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De La Balkanisation à L’atomisation

Qu’ont donc fait les Africains de « l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation », le credo des pères fondateurs, à la création, en mai 1963, de ce qui est, aujourd’hui, l’Union Africaine? Le Ghana, pays de Kwame Nkrumah, chantre de l’unité africaine, est, à son tour, confronté à la tentation séparatisme.

RFI: Après les tentatives, plus ou moins couronnées de bonheur, en Somaliland, en Erythrée, en Casamance, au Soudan du Sud, au Cameroun anglophone et ailleurs, c’est l’Est du Ghana qui veut, à présent, proclamer sa souveraineté, sous le nom de Togoland occidental. De quoi s’agit-il, exactement, et que vient donc chercher le nom Togo dans ce Togoland ?

Ce Togoland a tout à voir avec le Togo, tout comme l’Ambazonie a tout à voir avec le Cameroun. C’est d’ailleurs exactement la même histoire, sauf que la configuration s’est, pour ainsi dire, inversée. Un peu comme si le Cameroun anglophone, à l’indépendance, avait été rattaché au Nigeria, et que les revendications actuelles des séparatistes de cette partie du Cameroun étaient dirigées, non contre Yaoundé, mais contre Abuja. Cela peut avoir l’air un peu compliqué, mais tentons de simplifier au mieux. A l’origine, ce Togoland occidental était tout simplement l’ouest du Togo, ce qui est exactement la traduction, en français, du nom que donnent ces séparatistes au territoire qu’ils voudraient libérer ou détacher du Ghana.

A l’indépendance, le Cameroun a, d’une certaine manière, récupéré l’intégralité du territoire qui était sous protectorat allemand jusqu’à la Première Guerre mondiale. Il est vrai que cette partie du Cameroun avait son autonomie, et il a fallu, au pouvoir central, à Yaoundé, courtiser ses leaders pour les convaincre de se fondre dans ce qui sera, dans un premier temps, une République unie du Cameroun, avant de n’être plus que la République du Cameroun que l’on connaît aujourd’hui. Et l’on a bien compris que certaines des récriminations des séparatistes camerounais est de n’avoir pas eu tout ce qui était promis à leurs pères, au moment où on les courtisait pour s’unir franchement et définitivement.

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Les séparatistes camerounais n’ont jamais fait valoir qu’ils voulaient se fondre dans le Nigeria, alors que les Ghanéens semblent tenir à leur identité togolaise…

Ceux du Cameroun semblent croire à la viabilité d’une entité réellement indépendante, et ceux du Ghana n’ont jamais dit vouloir rejoindre le Togo. Mais cette partie du Togo allemand aussi est une terre riche, qui n’a d’ailleurs pas fini de révéler tout ce qu’on lui prêtait. Vous savez que le Cameroun, comme le Togo, étaient, à l’origine, des protectorats allemands. Dès le mois d’août 1914, au tout début de la Première Guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne ont envahi le Togo. De son côté, le Cameroun était envahi par les troupes britanniques, belges et françaises. Quelques-unes des humiliations infligées à l’Allemagne, vaincue, consisteront à la priver de ses possessions africaines. La Société des Nations divise alors le Togo et le Cameroun en deux, pour les placer sous mandat, en partie, de la Grande-Bretagne et, pour l’autre partie, de la France : l’ouest du Togo à la Couronne Britannique, déjà présente dans la Gold Coast voisine, et l’est, à la France, présente au Dahomey (l’actuel Bénin). Ce partage faisait implicitement de ces deux pays des prolongements des colonies anglaises et françaises voisines.

Dans l’Ouest du Cameroun, il y avait également une colonie britannique, le Nigeria.

Oui. Et voilà comment et pourquoi, entre 1918 et 1960, ces deux pays, où l’on parlait allemand, en plus des langues des populations autochtones, sont devenus, en partie, anglophones et francophones.

En somme, le Cameroun, comme le Togo, étaient des pays entiers, sous tutelle de la Grande-Bretagne et de la France. Ne devaient-ils pas être restitués comme tels à leurs peuples ? Au soir d’un fameux référendum, en mai 1956, il paraît que l’unique observateur était à quatre pattes, tellement il avait bu. L’histoire ne dit pas qui l’a abreuvé de quoi.

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Les leaders de ce qui est resté du Togo ont longtemps eu ce référendum en travers de la gorge. D’où les très mauvaises relations entre Kwame Nkrumah et Sylvanus Olympio, fragilisant ce dernier, au point de faciliter son assassinat, le 13 janvier 1963.

Ces séparatistes préféreraient-ils être Togolais, plutôt que Ghanéens ?

Eux seuls le savent. Le Ghana a connu une certaine déchéance, du fait de la corruption des généraux qui se sont succédé à sa tête, de 1966 à 1979, et la vie, jusqu’en 1992, n’y a pas été simple. Aujourd’hui, c’est devenu un des pays les plus enviables de l’Afrique de l’Ouest, avec de réelles perspectives économiques et une démocratie crédible. Mais il ne faut jamais oublier que les peuples n’aspirent pas qu’à la démocratie et au bien-être économique. Leur dignité peut être au-dessus de toutes ces considérations.







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