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Panser Nos Plaies D’égypte!

Panser Nos Plaies D’égypte!

Une foule monstre s’était spontanément massée dans les rues de Dakar, tout le long du cortège des Lions du football, rentrés d’Egypte, certes bredouilles d’une coupe d’Afrique mais glorieux. Les footballeurs algériens ont gagné. Ils ont mérité le trophée, au regard de leur parcours sans faute durant tout le mois de la compétition. Les dieux des stades ont exaucé leur vœu, la chance leur a souri. C’est la dure loi du sport. On ne gagne pas toujours parce qu’on est meilleur, qu’on aura fourni la meilleure prestation, le meilleur jeu. Une finale de coupe tient parfois, à rien du tout, ce petit rien que le coach Aliou Cissé a appelé «des détails».

Seulement, les joueurs sénégalais et leur coach n’ont aucune responsabilité coupable dans ces «petits détails» qui nous ont fait perdre ce trophée tant convoité. L’Equipe du Sénégal, en effet, a livré son meilleur match de la compétition lors de la finale du 19 juillet 2019 au stade international du Caire. Qui a le droit de jeter la pierre à cette équipe qui a fini deuxième, dans une compétition disputée âprement par 24 nations africaines dont quelque dix d’entre elles ont déjà eu à remporter le trophée.

Nous y avions cru. Tout le Sénégal pensait que cette fois serait la bonne, car nous tenions le bon groupe et les étoiles semblaient s’aligner pour nous donner le graal. Le Sénégal n’avait qu’un objectif en allant au Caire, c’était celui de gagner la coupe. Nous ne voulions nous suffire de rien d’autre. Seulement, la défaite face à l’Algérie est ce genre de défaite que nous devons fêter comme une victoire. Le Président Macky Sall et les supporters ne s’y sont pas trompés.

Le Sénégal ne pouvait pas bouder son plaisir. Cette équipe aurait mérité de recevoir une prime équivalant à une prime de victoire. Relever la tête, se préparer encore et encore pour 2021 Les footballeurs sénégalais, pris par la déception, ont pu manifester quelques moments de faiblesse. Ce sentiment avait aussi gagné nombre d’entre nous autres supporters. Mais cet instant passé, il fallait ravaler la colère, la frustration et relever la tête. Des supporters sénégalais ont chialé comme ce fut le cas en 2002, à Bamako, quand nous avions été battus par le Cameroun, dans les mêmes conditions et les mêmes circonstances. Les Lions ont été défaits de si peu…

Les Algériens eux-mêmes ont été bien conscients que leur victoire a été quelque peu usurpée. Ils ont eu plus de baraka, encore une fois, ce mot a été emprunté à leur langue comme d’ailleurs les prières formulées par tout le Peuple sénégalais pour obtenir la victoire. Sans doute que le Bon Dieu a plus et mieux entendu ou compris les prières dites par les Algériens dans leur propre langue, «la langue de Dieu» que celles dites par nous autres, qui le prions dans une langue qui nous est étrangère.

Revenons au football ! Le Sénégal avait été battu à cause d’un «petit» but, un but gag, un but malheureux comme il peut arriver à toute équipe. Si on regarde bien les circonstances du but concédé aux Algériens, rien n’a été fait par l’équipe adverse pour marquer ce fameux but. A l’opposé, rien n’a été négligé par l’Equipe du Sénégal pour l’encaisser. Il n’y aucune erreur ou faute, il n’y avait non plus aucun mérite particulier pour les Algériens dans ce but. Dans la première action de jeu engagée du match (79ème seconde), l’attaquant algérien Bounedja ne sait même pas s’il tirait au but ou s’il cherchait à centrer le ballon au profit d’un coéquipier. La balle avait été contrée, naturellement et normalement et malheureusement, par un défenseur.

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L’effet billard sur le ballon a provoqué une trajectoire en vrille avec le souffle du vent et tout le stade croyait à une sortie de but, avec une balle qui était censée passer au-dessus des buts gardés par Alfred Gomis. On nous dit que Alfred Gomis était avancé ? Le portier sénégalais n’avait aucune raison de se trouver sur sa ligne de but. Tout le stade était médusé de constater que le ballon était au fond des filets. Les Fennecsalgériens et leurs supporters, incrédules, avaient attendu de se convaincre que le but était bien validé avant de jubiler.

Franchement, qu’est-ce qui pouvait être reproché à un joueur ou un entraineur sur ce coup du sort ?

Au Sénégal, les appréhensions pour la Coupe d’Afrique et comme il y en a toujours, tenaient à la composition du groupe des joueurs. Ils étaient nombreux à posséder une science infuse du football pour contester la sélection effectuée par l’entraineur Aliou Cissé. Il ne saurait y avoir une sélection de joueurs qui fasse l’unanimité. Aliou Cissé a su monter un groupe qui est allé jusqu’au bout de la compétition. Durant toute la compétition, certains de ses choix avaient pu être contestés mais en dépit de tout cela, son équipe continuait son bonhomme de chemin jusqu’en finale.

A l’occasion du dernier match, il a su apporter les réponses tactiques nécessaires. Son équipe courait pendant 88 minutes pour égaliser. Tout a été tenté par les joueurs et il a été à leurs côtés pour les pousser. Les choix de l’entraineur étaient alors de jeter toutes les armes offensives dans la bataille pour revenir au score. Aliou Cissé l’a fait. Il a renforcé son attaque en faisant des changements de joueurs. Ainsi, il a fait jouer à la fois Mbaye Niang, Mbaye Diagne, Keïta Baldé, Ismaïla Sarr, Sadio Mané (5 attaquants de métier) avec des apports offensifs notamment de Idrissa Gana Guèye, de Henri Saivet, de Krépin Diatta ou même de Cheikhou Kouyaté et de Salif Sané. Youssouf Sabaly avait fourni un soutien offensif en dépit de son handicap sur le flanc gauche du fait de sa «reconversion» pour pallier la carence de trouver un latéral gauche de métier.

Le centre de Ismaïla Sarr, à la 60ème minute de jeu, a provoqué une faute de main du défenseur algérien Guedioura. Le Sénégal a eu à assiéger l’Equipe algérienne,  dirigée par le coach Djamel Belmadi, qui passait tout son match à «tuer» le temps et à se défendre -c’est de bonne guerre en sport-. Il s’y ajoute que l’Algérie a pu compter sur un Raïs M’bolhi des grands jours, qui a réussi à endiguer de nombreuses occasions de but du Sénégal.

Si un gardien de but a pu être désigné comme «homme d’un match» en football, c’est justement parce qu’il a été mis à rude épreuve par l’équipe adverse. Il convient, encore une fois, de jeter un regard sur les statistiques du match qui révèlent de manière éclatante la large domination de l’Equipe du Sénégal : 62% de possession de balle en faveur du Sénégal et 12 tirs aux buts pour le Sénégal contre 1 pour l’Algérie. L’équipe du Sénégal a mouillé le maillot. Ce serait de l’outrecuidance de ne pas saluer cette équipe. Comme si tous les malheurs tombaient ce jour-là sur la tête des Sénégalais, l’arbitrage a péché. On ne franchirait pas le Rubicon pour parler de favoritisme mais on ne peut pas ne pas relever que le temps de jeu n’avait pas été correctement décompté à la fin du match.

Aussi, les circonstances dans lesquelles l’arbitre du match avait changé son avis sur la décision qui accordait un penalty au Sénégal, à la 60èmeminute de jeu, sont sujettes à caution. Le penalty nous a été refusé ? Les avis peuvent être différents sur l’interprétation des règles du jeu. Le Sénégal avait échappé à un penalty tout aussi discutable en demi-finale contre la Tunisie. Les jeunes sortent dans la rue quand le jeu en vaut la chandelle Cette Equipe nationale n’est pas et ne sera pas une équipe de Macky Sall.

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Toute la Nation sénégalaise avait le devoir de la soutenir, de l’encourager et de la pousser vers la victoire. Mais est-on sûr que tout le monde voulait, désirait une victoire finale du Sénégal ? D’aucuns ont pu croire qu’une victoire servirait d’opium pour notre Peuple, que les autorités étatiques allaient s’en servir pour une propagande ou auraient un antidote à des colères sociales ou politiques. Personne n’a dragué ces milliers de jeunes gens sortis dans les rues de Dakar pour saluer la performance des Lions.

Si pour d’autres causes ces jeunes refusent de sortir, il faudrait chercher la raison ailleurs que dans un manque de patriotisme ou de combativité de la jeunesse sénégalaise. On se rappelle qu’en 2011 et 2012, ou en 2000, quand l’enjeu en valait la chandelle, les jeunes sénégalais ne s’étaient pas fait prier pour sortir dans les rues. Le Sénégal n’a donc pas gagné mais le gouvernement peut lui aussi se targuer d’avoir un certain mérite.

Depuis plusieurs années, les footballeurs ne rentrent plus de compétitions internationales en ruminant leur colère pour n’avoir pas été mis dans des conditions de performance ou que l’Etat a failli à telle ou telle mesure pour garantir le succès. Le Sénégal a fini de régler les petites querelles des vestiaires, jadis minés par des problèmes de primes, d’ego, de filles ou de sorties nocturnes des joueurs en virée dans les boites de nuit. Tout ce dont l’équipe aurait pu avoir besoin avait été mis à la disposition des responsables, par l’Etat du Sénégal. Le Sénégal qui n’était pourtant pas le pays le plus nanti des 24 pays nations dans la compétition, a mis ses joueurs et encadreurs dans des conditions que leur auraient enviées toutes les autres équipes.

L’Equipe d’Egypte, qui jouait à domicile, n’était pas mieux lotie que celle du Sénégal. L’Etat du Sénégal a même mis la main à la poche pour aider des groupes de supporters qui avaient réussi à tenir la dragée haute à ces dizaines de milliers de supporters transportés, vêtus, logés et nourris par l’Etat algérien. Sans doute que les autorités algériennes voulaient elles aussi la victoire pour des impératifs de politique intérieure et n’avaient pas lésiné sur les moyens. Qu’est-ce que l’Egypte, pays hôte, n’avait pas fait ou mis en œuvre pour arriver en finale ?

On peut se demander, sans doute, juste pour rigoler, quelle est d’ailleurs pour le Sénégal cette idée de chercher à remporter une Coupe d’Afrique de football dont le principal sponsor est la société française Total ? Le Sénégal aurait gagné qu’il ne manquerait pas des gens pour dire que c’est parce que Total aurait acheté la coupe pour Macky Sall. Même une association de journalistes sportifs qui a eu, en direction de cette coupe d’Afrique, à bénéficier d’un soutien de la compagnie British Petroleum, a été obligée de répondre à des procès en sorcellerie. Qu’une société de téléphonie ou qui vend des cacahuètes les sponsorise, ça passe mais s’il s’agit de sous de pétroliers…ça sentirait les effluves de la corruption. «Derrière chaque réussite il y a un rêve, l’audace c’est d’y croire»

Pendant la campagne décevante de Russie en 2018, nous écrivions, le 26 juillet 2018, dans une chronique intitulée «Les Lions, l’image séduisante du Sénégal», que les performances sportives devraient nous permettre de nous libérer d’un certain mauvais caractère, le «Sénégal bashing». Nous avons cette manie ou cette tare à nous auto-flageller ! Ce n’est pas fermer les yeux sur ce qui ne va pas, mais il faudrait reconnaître qu’il nous arrive assez souvent de faire la fine bouche. 52 autres pays africains auraient véritablement aimé être à la place du Sénégal, alors que si on en juge par les infrastructures sportives, les investissements publics comme privés dans le domaine du sport, la taille de l’économie ou la démographie, le Sénégal n’aurait pas pu jouer les premiers rôles en Afrique.

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Pourtant, le Sénégal est la 22ème Nation de football au monde, selon le dernier classement de la Fifa et donc la première équipe africaine. On a entendu dire que, dans un pays sérieux, on ne célèbre pas les défaites. La Croatie a, il y a un an jour pour jour, fêté ses héros du football défaits en finale de Coupe du monde. En 2002, nous avions fêté les Lions défaits par le Cameroun en Coupe d’Afrique et défaits par la Turquie en quart de finale du Mondial Corée-Japon. Madagascar fête ses «Baréas» éliminés en quart de finale de la Can 2019, le Bénin a lui aussi fêté ses héros tombés au même niveau, le Nigeria s’est consolé d’une troisième place acquise de haute lutte à cette dernière Coupe d’Afrique. Peut-être que les Sénégalais regarderaient de haut tous ces peuples.

L’Egypte qui avait organisé la Coupe d’Afrique au pas de charge, comptait la gagner mais a été éliminée dès le stade des huitièmes de finales. Qu’ils seraient heureux les Egyptiens, s’ils avaient été en finale à la place des Sénégalais ! On fête ce qui est rare et depuis 2002, jamais le Sénégal n’a été à ce niveau d’une compétition internationale. Ils sont nombreux à avoir couru après le bus des Lions, et qui n’étaient pas nés en 2002 ou qui étaient tout jeunes pour participer à célébrer la génération de 2002 en son temps. Qui a le droit de leur contester ce droit et ces moments de bonheur ?

Le Sénégal devra aller chercher cette coupe en 2021, au Cameroun. Il faudra se préparer pour cet objectif et on ose espérer, une fois de plus, que les prédicateurs à la petite semaine se tairont. Qu’est-ce qui n’avait pas été dit quand il s’était agi de rencontrer le Bénin ? Est-ce que les prêtres vaudous et leurs sacrifices et autres rites avaient pu permettre au Bénin de battre le Sénégal ? Est-ce que les sacrifices recommandés çà et là et les prédictions et autres assurances ont permis aux joueurs de Aliou Cissé de soulever le trophée continental ?

Il nous faut nous préparer, il nous faut travailler, il nous faut être résilients, en mettant encore davantage de moyens à la disposition de l’Equipe nationale de football. Les résultats sont acquis avec de la chance, du talent mais sans les moyens rien ne sera possible. La vaillante équipe des «Baréas» de Madagascar en était la preuve parfaite. Ils ont eu beaucoup de courage, beaucoup de cœur et d’abnégation et même du talent mais n’avaient pas su se préparer dans les conditions optimales pour se mettre au niveau des autres équipes, durant toute une compétition.

Au-delà de 2021, le Sénégal devrait légitimement pouvoir se préparer à accueillir pour la deuxième fois une Coupe d’Afrique de football. On commence à perdre le souvenir que c’était en 1992. Ceux qui étaient nés cette année-là sont devenus des adultes. En attendant, la même énergie devra être consacrée à l’organisation de l’Afro-Basket féminin, prévu du 9 au 18 août 2019 au Dakar Arena de Diamniadio. Les nouveaux champions d’Afrique de karaté sénégalais ont aussi droit à des honneurs et une reconnaissance de la Nation.

 







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