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Faut-il Pardonner à Sonko Ses Dérives Verbales ? (elhadji Momar Sambe)

En entendant les propos de O.Sonko, président de Pastef, ma première réaction a été de laisser passer mais en y

réfléchissant, je me suis dit qu’il n’est pas juste ni bon de se taire. Alors j’ai pris ma plume pour partager mes

réflexions sur deux aspects, seulement deux, de son intervention.

1- « Le dialogue national est un cirque »

Traiter le dialogue national de « cirque » c’est confondre dans un mépris souverain tous les acteurs qui ont eu la

liberté, en pleine conscience, d’aller répondre à l’Appel pour un dialogue national tant réclamé autour des questions

d’intérêt national bien compris.

Traiter le dialogue national de cirque c’est traiter toutes les personnalités présentes de comédiens jouant une scène

de mauvais goût sur le dos de la nation, faire injure à l’engagement et aux convictions des forces dont le seul tort

est d’avoir osé répondre présent à l’appel du Président de la république.

Dénier à ces citoyens représentant tous les segments de la société le droit imprescriptible d’exercer leur droit de

choisir leur position sur le dialogue, c’est insulter leur capacité de réflexion et de jugement et manquer de respect à

leurs mandants constitués de partis politiques (opposition, non-alignés, majorité), d’organisations de la société

civile, du patronat, des syndicats, des organisations professionnelles, des foyers religieux et coutumiers, des

organisations faitières de paysans, pêcheurs, éleveurs, jeunes, femmes, etc.

Ce faisant, Sonko porte atteinte à la dignité de la société sénégalaise dans son écrasante majorité. Il piétine une des

valeurs qui fondent notre culture : le respect dû à son prochain, le respect dû à ses aînés, le respect dû aux autorités

religieuses, coutumières, le respect dû aux institutions qui nous gouvernent, de par la volonté souveraine du peuple.

Pourrait-il admettre, demain, pour lui, puisqu’il nourrit la prétention de nous gouverner, que le virus du manque de

respect des institutions (avec ses règles) qu’il inculque à ses militants et aux jeunes, se traduise en pathologie de

rejet de son autorité et de celle qu’incarneraient toutes les autres institutions de la république qu’il ambitionne de

diriger ?

Se peut-il que Sonko ignore à ce point que le dialogue est consubstantiel à la démocratie ? Que la démocratie ce

n’est pas exclusivement la confrontation, la compétition (envers de la médaille) mais également le dialogue, la

concertation (endroit de la médaille) ; que le Président élu de par la volonté du peuple devient de facto le président

de tous les sénégalais, ceux qui ont voté pour lui comme ceux qui ont voté contre lui ; que la démocratie telle

qu’elle fonctionne avec ses règles que Sonko a acceptées pour se porter candidat à la dernière présidentielle est le

patrimoine de tous.

Il n’y a pas dans ce système, cet espace démocratique, majorité d’une part et opposition d’autre part séparée par

une muraille, les bons d’un côté, les mauvais de l’autre, les patriotes d’un côté, les traitres de l’autre. Tous

sénégalais, mais divers, différents et divergents parfois, nous avons le droit et le devoir citoyens de défendre la

démocratie qui organise notre vivre ensemble. Et le patriotisme, l’éthique de responsabilité exige l’assumation de

sa part de construction continue progressive de la perfectible « Dame-démocratie ».

Il est d’une incohérence paralysante, frisant l’absurde, que de participer au jeu démocratique, en en assumant les

règles et de refuser de participer aux concertations permettant la construction et l’amélioration continue de celles-

ci. A moins de comprendre qu’on a raison sur tout le monde et cette raison ne se discute pas ! Dès lors on « entre en

religion » et on tombe dans l’intégrisme !

Faut-il pardonner à Sonko ce qui apparaît comme un manque de conscience de ce qu’est l’autorité, de ce qu’est

une institution, de ce qu’est un système démocratique, fruit de luttes séculaires ?

Faut-il pardonner à Sonko le déficit du sens des responsabilités, de la citoyenneté qui exige le respect de l’autre,

même de ses alliés de l’opposition, des ainés, des parents, etc. ?

Faut-il pardonner à Sonko son ignorance des valeurs culturelles du dialogue, du « Péncoo » ?

Faut-il pardonner à Sonko son offense à la nation en ce mois de tous les pardons, Ramadan ?

2- « Quelle catastrophe nationale justifie que l’on ameute la nation ? »

Est-il possible de penser un seul instant que Sonko ignore qu’une nation responsable, conduite par des patriotes

responsables ne peut pas attendre que la catastrophe survienne pour « s’ameuter » ?

N’est-ce pas négligence que d’attendre que la case brûle pour aller chercher de l’eau pour éteindre l’incendie ? Pour

un patriote prétendant gérer l’Etat et protéger la nation, c’est inadmissible !

Or, certains indicateurs permettraient à un homme averti, un politique conscient de sa mission pour l’intérêt du

collectif de comprendre que le Sénégal est en danger. Pire, le danger est dans le Sénégal. Il est là parce que révélé

par le procès de l’imam Ndao qui nous a appris, alors que les populations dormaient du sommeil du juste, que des

cellules dormantes du terrorisme se formaient et fomentaient des plans d’attaque jihadistes, dans la clandestinité.

Le danger nous entoure de cette ceinture de feu qui appelle quotidiennement notre vigilance sur elle, dans notre

proche voisinage. Il est là au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Niger, il est ici au Mali, se présentant sous des

formes effroyables, d’attentats, de meurtres, d’horribles explosions humaines.

Le danger est en nous dans l’indiscipline généralisée qui frise l’anarchie, prémices d’une société qui plonge dans

l’anomie, vivier nourricier de toutes les monstruosités.

Le danger habite la maison, c’est l’insécurité au quotidien se manifestant par des viols, agressions, vols à main

armée, meurtres répétés qui émeuvent et tétanisent toute une nation, au point de faire penser, pour certains, à la

restauration de la peine de mort, à faire de l’Etat un meurtrier de sang-froid.

Le danger est là dans nos frontières Sud, depuis plus de 35 ans, blessure qui tarde à se cicatriser définitivement,

même quand elle ne saigne pas.

Le danger est devant nous, se dressant menaçant, depuis que notre sol et nos mers ont transpiré le pétrole et le

gaz, faisant désormais de notre pays une proie convoitée par les multinationales du pétrole qui n’hésitent devant

rien quand leurs intérêts sont en jeu.

Comment ne pas comprendre que ce qui se passe sous nos yeux, au Venezuela, avec les tentatives de putsch, a pour

cause le pétrole ?

Comment ne pas comprendre que le chaos, dans lequel on a plongé la Libye, après l’Irak dont les présidents ont été

lâchement assassinés, a pour cause le pétrole ?

Tous ces dangers qui nous assaillent constituent des défis à relever. Et aucune nation, le Sénégal moins, ne peut

faire l’économie d’une mobilisation large et profonde de toutes ses forces vives, pour, comme un seul homme,

créer les conditions de faire face et de les vaincre. Sans cette mobilisation populaire, citoyenne, on ne s’en sortira

pas. Du reste, elle devrait, pour garantir le succès, revêtir les contours d’une mobilisation communautaire voire

continentale.

Et chacun de ces dangers déclinés devrait pouvoir justifier « l’ameutement » de la nation ! Donc le dialogue

national est d’une urgente et vitale nécessité !

Faut-il alors pardonner à Sonko son ignorance de cette situation politique nationale dont il faut prendre la pleine

mesure pour faire face ?

Faut-il pardonner à Sonko son manque de conscience de la géopolitique mondiale, africaine, sous régionale ?

Faut-il pardonner à Sonko son manque de lucidité sur l’insécurité que vivent au quotidien les populations ?

Evidemment, quand on appelle à l’incivisme, à l’irrespect des siens, de l’autorité, des institutions quelles qu’elles

puissent être, on ne peut que nourrir l’ignorance, prôner l’indiscipline, l’anarchie. On promeut, consciemment ou

inconsciemment la division, la confrontation permanente, le conflit continu.

Tournant le dos à tout dialogue par principe, on brûle le « vivre ensemble » dans la paix et la stabilité, désacralisant

la vie, on appelle la violence et le chaos. Alors, on ne fusillera pas seulement les anciens présidents, mais tous ceux

qui ne sont pas de son bord, tous ceux qui ne sont pas de soi, après avoir fanatisé ses troupes. Mais le monde a déjà

connu Pol Pot !

Les propos et attitudes de Sonko sont d’une dangerosité extrême. Ils instillent dans les esprits jeunes et immatures,

impatients et désespérés des graines d’intolérance, d’impudence, de manichéisme, de fanatisme qui forgent des

êtres aux dispositions incompatibles avec la culture du vivre ensemble fait de dialogue et de construction d’un

consensus robuste capable d’être un bouclier contre l’adversité.

En prenant la plume, ce n’est pas à Sonko que je m’adresse, mais c’est à toi mon fils, à toi ma fille, à vous enfants

miens, jeunes de ce pays que je pense. Car je m’inquiète pour toi, je m’angoisse pour ce que tu vas devenir quand

le virus du manque de respect, le virus de l’inconscience, le virus de l’ignorance de démocratie républicaine, de tes

propres valeurs culturelles atteindra les cellules de ta cervelle, gangrènera ta conscience. Quel pays vas-tu nous

construire, pour tes enfants, pour tes petits enfants ?

Dieu pardonnera sûrement à Sonko, Ramadan ! Mais les citoyens que nous sommes ne devons jamais sous-estimer

ses propos. Leur portée ravageuse doit nous tenir en alerte, en vigilance continue pour ruiner l’inadmissible !

Réew dañ koy péncoo, ken du ko pàccoo !

Dakar, le 31 mai 2019

El Hadji Momar Sambe

SG du Rta-S/Péncoo Réew

Membre du SEP de Bby

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