Comme disait l’autre, quand le génie s’empare d’une personne, il en fait un symbole intelligible et la proie des…brutes sombres. L’auteur de « Demain, la nouvelle Afrique », un essai politique sur le développement de l’Afrique subsaharienne préfacé par Ellen Johnson-Sirleaf, (première femme présidente de la république du Libéria et en Afrique) et de « Chine – Afrique : le dragon et l’autruche», peut avoir tous les défauts du monde mais il n’en demeure pas moins un génie. Et il a assurément cette étincelle de folie qui caractérise les génies, les poussant inextricablement à se transcender et se mettre au service de l’humanité ou de leur peuple. Comme ce fut le cas en 2005 où il était principal conseiller Afrique de la candidature de Londres aux jeux olympiques de 2012. Une étincelle de folie qui appelle les génies, d’ici et d’ailleurs, à vouloir, à tort ou à raison, remodeler le monde à leur façon. Souvent au prix de sacrifices incommensurables. Parce que, généralement, ces génies sont incompris dans leurs convictions profondes.
Et des convictions, Adama Gaye, puisque c’est de lui qu’il s’agit, journaliste-consultant tombé lundi dernier dans les filets de la redoutable (division des investigations criminelles), en déborde largement. De fortes convictions qui l’ont poussé à sortir de son douillet cocon londonien où il côtoyait les sommités mondiales telles Jerry Rawlings, Kofi Annan, les anciens présidents du Nigeria ou encore les magnats du pétrole pour, selon son intime conviction, voler au secours de son peuple « spolié par de terribles prédateurs sans foi ni loi ». Des prédateurs à la tête desquels, le président de la république, Macky Sall, qu’il a affublé du sobriquet peu flatteur de – « Khalife général Koulou todjémen ».
Sans vouloir cautionner la manière de l’exercice ou celle que l’on voudrait bien nous faire avaler aujourd’hui, nous pouvons dire, ici et maintenant, qu’il était loisible à Adama gaye, en bon épicurien, de continuer à se la couler douce dans les plus luxueux palaces du monde où il avait régulièrement ses quartiers et oublier son malheureux peuple à son triste sort. Et c’est tout à son honneur qu’il ait choisi de s’engager aux côtés de ce peuple ! Malheureusement pour lui, la liberté d’expression est réduite à sa plus simple expression dans son pays. Un pays où les frustrations doivent être contenues et non manifestées sous peine de recevoir son lot de grenades lacrymogènes et de matraques électriques. un peuple qui subit le diktat de son prince qui ferme les yeux sur les multiples scandales qui éclaboussent son magistère. un peuple à la justice à deux vitesses. Une attitude inexplicable, incompréhensible et surtout inacceptable pour Adama Gaye qui s’est alors fixé l’objectif de secouer ce même peuple, de le réveiller. Et à l’heure de la tectonique des plaques qui a fini de révolutionner le monde et causer la perte de bien des régimes, l’ancien journaliste de Jeune Afrique et de la BBC, avait trouvé son art. Un art qu’il maîtrise à la perfection. Ses posts pour le moins dévastateurs n’épargnaient personne et faisaient trembler jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
D’aucuns s’interrogeaient même sur le manque de réactivité à son égard de la justice si prompte à réduire au silence les troubadours qui essayaient de troubler le sommeil du prince sur les réseaux sociaux. Adama était, il faut le dire, d’un tout autre calibre et, contrairement à l’idée selon laquelle il publiait ses posts depuis l’étranger, Adama, en vérité, n’est jamais resté longtemps loin de nos murs. Il a toujours assumé son combat et fait régulièrement des descentes au pays et, cerise sur le gâteau, signalait même ses présences dans ses publications. Aussi, n’a t-il pas manqué de déclarer à l’AFP, en présence de son brillant avocat, me Khoureyssi Bâ, qu’il se «considère comme un prisonnier d’opinion, un détenu politique retenu pour ses écrits basés sur des faits précis, des questions vitales par rapport à la souveraineté nationale du Sénégal, notamment la gestion des hydrocarbures ». En somme, un prisonnier d’opinion pour le moins encombrant pour le régime de Macky Sall tant ses connexions sont multiples et puissantes. Un Macky Sall, adepte de la liberté d’expression et qui n’avait pas hésité, une seule seconde, à marcher pour Charlie, les caricaturistes du prophète Mahomet (Psl), à Paris. Le même Macky Sall que notre confrère aurait offensé ! le destin a parfois un côté tragique ! À tout le moins, cruel.
UN COUSIN DE L’ACTUEL KHALIFE GÉNÉRAL DES MOURIDES
En parlant des connexions d’Adama Gaye, il faut savoir que, même s’il ne s’en vante pas, ni ne le réclame, il fait partie de l’illustre famille de Serigne Touba Khadimoul Rassoul. En effet, de son vrai nom Serigne Souhaïbou Gaye dit Abou, Adama gaye est le fils de Sokhna Soda Mbacké, elle-même fille directe de Mame Cheikh Anta Mbacké « Borom deureum ak ngueureum » de Darou Salam, frère du vénéré fondateur du mouridisme. Il est donc le cousin de Serigne Mountakha Mbacké, l’actuel khalife général des mourides. Un cousin auquel il n’a jamais cessé de rendre visite à chacune de ses descentes au pays, même si ses relations avec certains cercles de Touba sont plus ou moins heurtées. Il a toujours eu serigne Mountakha en bonne estime et tirait sur la sonnette d’alarme pour dénoncer les lobbys qui s’activaient autour du Khalife. D’ailleurs des voix, à l’instar de celle de serigne Mamoune Mbacké, commencent à s’élever dans la famille maraboutique de Darou Salam pour exiger purement et simplement sa libération. Adama Gaye n’aurait fait, à leurs yeux, que livrer son opinion sur la marche du pays.