Le secrétaire général du Parti socialiste (PS), par ailleurs président du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), est décédé à l’âge de 72 ans, ce lundi 15 juillet à Bordeaux, des suites d’une longue maladie. Il avait été intronisé dauphin par Abdou Diouf qui lui avait remis les rênes du parti de Senghor. Homme d’Etat chevronné, il a occupé successivement les fonctions de conseiller chargé des affaires internationales au ministère des Affaires étrangères (1976-78), conseiller diplomatique auprès du président Léopold Sédar Senghor (1978-80), puis auprès du président Abdou Diouf (1981-2000) avant d’être nommé directeur de cabinet et ministre d’Etat chargé des Affaires et Services présidentiels. Administrateur civil de formation, il a été au service de l’Etat pendant 40 ans.
Il est de ces personnages qui laisseront une empreinte de géants dans le granit de la politique. Ousmane Tanor DIENG, qui vient de nous quitter, est de ceux-là. En réalité, lire un condensé de son cursus politique ne donnerait qu’une facette de celui qui fut l’homme fort du Parti socialiste au cours de ces 23 dernières années. Léopold Sédar a enfanté le Bloc démocratique sénégalais (Bds) le 27 octobre 1948 dans un contexte où la section française de l’internationale ouvrière (Sfio) de lamine Guèye, maire de Dakar, était très ancrée dans les zones urbaines. Cet enfant grandira avec des fusions caractérisées par des changements nominatifs. En 1958, Abdoulaye Ly, les socialistes de l’Union démocratique sénégalaise (UDS) d’Abdoulaye Guèye Cabri et Thierno Bâ, le mouvement autonome casamançais (MAC) d’Assane Seck et une partie du mouvement populaire sénégalais (MPS) de Doudou Guèye rejoignent le Bds de Senghor pour donner naissance au Bloc Populaire sénégalais (BPS).
Ensuite, on assista à l’association du BPS en 1959 avec le Parti socialiste d’action sénégalaise (PSAS) de Lamine Guèye qui avait quitté entretemps la SFIO. La nouvelle entité prit le nom d’Union Progressiste sénégalaise (UPS). La crise de décembre 1962 avec l’arrestation et l’embastillement de Mamadou Dia, président du Conseil de gouvernement suivis, de l’exclusion de beaucoup de ses proches a créé une césure dans la dynamique d’unification prônée par Senghor. en 1966, il réussit à se rapprocher d’Abdoulaye Ly qui venait de bénéficier, un an auparavant, d’une remise de peine carcérale. et en 1971, l’UPS ayant adhéré à l’internationale socialiste, devient le Parti socialiste. Abdou Diouf qui a hérité ce parti de Léopold Senghor sera le premier à l’étouffer avec des purges staliniennes au nom de la désenghorisation. L’esprit de rassemblement qui est le socle fondateur du Ps s’est estompé avec l’avènement de Diouf à la tête du Ps. et en 1996 les ébréchures du Ps, constatées depuis le début des années 80, se muent réellement en fracture ouverte avec la fronde des légitimistes dont le chef de file est Djibo Ka. Tanor incarne la rénovation du Parti socialiste qui ne parvient plus, depuis 1984, à impulser des changements en profondeur dans son mode de fonctionnement et à proposer un projet politique en phase avec les attentes populaires. On attend des orientations politiques et des axes programmatiques sous la supposée ère de rénovation socialiste, finalement on assiste à des batailles de positionnement et à un déni du débat contradictoire ayant débouché sur des exclusions de militants de la première heure.
Quand Tanor maniait courageusement le navire socialiste
Djibo et ses affidés refusent l’hégémonie d’Ousmane Tanor Dieng imposé lors du congrès sans débat où rien sur les nouvelles orientations politiques du Ps n’a été débattu. Il finit par quitter pour mettre sur pied son mouvement rénovateur en 1998 et en 1999 Moustapha Niasse est exclu pour activités fractionnistes. C’est le chant du cygne du Ps. En 2000, après la chute de Diouf, quand le navire socialiste tangue dans une mer agitée par les vents de la transhumance, le capitaine Tanor tient courageusement le gouvernail. Quelques co-commandants du bateau qui rechignent à reconnaitre le leadership de Tanor à savoir Robert Sagna, Mamadou Diop, Souty Touré, Abdou Khadre Cissokho (qui a opéré un come-back), Moustapha Kâ, Madia Diop, Amath Cissé et Abdoulaye Makhtar diop claquent la porte pour prendre leur destin en main. Ainsi, après les plus de deux décennies passées par Tanor aux manettes du plus vieux parti du pays, le Ps a entamé une descente aux enfers ponctuée par des scores qui s’érodent d’élection en élection. De 2000 (40%), en passant par 2007 (13%) jusqu’en 2012 (11%), le parti fondé par Léopold Sédar Senghor en 1948 semble être arrivé en fin de cycle. La bataille de renouvellement du leadership socialiste, du relookage du Ps, a fini par plonger le parti senghorien dans une guerre fratricide qui s’est terminée avec l’embastillement de Khalifa sall, potentiel successeur de Tanor à la tête du Ps. Avec la mort de Tanor, c’est une page du PS qui se ferme. Souhaitons que ses héritiers puissent maintenir le flambeau socialiste toujours vivant.