviter l’appauvrissement intellectuel de l’école. Éviter l’appauvrissement du pouvoir politique par le manque de dialogue. Il nous faut redevenir ce que nous sommes. Les valeurs priment ! N’oublions pas non plus la parole des anciens : « La noblesse du cœur est supérieure à la noblesse du sang ». Hugo, un poète, écrit ceci de troublant: « La loi est devenue l’ennemi du progrès ». Citoyen du monde, ne lui répondons pas « qu’ il ne ment pas, mais que c’est la vérité qui se trompe » !
Ce pays est si beau ! Si bruyant, si habile, si inattendu, mais si beau ! Que personne ne nous fasse croire le contraire !