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L’absentéisme à L’école, Un Fléau Grave Et Inadmissible

L’absentéisme à L’école, Un Fléau Grave Et Inadmissible

Si j’élève ma modeste petite voix, c’est parce que j’observe depuis un très long moment dans mon métier des réalités inacceptables et je ne peux plus me taire. Je veux simplement dire tout ce qui me révolte dans les comportements au travail de certains membres du personnel de l’éducation nationale. En effet, nombreuses sont leurs conduites qui sont aux antipodes de tous les codes de déontologie. Leurs innombrables mauvaises habitudes, malsaines et honteuses, gangrènent l’école publique, à savoir les absences répétées, la fainéantise, le manque de conscience professionnelle, etc.

Je ne vais guère y aller par quatre chemins pour cracher mes vérités. Ainsi, j’affirme haut et fort qu’une bonne partie du personnel administratif et de surveillance de nos écoles n’est pas encline au dur labeur : Elle ne travaille que le minima possible. Ce triste constat est surtout applicable aux très nombreux surveillant(e)s, intendants, agents de bureau, chefs d’établissement. A tous ceux qui sont à des postes sédentaires.

En effet, pour avoir servi un peu partout à travers le Sénégal des profondeurs, en presque vingt cinq années de carrière, je suis en mesure de témoigner, et cela de manière objective, en faveur de mes nombreux collègues dévoués. Eux qui sont disséminés dans les quatorze régions et enseignent avec ferveur. Ainsi, malgré leur vie rude dans des contrées parfois éloignées et hostiles, ils restent attachés à leur mission. Face à une mer d’obstacles et de contraintes souvent désagréable qu’ils affrontent au prix d’efforts surhumains, tous les jours ils continuent de garder une haute estime de leur fonction et leur sens du devoir. Ces milliers d’enseignants, craie en main, se débattent sans compter en vue de mener à bien une mission de service public de qualité. Malheu­reusement, cela ne semble pas être le cas pour une poignée d’agents, hommes ou femmes, que l’on retrouve surtout dans les administrations scolaires.

Je vais ainsi essayer de faire comprendre : ce personnel-là relève, pour la plupart des cas, des catégories de chefs d’établissement, d’intendants, de comptables, agents de bureau, surveillants ou autres qui se croient en maison de repos, si on en juge par leurs mauvaises conduites au travail. Beaucoup d’entre eux, en effet, ne viennent pas à l’heure. A chaque fois, ils arrivent tard et repartent aussitôt. Ces agents, d’un genre particulier, se donnent des horaires de service sur mesure. Peu ou pas du tout consciencieux, difficiles à gérer et à remettre au travail, ils peuvent disparaître à n’importe quel moment de la journée sans prévenir et sans devoir aucune justification à quiconque. Maîtres dans l’art de la manipulation, ils dépensent une grande énergie entre fausses excuses et innombrables subterfuges en vue de se maintenir dans leur conduite.

Dans bon nombre de nos écoles primaires, collèges et lycées, il y règne une totale anarchie. L’absentéisme y est aussi une accablante et désolante réalité. En effet, rares sont les fois où l’on peut trouver tout le personnel administratif ou de surveillance sur leur lieu de travail. Voici quelques illustrations (Nb : toute ressemblance avec des endroits ou personnages réels est fortuite) : M. Diallo vient au bureau, après tout le monde à 9h, plus précisément, parfois au-delà de cette heure, et termine sa journée à 11h pour vaquer à ses occupations personnelles qui, pour lui, sont prioritaires. Mme Sidibé, si elle n’est pas à Diaobé ou Banjul, préfère passer ses matinées ou après-midis à vendre ses produits par-ci et par-là. Les quolibets et autres regards méprisants de ses collègues, elle n’en a cure. Ses absences sont récurrentes, impromptues. Mettons-nous à les compter : aujourd’hui c’est un baptême ou un mariage à Bène Baraque, demain, ce sont les funérailles d’un proche à Ngaye Mékhé, après-demain un immanquable rendez-vous chez le guérisseur à Waoundé et tutti quanti. Quant à M. Bassène, il est un cas symptomatique de l’absentéisme, car impossible à faire travailler tous les jours. D’aucuns l’appellent, ironiquement, le grand Patron, plus du fait de ses furtives présences que de ses attendues souhaitées d’intendant. A vrai dire, personne ne lui connaît véritablement d’horaires fixes de travail. Il vient à son poste quand bon lui semble. Les mauvaises langues disent qu’il ne fait pas partie du personnel, tellement il est aux abonnés absents. Les différents intendants que j’ai jusque-là connus ont toujours été partagés entre leurs activités politiques ou privées pour les uns, parfois religieuses pour d’autres. A mon humble avis, la suppression de ce poste peu, dans les faits, occupé devrait sérieusement être envisagée par l’autorité compétente dans les 3/4 de nos lycées. Il est vraiment temps de mettre fin à cette pagaille savamment orchestrée et entretenue par des fonctionnaires fantômes payés presqu’à ne rien faire.

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Pour nos pauvres finances publiques, il s’agit d’un énorme gâchis. Par pudeur, je passe sous silence l’inaptitude de certains à faire le plus simple usage d’un ordinateur, ne serait-ce que de l’allumer par exemple, à l’heure où l’utilisation d’outils bureautiques ou de gestion, à l’instar de l’application Finpronet, mise en place par le ministère des Finances depuis quelques an­nées, est devenue incontournable dans l’exécution des tâches quotidiennes. Quant aux con­naissances rudimentaires liées à l’intendance, il nous semble inutile d’en parler.

Quid de ces directeurs d’école, principaux de collège et proviseurs de lycée qui peuvent tout bonnement disparaître dans la nature des journées entières, voire une semaine ou deux ou même plus, sans jamais faire signe ? L’astuce trouvée pour dissimuler leurs manquements récurrents est de confier leurs tâches quotidiennes à des «adjoints» malléables et corvéables à souhait qu’ils se choisissent. Ils appellent cela dans leur jargon «responsabiliser tout le monde». A ces subalternes d’effectuer, souvent à contrecœur, tout le travail du chef. Quelle intolérable supercherie !

Certains de nos chefs d’établissement, en milieu rural particulièrement, poussent le cynisme jusqu’à emporter avec eux, dans leur «évasion», toutes les clefs du bureau de direction, empêchant ainsi au personnel d’accéder à des documents comme les livres, dictionnaires, mallettes pédagogiques, cartes, matériel scientifique ou outils informatiques tels que les imprimantes, photocopieurs, scanners ou matériels de projection qu’ils ont le malin plaisir, à chaque fois, de garder jalousement. J’ai hélas, malheureusement, connu cette situation à de nombreuses reprises. Et paradoxalement, ce sont toujours ceux qui agissent ainsi qui sont les plus prompts à courir après les avancements au sein de la Fonction publique ou les indemnités liées à leur fonction. Ils sont connus aussi pour être les premiers servis devant les guichets des banques chaque fois que les salaires tombent. Un jour de retard de salaire et on les entend pousser des cris d’Orphée. Cupides et sans retenue, certains, en zone rurale encore une fois, s’inscrivent frauduleusement chaque année sur les listes des correcteurs du Bac – cas avérés d’une poignée de proviseurs souvent nouveaux dans leur poste – pour pouvoir bénéficier des indemnités liées aux corrections réservées normalement aux seuls professeurs craie en main. Leur pratique est formellement interdite par l’Office du Bac.

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L’absentéisme chronique et les mauvais comportements au travail, plus qu’un fléau, sont un véritable cancer de notre système éducatif. Ils génèrent de nombreux problèmes que les parents d’élèves impuissants, le personnel enseignant dépité, le cœur meurtri, passent sous silence dans le seul et unique but de préserver la fragile «paix sociale» au sein de l’espace scolaire.

Il y a de nombreuses causes à l’origine de cette situation : l’absence de sanction disciplinaire, la déficience des missions de contrôle sur le terrain, la culture de complaisance que le monde entier nous connaît… Il y a aussi cette fameuse promotion dite «démocratique» de tous les deux ou trois ans. Celle-ci s’opère par le truchement des mouvements national ou académique annuels d’affectation où les enseignants les plus gradés et non les plus méritants raflent tous les postes de direction mis en compétition. La perpétuation de ce système – qui ne favorise que les carriéristes de toutes espèces – est très problématique et très nuisible à notre système éducatif.

Pour conclure, nous pouvons dire que ces attitudes nocives ont assez duré. Il est temps de réagir, même si je suis sûr et certain que le simple fait de les dénoncer ne réglera pas le problème dans son entièreté. Les mauvaises habitudes ont la peau dure, dit-on. Car, en plus d’être une abomination, l’absentéisme de ces agents, à la conscience professionnelle complètement éteinte, affecte négativement le moral et la motivation générale de tous ceux qui ne sont guidés que par les seules valeurs cardinales du travail. Ceux-là qui suent sang et eau chaque jour pour le devenir de l’école pu­blique sénégalaise. Ecole qui est en train de mourir à petit feu. Les grèves des enseignants, régulièrement pointées du doigt, sont loin d’en être l’unique cause.

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Pour me résumer, je dirais que la conscience professionnelle doit être une obligation morale, une valeur qui doit être intériorisée par tous ceux qui travaillent dans nos écoles pour mériter leurs salaires et en jouir sans reproche, sans honte, sans remords jusqu’à la retraite.

Samba Kankou BA

sambadogata2019@gmail.com

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