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Monnaie Unique, L’équation Des Critères De Convergence

« Eco » ! Ainsi sera appelée la nouvelle monnaie que les 15 pays membres de la Cedeao comptent mettre en place d’ici 2020. Suite à la réunion des ministres des Finances (Abidjan : 17-18 juin) qui avaient déjà trouvé un consensus sur ce nom, les chefs d’Etat de la Cedeao réunis, samedi 30 juin 2019 à Abuja, ont entériné cette décision ainsi que le calendrier d’adoption. Cette conférence, tenue dans la capitale nigériane, marque un tournant décisif dans la réalisation de ce projet d’intégration monétaire dans les coffres depuis les années 80. Les dirigeants ouest-africains se sont fixés un nouveau deadline : 2020. Ce, après en avoir épuisé plusieurs. L’institution de cette monnaie a été reportée successivement en 2003, 2005, 2009 puis en 2015. Manque de préparation des Etats ou délai prématuré ? Quoi qu’il en soit, ce n’est pas encore demain la veille pour voir « Eco » dans nos portemonnaies.

Dans le principe, la création d’une monnaie unique peut être une opportunité pour les Etats ouest-africains en ce sens qu’elle constitue un instrument permettant de faciliter les échanges commerciaux au sein de la future zone monétaire. L’artisan de Ngaye Mékhé qui exporte ses chaussures « Made in Senegal » en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo n’aura pas de soucis en termes de convertibilité monétaire puisqu’il échange avec des pays utilisant la même monnaie (le franc Cfa). Ce qui n’est pas le cas, si ce même artisan écoule ses articles au Nigéria ou au Ghana qui n’appartiennent pas à la même zone Cfa. Du coup, il devra faire face à des couts de convertibilité. Une monnaie unique permet également d’avoir un marché beaucoup plus vaste, donc plus d’opportunités d’échanges – des économies d’échelle. L’utilisation d’une même monnaie entre pays contribue à la réduction des coûts de transaction liés aux échanges. Cela, grâce à suppression de frais de convertibilité des monnaies. Bref, « l’Eco » serait, sans doute, cet accélérateur de l’intégration monétaire de la zone ouest-africaine d’autant qu’elle remplacera, à termes, le franc Cfa (XOF) en cours dans les huit pays de l’Uemoa et les sept autres monnaies nationales utilisées respectivement au Ghana, au Nigéria, en Gambie, au Libéria, en Sierra Léone, au Cap-Vert et en Guinée Conakry. 

Vouloir démanteler une union monétaire (en l’occurrence celle de l’Uemao) vieille de plusieurs décennies et autres monnaies nationales relèverait d’une véritable mission herculéenne. Il faut le reconnaître, la tâche ne sera pas facile. C’est pourquoi, l’horizon de 2020 fixé par les chefs d’Etat pour mettre en circulation cette monnaie semble trop idéaliste. Au regard des conditions qu’exige l’institution d’une monnaie unique, l’on s’interroge réellement sur la faisabilité de ce projet. Sur les six mois qui nous séparent de l’échéance, nombreux sont les Etats de la Cedeao qui n’ont pas encore respecté certains critères de convergence économique comme l’inflation, le déficit budgétaire, le ratio dette/Pib… Même à l’intérieur de l’Uemoa, connue pour être une union monétaire, il y est noté des divergences sur certains agrégats macroéconomiques. Par exemple, pendant que l’encours de la dette du Sénégal se situe à 51,5 % en juin 2019, au Togo, en fin février dernier, le taux d’endettement était de l’ordre de 70,7 %, soit légèrement au-dessus de la norme communautaire fixée à 70 %. 

Outre la question de la convergence des indicateurs macroéconomiques de la zone ouest-africaine, qui pourrait être difficilement atteinte à cette échéance, il faudra également penser à la création de réserves de change devant couvrir les premiers mois d’importations. En effet, l’importance de la convergence économique puise sa source dans la théorie des zones monétaires optimales de l’économiste canadien Robert Alexander Mundell. Donc, l’hétérogénéité des économies ouest-africaines constitue ainsi une autre paire de manche. Non sans compter la question institutionnelle avec la création de la banque centrale en charge de l’émission de la masse monétaire dans le circuit économique de la zone et le choix du type de régime (parité fixe, flottant ou panier de devises). L’autre grosse équation reste le géant nigérian – la première puissance économique du continent – qui se montre de plus en plus réticent sur certaines questions d’enjeux régionaux y compris la Zleca, les Accords de partenariats économiques, et bien évidemment, la monnaie unique. Le Nigeria acceptera-t-il de se ranger derrière un autre pays de la Cedeao pour présider aux destinée de la monnaie unique ? Mystère autour du leadership. A défaut d’instituer une monnaie unique en 2020 pour toute la Cedeao, les Etats qui sont parvenus à respecter les critères pourront, de manière graduelle, commencer à adopter l’Eco en attendant que les autres puissent suivre et prendre le train en marche.

Publication prise de son profil Facebook







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