Le président Macron disait au sortir d’une audience avec le président Ouattara que « la zone franc offre une stabilité monétaire mais il y a un problème de change qui se pose…il faut la moderniser ». Le président Ouattara rétorquait que « le FCFA est notre monnaie…c’est notre affaire…nous allons y apporter des réformes en temps opportun…c’est une monnaie stable appréciée dans la sous-région… nous prévoyons son élargissement à la zone CEDEAO… ».
Nous disions que « le président Ouattara avait raison de dire que le FCFA était notre monnaie. Mais puisque c’est le cas, nous avions besoin d’un leadership politique qui se responsabiliserait exclusivement dans la garantie de la parité qu’il s’est choisie : en faire son affaire exclusive par une gouvernance réformée de la BCEAO. C’est ça que réclament la jeunesse africaine et les experts africains. Le FCFA est une réserve de valeur, un moyen d’échange, et une unité de compte stable apprécié à ces fins car rigidement arrimé à l’euro. Sa stabilité est donc externalisée puisque relevant d’une politique monétaire qui est le résultat des exigences de cette parité. C’est de cette monnaie-là dont nous ne voulons plus précisément car une monnaie ce n’est pas seulement ça. Nous avons besoin d’une monnaie amortisseur de chocs pour accompagner notre industrialisation et notre ouverture au monde. Une monnaie stable du fait d’un leadership politique qui responsabilise la BCEAO sans la France et qui garantit également la stabilité des prix principalement par sa politique monétaire et non de change. Nos pays, stables et démocratiques, ont besoin d’une monnaie flexible pour accompagner leur industrialisation par le capital national à travers l’inclusion financière en cette monnaie ».
Pour ce faire, nous avions plaidé pour une autonomie d’objectifs sur l’inflation et le taux de change pour la BCEAO dans le cadre d’un régime de change flexible et un collège de gouverneurs de pays membres. C’est ce que les experts de la CEDEAO ont recommandé pour l’ECO monnaie de la CEDEAO pour les pays qui auront satisfait aux critères de convergence macroéconomique. Nous avions cependant argumenté dans cette perspective, qu’à court terme, le Nigéria et le Ghana devaient garder leurs propres monnaies au vu de leurs poids et de leurs divergences macroéconomiques et structurelles avec les autres pays, ceux de l’UEMOA notamment.
En effet, dans des propos relayés par la presse à la veille du 55ieme sommet des chefs d’états de la CEDEAO nous disions : « qu’une monnaie commune de la CEDEAO, au vu des divergences macroéconomiques des États ne peut être, à court terme (2020), que de parité relativement fixe et arrimée à des devises étrangères stables. De ce point de vue, une telle monnaie prématurée ne serait pas différente d’un FCFA qui resterait en l’état ou même fixe par rapport à un panier de monnaies stables. Cette monnaie unique fixe à court terme, avec une banque centrale indépendante, aidera à une discipline budgétaire et à la stabilité monétaire dans les pays où elles n’existent pas encore. Une monnaie unique bien sûr faciliterait les échanges et les mouvements de capitaux qui pourraient exister entre les États comme c’est le cas déjà avec le FCFA, mais ne sera pas le principal facteur d’expansion des échanges commerciaux intra zone ni de mouvements de capitaux internes. En somme, une monnaie fixe CEDEAO étendrait le FCFA à la zone CEDEAO sans les accords de coopération. Ce serait une étape vers la monnaie flexible CEDEAO recommandée par les experts mais qui n’arrivera pas de sitôt puisque les pays n’ont pas encore convergé macro économiquement et structurellement.
« A terme, même si cette monnaie flexible devait arriver du fait d’une convergence macroéconomique et non structurelle, les asymétries existantes en termes de chocs intérieurs et extérieurs, ne justifieraient pas une monnaie unique aux pays de la CEDEAO. Elle aurait les mêmes inconvénients congénitaux que l’euro dominé par l’Allemagne et ne correspondant pas à la monnaie qu’il faut pour le Grèce par exemple, mais il s’agit là d’un choix politique des européens que les africains de l’ouest pourraient également faire. Il en découle que les pays de l’UEMOA n’ont pas d’intérêt économique à entrer dans une monnaie CEDEAO si cette dernière ne doit refléter qu’un panier de monnaies à court terme, et à moyen terme une monnaie flexible qui ne reflètera pas leurs fondamentaux ni leurs orientations économiques et politiques divergentes. La monnaie CEDEAO peut cependant représenter un choix politique des États membres aux conséquences économiques similaires à ce que vivent les pays des zones CFA, conséquences à subir par les générations futures au profit des investisseurs étrangers et du capitalisme d’États étrangers. En disant que la monnaie unique ECO de la CEDEAO qui entrerait en vigueur en 2020 devra être flexible et refléter une convergence macroéconomique, les experts de la CEDEAO ont mis les chefs d’Etat devant la responsabilité politique de reporter la mise en oeuvre de l’ECO à cette échelle ou elle sera fixe comme le FCFA en 2020, ce qui n’est pas désirable ».
Partant de ce qui précède, notre position est que le FCFA peut être renommée ECO en 2020 et mis en œuvre à l’échelle de l’UEMOA principalement en donnant une autonomie d’objectifs sur l’inflation et le taux de change à la BCEAO ce qui la libérerait de la tutelle française. Cette option nous est préférable nous le disions dans une tribune intitulée «SENEXIT: Libéralisme Patriotique ou Socialisme ? » pour accompagner la liberté économique des États de l’UEMOA sous le leadership de la Côte d’Ivoire et du Sénégal engagés sur cette voie. Nous éviterions ainsi que nos banques centrales soient capturées individuellement par le socialisme congénital de nos sociétés et élites politiques. A terme, cette vision politique pourra être mise en œuvre à l’échelle de la CEDEAO si elle est partagée. L’euro est une vision politique libérale inaboutie, en construction sans un état fédéral au libéralisme partagé. Nous pouvons construire notre propre espace de liberté économique, seule voie vers la prospérité sans un État fédéral à court terme. Cet état pourra à terme arriver quand nos populations (y compris, Nigéria, Ghana, etc.) seront réellement prêtes pour la liberté, la responsabilité, et la décentralisation.
Abdourahmane Sarr est Président CEFDEL, Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp