Mon cher Aliou,
On n’imaginait pas que ta désignation comme sélectionneur des Lions du foot aurait eu cet impact dans notre pays et sur la marche du football dans le continent.
Les résultats sportifs de l’équipe nationale de foot du Sénégal sont éloquents : une seule et unique défaite dans un match officiel, en coupe du monde face à la Colombie (ah ce pénalty accordé puis refusé par le VAR !). Sur ce plan, la presse sportive nationale comme internationale est mieux placée que moi pour en parler. Ce n’est pas tant ces résultats sportifs qui motivent ce papier que l’impact économique et social de ton magistère à la tête des Lions. Certes on est quasiment obnubilé par la quête d’un trophée majeur. Je suis d’accord avec les supporteurs que les chances pour l’avoir cette année sont là. Mais ne jamais oublier l’aléa qui accompagne la compétition sportive d’autant plus que nous allons évoluer dans le pays des cinq fois vainqueur de la CAN. Alors savoir raison garder doit être de mise pour éviter les désillusions et traumatismes à la Caire 86.
Tes réussites sur lesquelles on ne s’arrête presque jamais parce que moins spectaculaires qu’une belle action de jeu, ces réussites se résument ainsi : l’équipe nationale devient rentable, le sport gagne encore plus en considérations aux yeux de la population et, dans tous les pays africains, il est question de promouvoir l’expertise locale dans la prise en charge des équipes nationales.
Ces objectifs ont toujours fait partie de tes motivations. Tu insistais souvent sur le poste de sélectionneur en me disant, il faut que ce poste ait la même valeur quel que soit son occupant (étranger ou local). En examinant les conditions dans lesquels tu as fonctionné ces trois dernières années et en regardant les sélections africaines qui vont évoluer en Egypte, une grande partie de ton combat est en train de porter ses fruits. Tu as réussi à préserver tes prérogatives d’entraineur sans t’immiscer dans le travail des autres (ministère et fédération). Tu construis régulièrement ton groupe de performance en vue des matchs sans aucune influence que celle de tes convictions. J’espère qu’après ton départ, on mettra le dispositif pour pérenniser ces acquis. Oui, ton départ de la tête de l’équipe nationale qui restera une étape, certes primordiale, mais une étape quand même dans ta carrière. Au sortir du mondial de Russie, par patriotisme, tu n’as pas voulu saisir les opportunités qui se sont présentées. Mais aujourd’hui après deux CAN et une coupe du monde, c’est mal te connaitre que de croire que tes ambitions sont circonscrites à notre espace …
Sur le plan financier, l’équipe nationale est très liquide et derrière elle, la fédération. J’en suis à me dire si l’Etat ne doit plus croiser les bras, laisser la fédération opérer les dépenses pour l’équipe A et subventionner le football amateur ?
Concernant le leadership de notre pays, il s’affirme une fois de plus avec l’intelligence de ses dirigeants qui t’ont nommé. Aujourd’hui le Sénégal sert d’exemple à la plupart des pays africains qui nomment des entraineurs issus du sérail. A la suite d’une rencontre fortuite avec l’équipe algérienne dans un hôtel de Lomé, le président de la fédération algérienne me l’a confirmé devant son sélectionneur monsieur Belmadi qui était très fier de me parler de ses relations d’amitié avec toi.
Permets-moi, au soutien de ce qui est écrit plus haut, de revenir sur ces mots de Nathalie Iannetta journaliste, ex-conseillère de François Hollande sur les thématiques sportive et associative pour rappeler l’importance du sport, trop souvent bafoué par la logique intellectuelle « énarchique » comme ils disent en France. « On ne nous inculque pas depuis que nous sommes enfants que la valeur du sport, elle est aussi importante que la valeur intellectuelle. Que la culture sportive, ça vaut autant que la culture mathématique, littéraire ou philosophique. On est un pays d’intellectuels… Est-ce qu’on est capable de renverser la table, de faire que nos enfants, qui sont très bons au sport, soient considérés aussi bien que ceux qui sont très bons en math ou très bons en éco ? C’est ce qu’il faut qu’il se passe ….Aux Etats-Unis, votre enfant, s’il est bon en basket, il est aussi bien considéré que tous les autres gamins. Les champions vont à l’université, pas les nôtres ».
Tu es en train de contribuer à cette prise de conscience.
Bonne chance pour la CAN.