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Dans La Tête D’un Président Perdu

Dans La Tête D’un Président Perdu

« (…) Le pouvoir est mystérieux. On dirait que c’est une sorte de catalyseur qui fait éclore les folies et les vices enfouis au tréfonds de l’être humain. Rares sont ceux qui y ont goûté ne serait-ce qu’une pincée, et n’en redemandent pas davantage. Plus important que le prestige et les avantages matériels et financiers que tu peux en tirer, est le sentiment de puissance presque divine dont tu te sens investi.

En un claquement de doigts, tu peux assombrir une vie ou l’illuminer, susciter des espoirs ou les anéantir. Des gens sont à tes services du matin au soir. Il te suffit souvent juste d’appuyer sur un bouton ou de passer un coup de fil pour voir tes vœux exaucés. Tu te crois à la limite un surhomme. Par conséquent il faut être absolument lucide pour bien gérer le pouvoir, car il corrompt souvent la raison et peut mener facilement à la folie des grandeurs.

Ce n’est dès lors pas étonnant que d’aucuns le qualifient d’enivrant. Dans mon cas, il m’a littéralement changé. Je comprends maintenant la portée de cette phrase d’Abraham Lincoln : « Presque tous les hommes peuvent faire face à l’adversité ; mais si vous voulez tester la capacité de quelqu’un, donnez-lui le pouvoir ».

J’ai souvent manqué de lucidité, je bats ma coulpe. Mais nombre de mes conseillers y ont été pour quelque chose. À part peut-être deux ou trois, la plupart d’entre eux ne m’ont dit que ce que je voulais entendre face à certaines situations délicates. Je m’en suis rendu compte un peu tardivement…Non…le pouvoir est trop divin pour se trouver entre les mains d’un seul homme dans un pays. D’où la nécessité de garde-fous en guise de contre pouvoir. Mais malheureusement, même s’il y en a eu chez moi, ils n’ont pas servi à grand-chose puisque toutes les manettes du pouvoir se sont retrouvées entre mes mains : je nomme les hommes devant occuper tous les postes-clefs ; dispose, depuis toujours, d’une majorité absolue quasi automatique à l’Assemblée nationale, nombre de juges, d’avocats, de magistrats, de directeurs de sociétés stratégiques sont presque toujours acquis à mes causes, fussent-elles injustes. Par conséquent je ne peux que me sentir tout-puissant. Ce qui m’a poussé à m’enfoncer davantage dans les dédales des immondices du pouvoir où je suis si empêtré que j’éprouve de grandes difficultés pour m’en extirper. J’ai fait iniquement limoger des gens parce qu’ils ont osé me contredire ou me tenir tête même si ils l’ont fait quelquefois pour le bien du peuple; fait emprisonner des personnes injustement pour les obliger de laisser tomber la lutte qu’elles menaient contre moi (…) Ce qui est encore plus grave pour moi c’est que je ne peux plus faire machine arrière. Du coup, en plus de me sentir obligé de continuer dans la même logique, je dois tout faire pour me maintenir au pouvoir, quitte à me servir de la violence et du chaos ou à entretenir parfois des pactes faustiens avec ceux qui desservent les intérêts du pays. Car je sais qu’il y a de nombreux procès suspendus au dessus de ma tête comme une épée de Damoclès. Donc, la perte de pouvoir sera pour moi, pour ma famille et mes partisans une perte totale. ».

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Texte tiré du dernier livre de l’auteur, intitulé : « L’État déballe tout ! »







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