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Pourquoi Pas MariÈme ?

Après la réélection du président Macky Sall dès le premier tour du scrutin du 24 février, j’attendais  impatiemment l’arrivée de mars. Ah ! Que dis-je, mars ! Non. Je prêtais déjà mes oreilles aux échos du 8 mars. La journée mondiale des droits de la femme. Je pensais que pour une fois dans le discours de ces dames symboles d’une lutte noble, usée par la résistance impitoyable face à un égoïsme masculin enrobé d’un chauvinisme culturel, j’entendrais quelque chose de nouveau. Une aspiration féminine plus élevée. Une projection pour prendre possession des instances qu’elles dénigrent chaque année à la même date. Malheureusement pour moi, les discours n’ont pas changé. Seules les formulations des thèmes ont pris un coup de maquillage, selon les goûts et la puissance séductrice de celles qui les ont prononcé. La cible n’a pas changée non plus.

Assis sur mon tabouret, le doigt sur l’écran de mon téléphone portable, je défilais de la page www.com à  www.sn en cliquant au passage sur  www.net. Rien n’a changé ? Oh que si ! Les tissus de cette année ont éré plus classes, plus brillants et plus chers que ceux de l’année dernière. Celles qui les ont porté ont augmenté en corpulence. Toujours le même plaidoyer sur les droits de la femme en pointant du doigt un Homme qui manque toujours à l’appel. A la télé, c’était aussi le même défilé. De belles driankés plus préoccupées par leurs apparences. Le contenu du message ne les intéresse pas trop. À force d’écouter le même refrain, on finit par chanter en chœur avec l’artiste même si on ne parle pas sa langue. Je continuais mon zapping télé. Sorti du cercle des privés, je tombe publiquement sur le président de la République Macky Sall, entouré d’une centaine de femmes sur la RTS1. Le président réélu peut bien se permettre de fêter la Femme.  Et là, je me pose cette question : si c’était une femme à la place de Macky, ce serait qui ? Je préfère économiser mon encre en omettant l’écrasante majorité de l’électorat féminin du fichier électoral. Cependant, je ne peux occulter le fait qu’aucune femme n’était candidate à la présidentielle du 24 février parce que les sénégalais ne le voulaient pas. Ou devrais-je dire, la Femme sénégalaise ne le voulait pas.  Pourtant, il y avait cinq candidates à ce scrutin, toutes recalées.

La réélection de Macky est accompagnée d’un nouveau fait. En effet, pour la première de l’histoire politique nationale, le président de la République ne participera pas à la prochaine présidentielle. Une situation inédite qui fait  qu’au sein de la coalition Benno Bokk Yaakaar, les partis alliés attendent une redistribution des cartes tout en affichant ouvertement leurs ambitions. L’appel de Tanor entre dans ce cadre. Mais la vérité est que tous ces partis gagneraient à s’encrer d’avantage dans cette coalition pour deux raisons. La première est liée au fait que les leaders de ces partis n’ont pas une culture de renouvellement au sein de leurs instances. Par conséquent, pour eux, il est plus judicieux de rester dans Benno et continuer à bénéficier des avantages qu’offre la coalition au pouvoir. La deuxième raison concerne la fracture à l’intérieur des partis comme le PS, l’AFP, La LD, est tellement profonde que leurs bases réelles n’accepteront pas de continuer à être dirigées par des transhumants drapés dans des costumes d’alliés de classe VIP et couverts  de privilèges dans le vol business politique de Benno. Même avec l’aspiration d’atterrir ensemble en 2035. Ah j’ai failli oublié les autres passagers de ce vol. Souleymane Ndéné Ndiaye, Abdoulaye Baldé, Aissata Tall Sall, Mamadou Diagne Fada et autres n’oseraient plus centraliser un rêve de conquête du pouvoir dans leurs têtes de transhumants.

Par contre, au sein de l’Alliance pour la République, les lieutenants de Macky fourbissent bien leurs mines en attendant le bon moment pour  les faire sauter. Ces cadres de l’Apr ont bien raison de taire leurs ambitions.  Parce qu’en face il y a un ingénieur en politique ‘’Es yakk carrière’’.  Sur sa liste noire, sont inscrits en gros caractères des noms comme : Idrissa Seck, Karim Wade, Khalifa Sall, Abdoul Mbaye,  Alioune Badara Cissé, Aminata Touré, entre autres. Aussi, la mise en place du nouveau gouvernement marqué par le processus d’étouffement des ambitions de l’ancien ministre des finances  Amadou Ba devenu ministre des affaires étrangères, ne peut être considéré comme un dossier à classer dans les tiroirs du Fast-track. Comme Aminata, Amadou risque de devenir un étranger de la scène politique aux yeux du citoyen sénégalais. Et on le sait tous, le sénégalais ne votent pas pour un ‘’étranger’’. La suppression du poste de premier ministre vient conforter l’idée pour Macky de ne pas être confronté à la même situation que son prédécesseur.

Les duels entre Wade le père et son fils adoptif Idrissa Seck et l’autre entre Wade le maitre et son élève Macky, restent toujours frais dans nos mémoires.  Macky a tiré les enseignements de ces deux cas précédents sur la question de sa succession. Wade après avoir liquidé Idy avait nommé Macky.  Avec ce dernier, il s’était encore confronté à la montée en puissance d’un Premier ministre considéré par le ‘’peuple’’ comme son potentiel successeur. Comme le président Wade, Macky Sall a déjà choisit son successeur. La suppression du poste de premier ministre et l’enclenchement de la machine d’étouffement des ambitions de son ancien ministre de l’économie et des finances, en témoignent. Macky a un autre élu différent de Mahammad Boun Abdallah Dionne et Amadou Ba pour le succéder. Les propos de son frère cadet Alioune Sall au Grand Jury de  la RFM rapportés par Dakaractu, sont sans appel. Je le cite : ‘’ Il ne faut pas perdre son temps. Les gens sont libres d’avoir des ambitions. Ils vont les assumer. Moi, si j’avais des ambitions présidentielles,  je n’accepterai pas d’être dans le gouvernement. Je prendrais toutes les initiatives pour faire en sorte que le jour où le parti choisira un candidat qu’il soit moi. Mon message est destiné à tous ceux qui, légitimement, peuvent avoir des ambitions… » Il poursuit :  »L’Apr, par contre, est un parti qui doit perdurer, qui doit jouer un rôle éminent et qui doit rester au pouvoir le plus longtemps possible. Je n’ai mené de discussion autour de la succession du président avec personne. Je crois que les gens qui ont des ambitions doivent les assumer en n’impactant pas sur l’efficacité du gouvernement ». Pour moi, il est clair que ceux qui sont dans ce gouvernement sont éliminés d’office par le grand-frère, et le petit-frère le sait.

Sinon pourquoi affaiblir des personnes loyales qui ont fini de faire leurs preuves si l’on sait que Macky ne sera pas candidat en 2024 ? La réponse se cache dans le parcours politique du président. Il a toujours deux coups d’avance sur ses adversaires et la majorité des analystes politiques. L’instauration d’un régime présidentiel ne se justifie pas par son envie de devenir un chef d’Etat omnipotent mais plutôt par le besoin qu’il a de continuer à détenir les clés du jeu politique pour permettre à l’Apr de gouverner jusqu’en 2035. Et pour y arriver, il veut lui-même baliser la voie pour son successeur déjà désigné. A la différence de Wade qui s’était confronté à un problème de timing, Macky a cinq ans pour « tripatouiller » la constitution, analyser la réaction des sénégalais tout en les préparant à accepter, mais surtout à voter pour son candidat. Rassurez-vous, il fera tout ‘’légalement’’. Pas de dévolution monarchique, ni une passation à la ‘’Senghoriènne’’.

Dans son discours de prestation de serment, le président réélu avait commencé par  la formule ‘’sénégalaises, sénégalais…’’, avant de promettre une place de choix à la femme pour ce quinquennat. Par ailleurs, dans ses dernières sorties, le président fait tout pour mettre en avant la gent féminine. Macky est–il en train de préparer l’opinion à l’idée de voir une femme à la tête de la magistrature suprême au Sénégal ?

En effet, pour la première fois au Sénégal, nous avons une première dame de père et de mère sénégalais. Pour la première fois au Sénégal, nous avons une première dame ancrée dans notre culture et qui l’exporte fièrement à chacune de ses sorties. Pour la première fois au Sénégal, une première dame a le pouvoir de (faire) nommer ou de (faire) démettre un ministre sans bruit. Pour la première fois au Sénégal, une première dame prend l’initiative de faire des visites inopinées chez des citoyens avec son lot de terranga. Pour la première fois au Sénégal, une première dame décide de battre campagne toute seule pour faire réélire le président. Enfin, pour la première fois au  Sénégal, une première dame est publiquement félicitée par le Conseil constitutionnel. D’ailleurs, le président de cette institution a reçu une volée de bois vert après cette sortie. L’implication de Marième Faye Sall dans la marche de l’Etat n’est plus à démontrer. Des ministres l’ont déjà certifié.

Mais, quelques soient les avis sur sa personne et sur notre soi-disant culture politique, il faut reconnaître qu’en plus d’avoir du talent en politique, elle maitrise cet art. La preuve, elle a réussi à rassembler autour d’elle toutes les députées juste après l’homologation de la loi supprimant le poste de Premier ministre. Et si dans la tête du président Sall, tout se jouait pour qu’une première fois dans l’histoire politique nationale, une femme succède à son mari par la voie des urnes ? Oui, pourquoi pas Marième ? 







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