Quand on a une injonction comme piédestal d’un titre d’ouvrage collectif, cela veut dire qu’on a entre nos mains une pépite produite par des gens de bien et fils de la République qui prêtent leurs plumes à l’appel d’une noble cause qui est celle de l’engagement.
Je vais même grossir le trait en disant, qu’on détient dans notre besace une bible.
Oui, Politisez-vous ! l’est dans la mesure où, c’est un recueil de textes très sacrés dont on peut s’abreuver pour faciliter notre montée en humanité, créer de nouvelles utopies, servir l’ensemble du corpus social, avoir confiance à la justice, sortir de l’économisme, etc.
Ce petit livre mais immense de par son contenu est l’œuvre de dix jeunes sénégalais. Des éclairés qui tentent avec beaucoup d’humilité et de générosité d’éclairer la masse des païens. Autrement dit, ils invitent leurs concitoyens sénégalais mais aussi leurs frères et sœurs d’Afrique à faire le don de soi qui n’est autre que l’engagement politique.
Les auteurs n’ont pas la même vision politique que la gérontocratie qui depuis notre accession à la souveraineté internationale n’a pu élaborer un système politique aux besoins de la masse. Ces racketteurs qui à la veille de chaque élection, miroitent la jeunesse avec des promesses que même Jupiter ne pourrait jamais tenir. Cette masturbation intellectuelle, ce saupoudrage de cette classe peu vertueuse font que beaucoup de jeunes en âge de voter délaissent le champ politique.
C’est cette hémorragie mortelle dont est victime la République que les auteurs tentent de stopper dans des démarches différentes mais raisonnées. Pour ce faire, c’est l’ancien élève de l’ENA du Sénégal et de la France par ailleurs auteur du livre « Amadou Mahtar Mbow, une vie des combats », Hamidou Anne qui ouvre le bal.
Hamidou, considère que la politique est la voie idéale pour inaugurer de nouvelles utopies. À l’heure où la République a presque perdu son aura, ses lettres de noblesse. Pour lui, il faut un projet d’organisation politique qui sera capable de redorer le blason de la puissance publique qui a été chié par certaines élites prédatrices. Mais nonobstant cette trahison, la jeunesse ne doit pas renoncer à la politique car «la solution aux maux récurrents de nos pays reste la politique ».Cette jeunesse doit avoir foi à la politique et s’intéresser aux choses publiques.
Aucun levier, ne pourra remplacer la politique. Elle est le commencement et la fin de toute entreprise humaine. Dans le papier d’Hamidou, on sent qu’il est habité par l’idée républicaine. On peut lire en filigrane dans son argumentaire, l’importance de l’engagement politique de la jeunesse dans des pays butés par les politiques d’ajustement structurel imposées par les institutions de Bretton Woods.
Par ailleurs, Hamidou pense que notre société a éminemment besoin de nouvelles idées portées par des jeunes soucieux des challenges afin de faire advenir de véritables transformations. Jaurès disait cette belle phrase : «À celui qui n’a plus rien, la patrie est son seul bien.»
Hamidou, lui dit «Par la lutte sociale et progressiste, nous pouvons délimiter de nouveaux territoires d’opportunités. » J’espère que son message ne tombera pas dans l’oreille d’un sourd.
La deuxième personne de cette liste d’auteurs est Ndeye Aminata Dia, diplômée du Master Finance et Stratégie de Sciences Po Paris. Aminata, a abordé le thème suivant : «Se politiser pour servir» . Elle pense que ceux qui disent que la politique c’est une perte de temps se trompe lourdement in fine suicidaire de dédier sa vie à l’intérêt collectif. Son constat de cette génération Y née du temps des médias sociaux est très amère.D’après elle, une bonne frange de la jeunesse qui s’active dans l’entrepreneuriat, dans le monde des start-up ne croit pas à la sacralité de la politique. Cette jeunesse ne veut pas prendre ses responsabilités en incarnant le leadership positif dont la racine est la politique.
Pour Aminata, une dépolitisation de la jeunesse, un désintéressement des affaires publiques de sa part nous mènent droit dans le mur car c’est elle le moteur de l’Histoire. Seule une jeunesse qui a une conscience politique peut apporter des changements, c’est elle seule qui peut faire tomber un pouvoir autocratique, un pouvoir qui ne respecte pas la charte constitutionnelle.
A cet égard, la jeunesse Burkinabè l’a montré lors de la deuxième révolution en 2014. L’autre exemple, c’est la jeunesse sénégalaise avec en toile de fond le mouvement Y’en a marre. En 2011, cette jeunesse dont le mantra est « Il n’y a pas de destin forclos, il y a que des responsabilités désertées » a fait face au régime d’alors avec le ticket présidentiel qui allait élire d’office un candidat avec seulement 25% des suffrages exprimés.
Donc, Cette jeunesse a l’obligation d’envahir le champ politique avec des compétences bien sûr- pour insuffler un vent nouveau et assurer l’alternance générationnelle.
« La politique est un généreux geste d’amour », nous dit Youssou Owens Ndiaye celui qui a dédié son texte à Mamadou Dia, ancien Président du Conseil du Sénégal de 1957 à 1962.
Cet ingénieur en mathématiques appliquées, militant politique pense que nos problèmes sont politiques que ce soit l’économie, l’écologie, la santé, l’éducation. De fait, les solutions ne peuvent être que politiques. En effet, la politique est la condition sine qua non pour sortir de ce capharnaüm.
La politique, c’est le Nous et non le Moi. On ne la fait pas pour des intérêts personnels, d’un clan mais plutôt pour le bien-être des petites gens. Cette classe sociale qui délègue son pouvoir via une démocratie représentative. Et aux jeunes qui disent que la politique est « dégueulasse », Youssou leur rappelle que la politique est par essence propre et généreuse. Il s’agit de penser « collectif », un don de soi qui transcende notre personne et touche ses concitoyens.
C’est pourquoi, il invite la jeunesse à s’engager en politique vers la marche d’un idéal commun : la République.
Tabara Korka Ndiaye, diplômée en Relations internationales et militante dans le mouvement scout sénégalais a orienté sa plume sur le thème : « Conjuguer la politique africaine au féminin ». Tabara conteste le peu de pouvoir des femmes dans le champ politique. Pour elle, la gent féminine est utilisée sciemment par les hommes lors des élections du fait de leur forte capacité de mobilisation. Et une fois que ça finit, elles sont oubliées.
D’autre part, même les femmes militantes engagées, diplômées et compétentes de surcroît sont reléguées au second plan. Elles n’ont pas le plus souvent des postes stratégiques au sein des partis politiques. Pour Tabara, les femmes doivent couper ce cordon ombilical qui les lie avec le système. Mais ce combat se fera dans le champ politique.
Racine Assane Demba, journaliste a quant à lui apporter sa pierre à l’édifice en abordant le sujet suivant : « La politique au secours de la justice »
Ce brillant esprit qui s’identifie dans l’école de pensée de l’intellectuel et homme politique sénégalais Cheikh Anta Diop, pense que même si la politique n’a pas la réponse à toutes nos questions, elle peut au moins montrer des voies surtout quand elle est pratiquée par des humains vertueux, soucieux de l’intérêt collectif. S’engager en politique permettra de faire régner la justice dans nos États où le pouvoir exécutif a une mainmise sur les institutions judiciaires.
La politique est la chose qui met en place les mécanismes permettant de soutenir les plus faibles, les pauvres quoi ! Ce don de soi nous permettra de lutter contre l’injustice, la corruption. C’est militer pour une juste et noble cause. Comme il le dit « militer pour triompher de la justice sur toute autre considération – c’est refuser d’être indifférent, sens gramscien ». Racine a écrit un excellent papier !
Après lui, c’est Fanta Diallo qui fait son entrée avec ces mots «Il est temps de jouer collectif » comme une équipe de football qui veut décrocher une nouvelle étoile. Avant d’entamer son argumentaire, la sociologue, militante politique nous offre avec beaucoup de générosité le poème « L’opportuniste » du chanteur français Jacques Dutronc. Ce panorama décrit la mauvaise foi de beaucoup d’hommes politiques. Des gens qui militent juste pour de l’oseille et non pour une cause. Ils n’ont aucune idéologie politique. C’est cette mauvaise démarche qui amène le désespoir chez la jeunesse.
Nonobstant ce fait, les jeunes ne doivent pas délaisser le champ politique. Ils ne doivent pas rester les bras croisés sinon les lignes ne bougeront jamais.
Tous nos problèmes sont politiques, l’écologie même est politique, nous explique Fary Ndao. D’après l’auteur de « L’or noir du Sénégal », les défis écologiques qui menacent notre planète sont dus à de mauvaises politiques économiques et des modes de consommation déréglée.
De fait, on doit apporter des solutions vaille que vaille. Mais ces solutions n’adviendront jamais sans la politique. A cet effet, l’Afrique a un rôle très important à jouer dans ce combat. C’est pourquoi, il est opportun de s’engager. L’Afrique, laboratoire où l’on expérimente tous les concepts «développement, émergence » doit amorcer cette phase de décolonisation des imaginaires. Pour Fary, l’indignation c’est quand même bien, mais s’engager dans des associations, dans des partis politiques est la chose la plus parfaite.
Fatima Zahra Sall nous confie que « l’engagement politique est un vœu de liberté et de responsabilité »
Arpentant le même chemin, Fatima pense que la politique est un don de soi qui affecte positivement ses semblables. Sous ce rapport, mandater tous les pouvoirs de la puissance publique à des « politiciens de métier » s’est se tirer une balle dans le pied. Malheureusement, c’est ce qu’on vit actuellement. La transhumance en est la parfaite illustration. C’est dur d’être trahi, mais la jeunesse ne doit en aucun cas se dépolitiser. Il faut qu’elle joue son rôle comme tout acteur de la société. Mais, elle doit le faire avec éthique faute de quoi son combat est d’emblée un échec.
Le degré zéro du pouvoir politique est une belle élucidation de la responsabilité individuelle et collective. Mohamed Mbougar Sarr, auteur de trois livres « Terre ceinte », « Silence du chœur » et « De purs hommes », met dans le même sac les hommes politiques africains qui se transforment en despotes une fois sur le « trône » que les peuples fatalistes. Si les premiers ont abjuré avec délicatesse leur serment, les autres sont restés à ne rien faire face à ces dérives.
Tout homme est un animal politique donc, il a des responsabilités et il doit les assumer au cas échéant, il doit comparaître comme les despotes. C’est un texte qui nous interpelle sur nos responsabilités.
Enfin, le dernier qui ferme la liste est Abdoulaye Sène, journaliste et militant politique. Il nous invite dans un chemin vers la montée en humanité. L’univers politique africain semble avoir perdu le sens même de ce que représente l’engagement politique. De fait, pour régler ce problème, le continent a l’obligation d’apprendre ses fils son Histoire et sa culture. S’il appartient à chacun de se former, il appartient à chacun, en conscience, de rendre ce qu’il reçoit avec générosité. Ainsi, cette entreprise connaîtra une belle réussite si elle est guidée par l’Humanisme. Si la conscience collective évolue, l’agent de la société ne s’en portera que mieux. Alors, l’engagement en politique de la jeunesse africaine doit s’enraciner dans l’Humanisme.
Je pense que nous sommes tous responsables de la construction de notre pays, in fine de notre continent et je préfère m’investir pour l’orienter vers un projet porteur d’avenir, de justice sociale plutôt que le laisser suivre un cours passif. Alors, pour une juste et noble cause, « Politisez-vous ! ».