L’état d’une démocratie se mesure d’abord par la liberté d’expression des journalistes, des lanceurs d’alerte et des intellectuels engagés. Il y a trop d’hommes « libres » dans les prisons sénégalaises, il y a trop d’idées libres dans les prisons sous Macky Sall.
Aujourd’hui je fais mienne la formule de Dostoievski selon laquelle « On peut mesurer le degré de civilisation d’une société en visitant ses prisons ». Mais en l’adaptant à notre contexte sénégalais, je dirais plutôt ceci : en visitant les prisons sénégalaises d’aujourd’hui, on est révolté par le fait qu’elles sont remplies par la crème tandis que les médiocres et les ripoux sont dehors ; et aux commandes !
Adama Gaye paie et paiera encore le prix de sa liberté de ton qu’aucun pouvoir n’a jusqu’ici réussi à encastrer dans l’asphalte de la corruption qui a fini de museler une bonne frange de la presse.
Tout le monde savait que le verbe viril et virulent de cet homme finirait pas le faire tomber dans les mailles de la justice aux ordres. Mais on a entendu pire que ça. On a vu un président et son ministre être peints sous les aspects de violeurs dont la victime aurait été la Constitution. On a entendu et lu des allégations sur un président qui porterait des couches… Les écarts de langage dans une démocratie mature peuvent être combattus de façon plus intelligente et plus mesurée : la prison ne peut rien contre les idées. Le pamphlet, l’ironie, etc., dans une démocratie sont des procédés littéraires qui peuvent parfois prendre la forme de l’injure. C’est vrai que l’injure ne peut être excusée, mais ce qui fait la grandeur des autorités dans une démocratie, c’est de faire preuve de mansuétude à l’égard des dérapages parfois inévitables en démocratie. Quand on règne sur des hommes, et parfois de façon abusivement injuste, la moindre tribu à payer, c’est de subir les armes des dominés.
Adama Gaye est certes passionné quand il défend ses positions et les intérêts de son pays, mais son arrestation ne se justifie nullement. Il ne faut pas pousser les citoyens dans une situation d’insurrection verbale en s’emparant éhontément de tous leurs espaces de liberté. Il ne faut jamais écraser ses adversaires, or depuis qu’il est au pouvoir, Macky Sall n’a fait autre chose que réduire ses adversaires au néant après les avoir diabolisés à outrance dans ses réseaux de la presse.
S’il est vrai que les lâches ont toujours la partie belle dans l’histoire (ils sont les charognards de l’humanité) et que les martyrs sont les vraies roues de l’histoire de l’humanité, il est aussi vrai que leur histoire s’écrit uniquement au présent. Les lâches tombent dans l’oubli dès que les accidents qui les ont créés s’évanouissent dans le décor embrouillé des événements bruyants qui empêchent de réfléchir.