Ne se passe au Sénégal une semaine sans homicide crapuleux, sans féminicide odieux, sans infanticide honteux. Une rapide comptabilité macabre permet d’arriver à des centaines de crimes commis au cours de la décennie.
Quinze ans après l’abolition de la peine de mort au Sénégal, un constat horrible s’impose : le bilan est « reluisant » pour les criminels, acceptable pour les organisations de droits de l’homme, mais stupéfiant et terrifiant pour les populations.
En vérité, il y a lieu de revisiter la législation sur la peine capitale. D’abord, il n’y a pas de consensus international sur la question. Ensuite face au terrorisme, plusieurs Etats ont introduit la peine capitale. Enfin nos sociétés – visiblement en panne – sont violentes et criminogènes.
De là, nous entendons les cris d’indignation des abolitionnistes. Nous percevons les éléments de langage préfabriqués. Ils s’en iront répétant que « la peine de mort est un meurtre commis par un Etat » ; ou « un châtiment cruel, inhumain et dégradant, infligé au nom d’une justice d’un autre âge ». Ils diront également que : « la personne humaine est sacrée […] Tout individu a droit à la vie ». Article 7 de la Constitution du 22 janvier 2001
Plus sérieusement : allez dire aux familles endeuillées et éplorées que « la vie humaine des criminels est sacrée ».
Nullement désemparés, les abolitionnistes expliqueront avec un aplomb considérable que la tendance mondiale est à la disparition de la peine capitale. Dans la foulée, ils dénombreront 140 Etats abolitionnistes sur 198 environ. Oubliant d’une part, de préciser que plus de 70 % de la population mondiale n’a pas aboli la peine de mort. A commencer par les plus peuplés : la Chine et l’Inde. Ajoutons-y l’Indonésie, le Bangladesh, le Pakistan, les Etats-Unis, le Japon et la plupart des pays arabes. Sans oublier l’Egypte, le Nigeria, la RD Congo, le Tchad, la Somalie et le Soudan qui ont rétabli la peine de mort à l’encontre des auteurs d’actes terroristes. A côté, une position surprenante venue du Burkina Faso. Face au péril terroriste, il vient d’abolir la peine de mort. Comprenne qui pourra !
Et puis, les abolitionnistes oublient de rappeler que le Droit international prévoit la peine de mort pour les crimes les plus graves. Ils oublient également de dire que pour l’ONU, cette question est du « ressort de chaque Etat membre ».
Pour terminer, ils aiment à avancer l’argument-roi : le risque d’erreur judiciaire. Ils ont raison ! Et c’est bien à ce niveau qu’il faut les rassurer. Oui « la peine irréparable suppose un juge infaillible ». Or nul n’est dans l’infaillibilité.
C’est pourquoi nous évoquons ici, une théorie nouvelle en Droit pénal, « le crime flagrant » construit autour de la flagrance. Les articles 337 et 346 du Code pénal sénégalais avaient été modifiés. Il s’agira de prévoir encore de nouvelles dispositions pour infliger un châtiment juste et approprié aux auteurs de crimes les plus horribles.
Expressis verbis, l’on disposera par exemple que lorsqu’une personne tue une ou plusieurs autres personnes ; lorsque manifestement l’on est en présence d’un meurtre commis par un homme sur une personne parce qu’elle est femme (féminicide ou gynocide) ou d’un acte terroriste, la peine de mort doit être automatique et la piqure létale immédiate. Sauf pour les cas suivants : 1) si le criminel a moins de 18 ans au moment des faits, 2) si la personne est en état de grossesse, 3) si elle allaite un enfant et 4) si le meurtrier est âgé de 80 ans révolus.
Par conséquent, le principe d’exceptionnalité pénale viendra tempérer le caractère faussement « irrévisable » de l’abolition de la peine de mort.
Cela dit, entre les partisans et les défenseurs de la peine capitale, il est possible d’avoir « une position du milieu » qui consistera à introduire le principe d’exceptionnalité ; ce qui entraînera ipso facto une peine de mort automatique dans des cas évoqués plus haut.
Principe de cohérence
Il est toujours bon de replacer les choses dans leur contexte.
En décembre 2004, quinze ans déjà, sous la houlette de Pape Diop, président de l’Assemblée nationale, les députés avaient le redoutable privilège d’examiner le projet de loi relatif à l’abolition de la peine de mort.
Au moment où ils prenaient cette initiative, attendaient dans le couloir, quatre condamnés à mort.
Après une demande de grâce présidentielle, leur condamnation était commuée en une peine de prison à vie. Parce que forts d’une majorité écrasante, les élus libéraux avaient adopté cette loi considérée comme « historique » aux yeux des organisations de droits de l’homme d’extraction « européo-centristes », en même temps qu’elle laissait le peuple perplexe et incrédule. Seule une frange de l’opposition amenée par Moustapha Niasse avait manifesté une franche désapprobation.
Aujourd’hui, les faits semblent donner raison au président Niasse.
Il est vrai que la peine de mort n’a été appliquée que par deux fois au Sénégal, depuis 1967 : le premier accusé Moustapha Lô avait tenté d’assassiner le Président Senghor. Le second Abdou Faye avait froidement abattu le député-maire Demba Diop. Au-delà des personnages publics, des centaines de Fatoumata Makhtar Ndiaye [ancienne conseillère économique et sociale sauvagement égorgée] et Binta Camara [violée et tuée à Tambacounda, ce week] sont victimes de féminicides au quotidien. Les coupables boivent, mangent et dorment tranquillement à la prison Rebeuss.
Nous sommes en 2019. « Les faiseurs de lois » sont face à leur conscience. Ils sont interpelés. A commencer par le Président Moustapha Niasse : nous en appelons à sa conscience politique, à son éthique de responsabilité et à ses saines colères républicaines. Et surtout au principe de cohérence.
Honorables députés, vous êtes majoritairement favorables au rétablissement de la peine de mort. Parce que, tout, à commencer par votre for intérieur, votre déontologie intime, votre intime conviction et vos croyances religieuses, vous conduit irrémédiablement vers une proposition de loi allant dans ce sens. C’est alors que vous tiendriez l’occasion ultime de refléter parfaitement la volonté populaire.
En Droit l’on enseigne que « ce que la loi a fait, seule la loi peut le défaire ». Mieux, l’initiative des lois appartient concurremment au gouvernement et au parlement. Les anciens ministres de la Justice, Me Sidiki Kaba, Pr Ismaïla Madior Fall ont été constants : « il n’est pas question de revenir sur la peine de mort ». Me Malick Sall viendra conforter la position officielle de l’Etat.
Le peuple, au nom et pour le compte duquel vous agissez, est toujours maître de changer ses lois, même les meilleures, enseigne Jean-Jacques Rousseau. Une simple proposition de loi suffirait…
Cheikh Omar Diallo est Docteur en Science Politique, Directeur de l’Ecole d’Art Oratoire