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L’Énorme Erreur Des MÉdias Sur La Figure De “sammba Booy”

Les stéréotypes ont la peau dure dans les médias. Tous pays confondus. Radios, télévisions et autres supports médiatiques émettant à Dakar revoient-ils de fond en comble les copies des présentateurs de leurs magazines surtout le vocabulaire utilisé dans les éditions en langue nationale wolof ?  Le doute est permis. L’utilisation de la périphrase est régulière et malencontreuse. Elle dénature allègrement des faits présentés. Sacrilège en journalisme ! Les raccourcis ont le don de produire des effets d’assimilation directe entre situations ou personnages divers. Le tragique événement de l’attaque du bureau de postes de Koumpentoum (centre) nous en donne une piqûre de rappel. Qui n’a pas entendu les journalistes user de détours (“Sammba Booy”, “voyous”, etc.) dans le but de donner les traits de caractère des assaillants ?  L’allusion à cet héritier de Koli Tenguella BÂ (chef du royaume peul de l’ancien Fouta) est fausse, car la figure de Sammba Booyi dont il est question là fut loin de l’image exacerbée du brigand qui lui est assignée. Les mythes résistent au temps. Sur ce, une erreur monumentale se répète et administre la preuve d’une ignorance notoire de la part des médias en cause qui ont injustement fini de le présenter en parrain des bandits de grands chemins. Quatre siècles bien après sa mort (1707). 

JE TIENS A PRÉCISER QU’AUCUN LIEN CONNU JUSQUE-LA DANS MA FILIATION, NI D’ASCENDANCE NI D’ALLIANCE OU TOUT AUTRE, NE PEUT ME RATTACHER AU PERSONNAGE SAMMBA BOOYI. MISE A PART UNE CERTAINE HOMONYMIE, CE QUI M’EXASPÈRE DANS L’ÉVOCATION DE SON NOM C’EST BIEN PLUS UN SOUCI PERSONNEL, CELUI DE VOIR DES CONFRÈRES (ET SURTOUT LEURS COLLABORATEURS NON PROFESSIONNELS) PERSISTER DANS L’ERREUR.

S’il est vrai que ceux qui animent les médias modernes, à l’instar du “maître de la parole” dans la société traditionnelle, sont utiles à l’État et l’éveil des populations, il n’en demeure pas moins vrai qu’ils peuvent, sans niveau de conscience élevé, perpétuer des illusions et de fausses connaissances des personnages et des réalités historiques. Ce manque de clairvoyance —un parti pris que je présume, inconscient de leur part, peut laisser prospérer un sentiment d’injustice perpétuelle envers leurs victimes. Supplice qui perdure des siècles dans certains cas. Par erreur historique, les tenants de l’audiovisuel local auront du mal à nous convaincre de leur non-culpabilité devant la gravité des péchés de la facilité qui sont collés aux médias en général : prisme déformant, effet réducteur et répétition à l’envie.  Autrement dit, les médias savent-ils administrer l’exacte mesure d’une réalité, sans effets perturbateurs, pour nous permettre de saisir tous les aspects constitutifs d’une situation donnée ? 

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En raison d’une inculture sèche de la partie en cause, il se pose un problème de fidélité dans la présentation des faits. Ce qui est rapporté n’est pas conforme à la réalité alléguée. J’ai lu et relu feu le professeur Oumar KANE dans La première hégémonie peule. Le Fuuta Tooro de Koli Tenella à Almaami Abdul. Je m’étais rendu compte que l’image de Sammba Booyi telle que véhiculée à travers les informations et émissions radiophoniques en wolof, ne correspondait que très peu à la réalité du personnage historique. Celui-ci fut un prince déchu devenu bien plus tard souverain du royaume du “Siratique” des 17 et 18èmes siècles. De la gloire, sa figure est tombée à la légende, puis au stéréotype.  L’écho de la voix de ses adversaires n’est pas des moindres dans le retentissement de ses déboires. Les siècles n’ont pas effacé la légende vraisemblablement sulfureuse de Sammba Booyi.

Au contraire, c’est devenu pire par siffles de perroquet. La longévité de sa réputation qui relève encore du stéréotype, mérite des investigations pour faire la part des choses, du vrai et du faux, dans les relations entre ce prince intrépide, ses rivaux dont son oncle paternel Siree, les fils et protégés de ce dernier, et les intrigants commis de la France coloniale établis de Saint-Louis du Sénégal au Galam. Sur le plan intérieur, la disgrâce durant le long règne du successeur de son père (30 ans), les accusations de népotisme contre cet oncle au pouvoir, puis les faiblesses dont ce dernier se serait rendu coupable devant “les prétentions des Maures sur le Fuuta” s’ajoutèrent à d’autres facteurs externes rendant également sa légende triste. Parmi ces facteurs, on peut citer, donc ses 30 ans d’exil au Gajaga, chez le Tunka, pendant lesquels Sammba Booyi n’est pas resté tranquille avec des visées, incursions et menées sur ses terres d’origine. En outre, des drames personnels ont secoué la vie du fils du roi Bubakar Sawa Laamu (mort en 1669) : le prince a-t-il été perdu par son prestige précoce fondé sur sa beauté, son intelligence et son courage —des causes évidentes de perte devant des concurrents aussi peu scrupuleux ? Aussi, en 1680, Sammba Booyi a dû vivre une trahison nette. Il a subi un abus de confiance sur son argenterie d’une valeur de “mille écus” de l’époque, dont il a été victime de la part d’un commis du la Compagnie du Sénégal.

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Comment ne pas évoquer la bouderie de sa première épouse, une princesse du Walo, fille du Barack Fara Peinda, suite aux épousailles en secondes noces de Sammba Booyi avec la fille de son bienfaiteur, le Tunka en 1685. Toutes choses proches et lointaines pouvant accréditer la thèse du personnage de mémoire sinistre qui lui a survécu si longtemps. Et, ici, c’est à tort cette thèse. Elle est fausse. Au moins à moitié. Qu’on se le tienne pour dit, un dissident n’est pas un bandit. En clair, l’évocation du nom de l’insurgé Sammba Booyi devra nous rappeler l’histoire d’un conflit fratricide suivi d’une insurrection contre la corruption du pouvoir chez les “satigi”, donc ne saurait servir d’allégation aux actes de banditisme commis par nos contemporains.

Quand on découvre feu le Pr. Oumar KANE, on s’enrichit et gagne en éléments de repères historiques probants pour ne plus confondre le dissident Sammba Booyi avec les brigands des temps nouveaux qui sévissent actuellement par-ci, par-là dans le pays.  D’ici là, et d’ici à mener d’éventuels travaux d’investigation nécessaires pour éclaircir la part d’ombre dans laquelle nagent les reporteurs et les présentateurs des journaux en wolof, les médias sénégalais ne devraient-ils pas commencer par s’abstenir de présenter Sammba Booyi sous des traits peu amènes comme il est courant de les entendre ? Les journalistes en cause et les très grands organes qui les emploient se départiraient ainsi du ridicule de l’inculture et de l’injustice du parti pris qui se dégagent de la fausse allusion au célèbre prince de la dynastie des Denianke. 

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Pour nous autres, nous ne ferions pas la fine bouche pour ne pas goûter à notre plaisir ! Moins d’allusion négative à ce nom ne nous ferait que du bien et nous n’en porterions que mieux notre patronyme, BOYE-Dembané.

Bref, n’eût été l’idée que je me fais de la solidarité avec les gens de ma profession et personnes assimilées, j’aurais déjà déposé une plainte sévère contre les journalistes et les présentateurs de journaux et émissions de radio ou télévision en langue nationale wolof pour cause non seulement d’”offense au prince”, mais surtout de flagrant délit ‘continu’ d’ignorance. Par confraternité, j’ai renoncé à toute volonté de poursuite, et par pédagogie, je leur recommande de lire entièrement La première hégémonie peule. Le Fuuta Tooro de Koli Tenella à Almaami Abdul, chez Karthala – PUD, 2004, avec la préface d’Amadou Mahtar MBOW.







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