Menaces sur l’approvisionnement de Dakar en eau potable
Pour trouver une solution durable aux difficultés d’approvisionnement en eau potable de la région de Dakar, le gouvernement du Sénégal a élaboré de nouveaux programmes hydrauliques appréciables :
réalisation de nouveaux forages captant la nappe des sables infra-basaltiques de la presqu’île de Dakar située dans le secteur des Sicap – Camp Leclerc – stade Léopold Sédar Senghor – Foire – Ancien aéroport Lss – Yoff – Vdn ;
réalisation de nouveaux forages captant la nappe semi-profonde des calcaires du Paléocène dans le couloir Ndoyène – Santhiou Dara – Bayakh – Diender ;
réalisation de nouveaux forages captant la nappe des calcaires du Paléocène dans le secteur de Dias Palam – Palam Tioyane – Palam Rok (à l’Ouest de Tassette, Sud Thiès) ;
réalisation (en cours) de l’usine Keur Momar Sarr 3 (Kms3) de traitement des eaux du lac de Guiers situé au Nord du pays ;
projet de réalisation, dans le secteur des Mamelles à Ouakam, d’une usine de dessalement d’eau de mer.
Actuellement, l’approvisionnement en eau potable de la région de Dakar est en grande partie assuré par l’eau de surface provenant du lac de Guiers.
L’autre partie est assurée par des forages de renforcement réalisés le long de l’axe Louga – Kébémer – Kelle, Pout – Sébikhotane.
Le lac de Guiers représente donc une ressource en eau de surface très importante pour la région de Dakar.
Mais le lac de Guiers, étant situé à 230 kilomètres au Nord-Est de Dakar, ne constitue pas une réserve stratégique pour la région de Dakar.
En effet, une réserve stratégique en eau potable doit être caractérisée :
par sa disponibilité permanente (eau de secours) ;
et surtout par sa proximité immédiate (autochtone).
Ainsi, dans un monde d’incertitude sécuritaire (guerre, terrorisme), le paramètre transport de l’eau sur 230 kilomètres constitue le handicap sécuritaire majeur qui fait que le lac de Guiers ne constitue pas une réserve stratégique pour l’approvisionnement en eau de la région de Dakar.
Assurer à la capitale Dakar une réserve stratégique (secours permanent pendant les moments difficiles et d’insécurité) en eau potable constitue actuellement un impératif majeur dans un monde d’incertitudes.
Pour assurer à Dakar une réserve stratégique en eau potable, en prévision de périodes d’insécurité, il faudra au préalable :
achever la réalisation du projet Kms3 ;
réaliser l’usine de dessalement prévue au niveau des Mamelles à Ouakam ;
projeter la réalisation d’une seconde usine de dessalement d’eau de mer dans la région.
La réalisation de ces infrastructures hydrauliques permettra d’arrêter la mise en service des batteries de forages Sones captant :
la nappe à eau douce des sables infra-basaltiques de Dakar ;
la nappe à eau douce des calcaires du Paléocène entre Ndoyène – Bayakh et Diender ;
la nappe à eau douce des calcaires du Paléocène dans la zone des villages Palam (à l’Ouest de Tassette, Sud Thiès).
Arrêter la production au niveau de ces batteries de forages permettra de préserver ces nappes souterraines à eau douce (réserve stratégique), qui sont actuellement sous la menace avérée de pollutions salines irréversibles :
La nappe des sables infra-basaltiques de Dakar :
Cette nappe est localisée sous la coulée volcanique du secteur de l’autoroute – stade Lss – Foire – Ancien aéroport – Ouakam – Vdn – Sicap.
La surexploitation de cette nappe a provoqué une avancée progressive du biseau salé de la mer à partir de Yoff au Nord et Hann au Sud.
Donc la poursuite des pompages des forages Sones de Dakar va inéluctablement provoquer, dans l’avenir, une progression de ces deux fronts salés et la salinisation irréversible de cette réserve stratégique d’eau douce.
La nappe semi-profonde des calcaires du Paléocène située entre les villages de Ndoyène, Bayakh et Diender
Appelée communément panneau calcaire de Sébikhotane, cette nappe s’étend du village de Yène au Sud jusqu’aux villages de Notto Gouye Diama – Sao au Nord, en passant par William Ponty, Sébikhotane, Ndoyène, Bayakh et Diender.
Suite à une surexploitation (forages du secteur William Ponty – Sébikhotane de la Sones et d’un privé agricole), cette nappe jadis à eau douce est actuellement polluée jusqu’au niveau de l’axe Nord école William Ponty – Nord Sébikhotane par la remontée saline, en profondeur, à partir de la mer de Yène.
Le barrage d’infiltration d’eau de pluie réalisé sur le tracé du marigot le «Panthior» à l’Ouest du village de Ndoukoura (vers Yène) n’a pas permis de stopper cette pollution saline.
La réalisation en 2018 d’une batterie de forages Sones entre Sinthiou Dara, Bayakh et Diender va inéluctablement accélérer le processus de salinisation irréversible de cette nappe à eau douce, réserve stratégique pour la région de Dakar.
De même, l’installation d’une unité de dessalement au niveau de forage déjà pollué dans le secteur de William Ponty contribuera à accélérer la remontée saline vers le Nord, le long du panneau calcaire du Paléocène.
Cette batterie de forages Sones va aussi entraîner la progression vers Diender de l’intrusion salée localisée dans le secteur Kayar – Keur Mbir Ndao – Ngadiaga.
La nappe semis-profonde à eau douce des calcaires du Paléocène située dans le secteur de Dias Palam – Palam Tioyane – Palam Rok (à l’Ouest de Tassette, Sud Thiès)
La réalisation en 2018 d’une batterie de forages Sones dans ce secteur va inéluctablement accélérer le processus de salinisation irréversible de cette nappe à eau douce (réserve stratégique pour la région de Dakar).
En effet, cette nappe est encadrée au Nord et au Sud par deux aquifères des calcaires à eau saumâtre du Paléocène :
la nappe à eau saumâtre à salée des calcaires du secteur des villages de Nguékhokh, Tène Toubab et forêt de Bandia.
La nappe à eau saumâtre des calcaires du Paléocène localisée, au Nord, dans le secteur des villages de Tatène Bambara et Tatène Sérère.
Notons que la nappe profonde des sables à eau douce du Maastrichtien du horst de Diass, située entre les villages de Kirène et Bandia, peut aussi constituer une réserve stratégique pour la région de Dakar.
Mais une surexploitation de cette nappe (grand domaine agricole au Sud du village de Kirène) entraînera, à long terme, l’évolution de la pollution saline au Nord de la forêt de Bandia vers la nappe des calcaires du Paléocène des villages Palam.
En effet, la nappe des calcaires de Bandia se comporte comme une éponge vis-à-vis de la nappe sous-jacente des sables du Maastrichtien. Par conséquent, une surexploitation du Maastrichtien au Sud du village de Kirène favorisera, à long terme, l’avancée de la salinité des calcaires du Paléocène vers le Nord.
Conclusion
Le lac de Guiers représente une ressource en eau appréciable pour l’approvisionnement en eau potable de la région de Dakar.
Mais situé à 230 kilomètres au Nord-Est de Dakar, il ne constitue pas une réserve stratégique à cause du paramètre transport dans un monde d’incertitudes sécuritaires.
Donc, la préservation de nappes vulnérables autochtones constitue actuellement une nécessité pour assurer à la région de Dakar une réserve stratégique en eau souterraine.
Donc, après l’achèvement des travaux du projet Kms3 et la réalisation urgente d’usines de dessalement d’eau de mer, il faudra arrêter ces nouveaux forages Sones afin de stopper le processus de salinisation de ces nappes à eau douce (réserves stratégiques pour la région de Dakar).
Notons que ces usines de dessalement joueront aussi un rôle de réserve stratégique pour Dakar.
L’importance stratégique d’une telle décision doit nécessiter le vote d’une loi à l’Assemblée nationale afin d’empêcher toute décision de remise en service permanente de ces batteries de forages.
Notons que la décision «politique» irresponsable de réaliser, en 2003, une brèche de trois mètres de large sur la langue de barbarie (Saint-Louis) a aujourd’hui pour conséquence :
la destruction continue de cette bande de terre protectrice sur cinq kilomètres ;
la salinisation progressive de la nappe à eau douce des sables du Quaternaire dans ce secteur à vocation maraîchère ;
de très nombreux accidents mortels regrettables.
Avec des moyens techniques et financiers titanesques, il est possible de stabiliser cette brèche sur la langue de barbarie.
Mais la salinisation d’une nappe souterraine est un processus irréversible.
Dr Same DIOUF
Hydrogéologue-géophysicien