Les sénégalais sont allés aux urnes et ont élu leur président en la personne de Macky Sall. Ce dernier, nous disions, par le parrainage et la justice, a aidé l’électeur sénégalais à confirmer ses choix exprimés en plusieurs élections : (i) trancher la compétition entre les héritiers de Senghor et de Wade et (ii) renouveler sa confiance en sa classe politique traditionnelle pour qu’elle le mène vers le développement malgré son échec des 60 dernières années. Il est donc vrai que l’électeur sénégalais est en quête d’un consensus sur le chemin du développement de la part de ceux qu’il considère comme les «sachants» de sa démocratie, ne connaissant pas lui-même le chemin.
Il n’est en effet un secret pour personne que l’électeur sénégalais moyen, et même le politicien moyen, ne sait pas distinguer entre les visions des candidats parmi lesquels il a la responsabilité de choisir. Il n’est même pas certain que les candidats eux-mêmes puissent définir leur propre vision qu’on ne peut parfois découvrir qu’en les écoutant développer leurs propositions. Un dialogue national post électoral institutionnalisé entre les «sachants» peut de ce point de vue être utile pour dégager un consensus et permettre d’identifier ce que pourrait être une opposition constructive. Au Sénégal, nous avons soutenu que toute la classe politique a la même vision du développement : celle d’un État et ses démembrements qui règleraient les problèmes des citoyens à leur place sans en avoir les moyens émanant de ces mêmes-citoyens ou d’une organisation financière le permettant. Le pétrole et le gaz vont renforcer cette réalité en relaxant la contrainte budgétaire du pays.
Il est donc très probable que le dialogue national produise des consensus découlant d’un «group think» ou d’une «pensée de groupe». Cette pensée se caractérisera par l’absence de voix discordantes du fait d’un consensus inconscient du groupe devant produire les recommandations et qui, au final, les empêchera de voir qu’ils sont eux-mêmes le problème. Ce consensus national est le socialisme congénital sénégalais et le mode de gouvernance du pays qui en découle depuis 60 ans et qui consiste à croire que notre Etat peut nous développer. Notre Etat, les citoyens, et les acteurs politiques qu’il a produits sont notre problème. Nous avons donc besoin d’un leadership transformationnel fort qui dégagerait une vision alternative et appellerait à être suivi.
Nous pouvons effectivement nous accorder sur les règles du jeu démocratique (mode d’élection, parrainage, partis politiques, calendrier électoral, etc.), mais nous ne remettons jamais en question notre consensus congénital qui est la source de nos maux et le guide de nos choix. Il ne sert à rien d’élire des maires qui ne peuvent pas faire grand-chose. Il ne sert à rien de formuler des attentes d’un Etat central qui ne peut pas satisfaire nos demandes puisqu’il n’est que le reflet de notre propre incapacité à créer de la richesse et à nous gouverner dans la responsabilité. La richesse du sous-sol ne changera pas cette donne. De ce point de vue, le dialogue national est nécessaire pour renouveler notre pacte démocratique et confirmer notre consensus congénital caractérisé par la main tendue à l’Etat qui ne produira pas de résultat. L’opposition se définira alors clairement au sortir de ce dialogue.
Le président Macky Sall qui n’a plus de mandat à rechercher peut avoir décidé d’être au-dessus de la mêlée pour sortir du «groupe think» et remettre en cause sa propre vision que nous avions critiquée dans une tribune intitulée «Macky Sall a choisi : Socialisme et Capital Etranger». A défaut, il aura lui-même aidé par le dialogue et la «pensée de groupe» à confirmer ce que devrait être son opposition : le libéralisme dont il se réclame sans jamais en assumer les conséquences. Ce libéralisme qui devra également être patriotique nécessite la décentralisation du pays en pôles régionaux autonomes financièrement inclus dans une monnaie compétitive, des pôles à renforcer en moyens humains et matériels, l’élection des élus locaux sur cette base, et la mise en place d’un sénat où les «sachants» et les représentants des pôles régionaux pourront se retrouver et confronter leurs consensus locaux et multiples. Un report des élections locales sur cette base en vaudrait la peine pour bâtir un Sénégal «par» tous plutôt qu’un Sénégal «pour» tous. Ces deux visions alternatives doivent s’affronter pour que le Sénégal puisse se transformer du fait d’un leadership nouveau, assumé, et suivi mais que le consensus ne permettra pas de produire dans le camp du pouvoir si Macky Sall ne l’affirme pas. C’est à se demander pourquoi l’APR a inscrit le manifeste de l’internationale libérale dans ses statuts.