Aussi bien les soirs du 31 décembre que les veilles du 04 avril, il est de coutume que le président de la République s’adresse à la Nation. Ousmane Tanor Dieng alors premier conseiller technique du Président Léopold Sédar Senghor, ensuite directeur de cabinet du Président Abdou Diouf, faisait partie des grandes plumes qui se cachaient derrière les discours du Chef de l’Etat.
Les hommages, les louanges et témoignages sont unanimes. Monsieur Ousmane Tanor Dieng, le désormais défunt président du Haut Conseil des collectivités territoriales (Hcct) et Secrétaire général du Parti socialiste (Ps), qui vient de tirer sa révérence, était un homme d’Etat. Un homme de devoir, un homme de principes et de convictions. Un grand commis de l’Etat dans sa plus pure dimension. Au-delà de ces qualités multidimensionnelles, Ousmane Tanor Dieng fut un grand artiste de la plume. Le Sénégal n’échappe pas à la règle qui veut que le président de la République tienne la plume du premier au dernier mot. La plupart du temps, ses discours sont pré-écrits ou sont une compilation de plusieurs notes de ses conseillers techniques et diplomatiques.
De façon générale, derrière les discours de vœux du 31 décembre et les adresses à la Nation des veilles du 04 avril marquant la fête de notre indépendance que prononçaient les présidents Léopold Sédar Senghor — durant les dernières années de son magistère — et Abdou Diouf, se cachait une plume nommée Ousmane Tanor Dieng. Grâce à sa vaste culture dans tous les domaines, le défunt fils prodige de Nguéniène (Mbour), connaissait les moments et les circonstances qu’il faut pour utiliser le « expressions » fortes, les « mots » pathétiques et influents pour que le président de la République puisse toucher la sensibilité sociale et politique du peuple qui l’écoutait.
Selon ses anciens collaborateurs au Palais, Ousmane Tanor Dieng, alors directeur de cabinet de Diouf, avait une féconde inspiration de l’écriture au point qu’il n’aimait pas les citations dans ses discours. Plutôt, il aimait utiliser des références pour mieux crédibiliser la parole du chef de l’Etat face à son peuple. De Senghor à Abdou Diouf, les collaborateurs sachant bien écrire, les bonnes plumes comme on dit, à l’image d’Ousmane Tanor Dieng ont dû leur longévité à la Présidence à leurs talents épistolaires. Ils en ont profité pour connaitre et côtoyer les présidents (Senghor et Diouf) qui les ont transformés en homme d’Etat.
Un rédacteur républicain
Il y a trois ans, nous avions publié un dossier consacré aux grandes plumes de la Présidence où le doyen Ibrahima Dème, ancien conseiller en communication du président Senghor racontait que la plupart des rédacteurs d’alors de la Présidence comme Tanor Dieng, Babacar Carlos Mbaye, Moustapha Ka, Christian Valentin, Babacar Ba, Abdoulaye Makhtar Diop, Djibo Ka, Moustapha Niass et Ousmane Camara sont issus du lycée Faidherbe, le seul lycée d’excellence du Sénégal et de l’Aof. Considéré parmi les meilleurs de sa génération, Ousmane Tanor Dieng était presque le « greffier en chef » de la Présidence ou celui qui tenait régulièrement la plume pour les grands discours. « Et si le président Léopold Sédar Senghor a maintenu Ousmane Tanor Dieng longtemps à ses cotés, c’est parce qu’il a toujours donné satisfaction. Non seulement Tanor Dieng fut un excellent diplomate, mais il écrivait très bien les discours puisqu’il est doté d’une belle plume.
D’ailleurs, c’est pour cela qu’il a été confirmé par le président Abdou Diouf » témoignait à l’époque Souty Touré, ancien ministre de la Décentralisation sous le régime d’Abdou Diouf « Même Abdou Diouf, lui-même, était une excellente plume sous Senghor. Exactement comme Ousmane Tanor Dieng était sous Abdou Diouf » confirmait notre confrère et doyen, Ibrahima Dème qui termina sa carrière comme consul général du Sénégal à Rabat. Il faut dire toutefois que, devenu ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, OTD n’a plus eu le temps de rédiger des discours. Il s’est donc déchargé de cette tache sur le journaliste et philosophe Cheikh Tidiane Dièye qui, en temps que conseiller spécial numéro 1 (CS 1) du président Diouf, s’acquitta à merveille de ce travail, les textes qu’il écrivait pour son patron étant des chefs d’œuvre d’écriture. Ousmane Tanor Dieng, une plume qui véhiculait la bonne parole citoyenne et républicaine s’est brisée à jamais !