Il est difficile de compter le nombre d’appels au dialogue lancés par les différents chefs d’Etat qui se sont succédé au Sénégal. Ces invitations intempestives au dialogue peuvent être perçues comme des appels de détresse, des indicateurs d’une situation de gouvernance publique balbutiante. En effet, si tous les cadres institutionnels et juridiques en place jouaient correctement leurs rôles, un Président de la République n’aurait pas besoin d’appeler au dialogue. Si les dialogues précédents avaient été bien organisés et les recommandations bien prises en charges, un dialogue national n’aurait jamais été convoqué ce 28 mai 2019, 10 ans après des assises nationales boycottées par un
« pouvoir orgueilleux » d’alors. Quel décryptage sur un dialogue national ? En lançant un dialogue national, le pouvoir en place admet l’existence d’une situation de crise. Il me semble que le Sénégal n’est pas dans un tel contexte ; à moins que les tensions soient logées au fond des consciences de ceux qui se sentent coupables. En effet, nous venons de sortir d’une élection présidentielle le 24 février 2019, et le lendemain les sénégalais se sont rendus à leur lieu de travail comme d’habitude. Dès lors nous devons nous poser les questions suivantes : pourquoi un appel à un dialogue national ? Sur quoi doit porter ce dialogue. Le lancement d’un dialogue national traduit la faillite de nos institutions fantoches et budgétivores. Si l’Assemblée nationale, le Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT), le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ne sont pas capables de porter un débat sincère et productif, leur existence poserait problème. Pourtant ces cadres institutionnels devraient servir de hauts lieux de
débats constructifs, hélas ils donnent plus l’impression d’être des espaces pour amuser « la galerie républicaine ». Alors qu’ils coûtent aux contribuables sénégalais pas moins de 30 milliards (Cf. LFI 2019) par an. Les défis auxquels nous faisons face nous obligent à imposer le principe de « value for money » sur toutes les dépenses publiques.
Nous constatons avec regret que les appels au dialogue sont généralement lancés après des échappées solitaires, à l’issue de manœuvres et réformes politiques impopulaires adoptées au forceps. Par conséquent, ils servent à redorer une image froissée, à apaiser des consciences, à retaper une légitimité en mal de reconnaissance. Dès lors il se pose les questions suivantes : à qui profite le dialogue ? Quelle pertinence pour le dialogue, s’il ne règle que des préoccupations conjoncturelles et partisanes ? Les assises nationales tenues entre juin 2008 et mai 2009, ont diagnostiqué presque tous les maux dans notre système de gouvernance et des solutions adéquates sont proposées pour améliorer notre démocratie. Malheureusement les conclusions de ce dialogue sont rangées aux oubliettes. Pire
encore, la majeure partie des organisateurs de ces assisses sont placés au plus haut niveau dans la gestion du pouvoir actuel et ils font fi de l’excellent travail qui a été abattu. Egalement, à défaut d’avoir les conclusions du dialogue lancé en 2016, nous exigeons au moins une évaluation, un bilan avant de répéter les mêmes erreurs. A la lumière de cette situation, nous avons de bonnes raisons de ne pas croire à la sincérité d’un énième dialogue national. En effet, rien de nouveau ne sera sorti de ce dialogue, à part un report des élections locales et une probable suspension du parrainage pour les Locales. Les élections présidentielles furent un test difficile sur le parrainage. A cet effet, si cette réforme électorale est maintenue pour les prochaines élections locales, on assistera à un désordre sans précédent. L’irresponsabilité, la mauvaise volonté, la tendance à la manipulation, l’incohérence, la défense des intérêts partisans sont autant de maux qui polluent le paysage politique sénégalais. Le Sénégal ne peut se permettre de tourner en rond dans son processus de démocratisation politique par la faute de ses acteurs politiques, qui ne défendent que leurs intérêts crypto partisans. Il ne faut pas se tromper de Termes de Référence (TDR) dans ce dialogue national, les objectifs tourneront autour des questions électorales, les autres points devraient relever du programme politique de ceux qui sont élus par le peuple sénégalais. Au demeurant, cette sorte « d’audience foraine » servira également d’échappatoire pour dénouer des dossiers juridico-politiques brûlants. C’est dégradant de constater qu’après deux siècles que le Sénégal ait connu ses premières élections législatives (31 octobre 1848), les questions électorales restent encore au cœur des débats politiques et pompent les énergies. Nous savons bien où se trouvent nos problèmes, mais il y’a un refus intelligent à poser les actes révolutionnaires, par souci de préservation de privilèges et de pouvoirs. Les solutions de circonstance n’ont jamais apporté des réponses durables à une société. Il faut gratter au fond de nos plaies et appliquer les remèdes idoines durablement. Nos problèmes sont causés fondamentalement par un déséquilibre dans la répartition des Pouvoirs de la République. Le sort de 16 millions de sénégalais ne peut pas être laissé à la volonté d’un seul Homme. C’est insensé ! Il faut des réformes courageuses, sans cela nous continuerons à souffrir des desiderata de dirigeants avides de pouvoirs et de privilèges. Quand on n’est pas capable de sacrifier ses intérêts immédiats pour préparer de bonnes conditions de vie aux générations futures, on n’est pas un leader. L’absence de cette conscience patriotique, voire humaniste est un frein à l’action politique salvatrice. Il faudra une masse critique d’hommes et de femmes qui perçoivent ces défis et s’engagent à faire le sacrifice nécessaire pour notre cher Sénégal. Les clés d’un apaisement et d’un rétablissement de la confiance entre les acteurs politiques sont entre les mains de l’Exécutif puisqu’il a toujours tous les pouvoirs. En allant au-delà des discours et poser les bons actes, on n’aurait pas besoin de faire des appels au dialogue, car tout le peuple serait prêt à accompagner le Président Macky SALL à finir son second et dernier mandat en apothéose.
Momath Talla NDAO
Adresse : Kaffrine
E-mail : momathtalla@yahoo.fr
Share on: WhatsAppL’article Décryptage sur le DiaIogue national .