Certes, le rebondissement de l’affaire Pétro-Tim peut être interprété comme une vulnérabilité accrue du président, rattrapé par ses frasques du premier mandat, malgré sa prétendue victoire aux dernières présidentielles truquées du 24 février dernier.
Tout se passe comme si, après avoir mobilisé toutes les énergies, instrumentalisé les institutions de la république, fait main basse sur les finances publiques, bref usé de toutes les astuces pour l’obtention du second mandat, le régime de Benno Bokk Yakaar était à bout de souffle, sans perspectives claires ni mot d’ordre motivant, d’où son appel désespéré au dialogue.
L‘histoire retiendra, que le début de l’exploitation de nos nouvelles richesses naturelles a coïncidé avec l’élection, en mars 2012, à la magistrature suprême du président Macky Sall, géologue de son état, ancien directeur de Petrosen, qui avait pris ses distances avec son mentor Abdoulaye Wade.
Il était, dès lors, permis d’espérer, que notre pays puisse réunir toutes les conditions favorables pour tirer le maximum de profit de cette manne pétrolière et gazière. Et cela, d’autant plus que le candidat Sall, avait fini par signer la charte des assises nationales et semblait vouloir se démarquer de la gestion calamiteuse de ses anciens frères libéraux.
Hélas ! Sur cette question de la gouvernance des ressources naturelles, comme sur bien d’autres, le mandat du président de la coalition Benno Bokk Yakaar sera davantage marqué par une continuité affligeante, par rapport à la gestion de ses prédécesseurs.
C’est ainsi que, contrairement aux fortes recommandations de l’Inspection Générale d’État, le président Sall allait poursuivre une collaboration des plus hasardeuses avec un aventurier du nom de Frank Timis, dont le seul mérite était d’avoir embauché son frère Aliou Sall.
Tout le monde se rappelle les véhémentes protestations de l’opposition sénégalaise regroupée au sein de Manko Wattu Senegal, qui poussèrent le frère du président de la République à démissionner de son poste d’administrateur de Timis Corporation, en octobre 2016.
Il s’en suivit la démission fracassante du ministre de l’énergie d’alors, qui refusait catégoriquement de signer un contrat nébuleux avec Total.
Quelques semaines plus tard, ce sera au tour de l’homme politique Ousmane Sonko de publier un livre sur la spoliation programmée de nos ressources naturelles par certaines majors pétrolières, avec la complicité de nos plus hautes autorités.
Toutes ces péripéties indiquent clairement, que le premier mandat du président Sall a été placé, dès le début, sous le signe du conflit d’intérêt et de la gestion opaque.
Nous voyons donc que les révélations sur la gestion calamiteuse de nos ressources naturelles faites dans la mythique émission télévisée d’investigation Panorama de la BBC ne nous apprennent rien de nouveau.
Elles ne font que conforter et documenter les accusations de gestion solitaire et opaque faites au leader de la coalition Benno Bokk Yakaar. En outre, cette affaire n’est qu’un révélateur du niveau élevé de mal-gouvernance atteint par le régime de Macky Sall, qui est d’ailleurs loin de se limiter aux seules ressources pétrolières et gazières.
L’opposition politique, doit néanmoins rester vigilante, car comme nous ne cessons de le rappeler, notre vie politique a changé de paradigme, subissant désormais les répercussions des enjeux pétroliers.
Ce serait faire preuve de beaucoup de naïveté que de croire que des médias et autres bureaux d’investigation des pays occidentaux se préoccupent, un tant soit peu, de la gouvernance vertueuse de nos ressources naturelles. Il n’y a qu’à voir les nombreuses guerres menées dans les pays pétroliers et leur soutien tacite à plusieurs dictatures ou autocraties électorales en Afrique ou dans le monde arabe.
Dire cela ne revient pas à dédouaner le président de la République de sa responsabilité politique dans le scandale de Petrotim, qui n’est que la conséquence logique d’une gouvernance clanique, autoritaire et arbitraire.
Par ailleurs, l’émission de la BBC semble avoir eu comme effet de revigorer une opposition divisée, qui n’arrivait pas à s’entendre sur une position commune face au dialogue national de Macky Sall. Elle semble désormais bénéficier du soutien de larges secteurs de l’opinion sur la nécessité de la démission du frère du président et de l’ouverture d’une enquête judiciaire, en vue de situer les responsabilités des principaux protagonistes et d’annuler ces contrats léonins.
Mais ce ne serait là que la toute première étape d’un processus visant à instituer une amélioration de la gouvernance politique à tous les niveaux. Il est urgent de se servir de la problématique de la gouvernance vertueuse des ressources naturelles comme d’une porte d’entrée vers une véritable refondation institutionnelle.
Dans cette entreprise ardue, les partis d’opposition et les mouvements de la société civile devront éviter l’erreur de compter sur des majors pétrolières ou des puissances occidentales, qui risquent de nous plonger dans des scénarios de guerre civile permanente ou d’instabilité chronique tels qu’on peut les observer dans certains pays africains.
Le peuple sénégalais doit trouver en son sein les ressources nécessaires pour sortir du cul-de-sac, dans lequel nous a plongé la gestion irresponsable du président et de ses affidés de Benno Bokk Yakaar, ce qui exclut les positionnements futiles de divers pôles de l’Opposition.
Une voie à explorer pourrait être la renégociation, sur la base des conclusions des Assises nationales et des recommandations de la CNRI, du format du dialogue national, qui doit s’adapter au nouveau contexte.