Au sortir du scrutin du 24 février 2019, contre toute attente, le candidat Macky Sall a été réélu avec un score très large, de l’ordre de 58,26% des suffrages, inversement proportionnelle avec sa cote de popularité plutôt déclinante avant ces joutes électorales. Avec une telle marge par rapport à ses adversaires, l’on pouvait penser que le président Macky Sall avait reçu l’onction de la majorité absolue des Sénégalais pour dérouler durant son second mandat et finir le travail en achevant, sans pression, ses chantiers entamés durant le premier mandat. Que nenni ! Aussitôt la prestation de serment faite et le nouvel attelage gouvernemental lancé sur les pistes, l’on s’est rendu compte que la partie ne serait pas facile et que ce second mandat ne serait pas ce long fleuve tranquille attendu. En effet, c’est parce que c’est un second mandat, c’est-à-dire le dernier, que le premier grand problème se pose, car les Sénégalais ont désormais affaire à un président Macky Sall sur le départ, dans 5 petites années. Et donc, à mesure que le temps passe, son autorité s’effrite et se réduit comme une peau de chagrin.
Son entourage, ses collaborateurs et même ses adversaires, lorgnent de plus en plus vers son potentiel successeur. On pense déjà à l’après-Macky Sall. Il ne suscite plus la même crainte, la même obséquiosité, voire le même respect, car la redoutable signature des décrets présidentiels va bientôt changer de main. Petit à petit, ses désirs ne sont plus des ordres. Ses ordres peinent à être exécutés. Ses coups de gueule ou tapes sur la table deviennent moins audibles. Déjà les premiers signes d’insubordination se font jour avec le projet de réhabilitation de la basilique NotreDame de la Délivrance de Poponguine qui tarde à se matérialiser.
En effet, le président Macky Sall avait instruit ses services d’engager les travaux de réfection de ce symbole du christianisme au Sénégal. Mais, rien n’a été fait depuis. Pourtant, le chef de l’Etat avait octroyé plus d’un milliard de francs CFA pour la réhabilitation du sanctuaire. Ça frise la désobéissance. Un autre qui n’est plus un béni oui-oui du président Macky Sall, c’est Moustapha Diakhaté, jusque-là incontournable à l’APR et dans les sphères de l’Etat avec sa casquette de président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakar, puis de celle de directeur de cabinet politique du président de la République, il a été tour à tour défénestré de ces deux strapontins.
Alors, depuis sa disgrâce, il a retrouvé sa liberté de ton et son indépendance d’esprit et n’hésite à se démarquer des positions de “l’Etat et du parti” et à tirer sur “le Macky”. Dans “l’affaire Petrotim”, Moustapha Diakhaté ne demandait pas moins que la démission d’Aliou Sall de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), et puis d’ajouter : “Qu’on ne se voile pas la face parce que c’est le frère du président que ça fait tourner, si c’était un citoyen simple les gens n’allaient pas accorder trop d’importance”, dit-il. Par cette occasion, Moustapha Diakhaté demande à Macky Sall de retirer les membres de sa famille ou de ses proches du gouvernement afin “d’éviter le syndrome Wade-fils Wade-père”. Dans une déclaration publiée sur sa page Facebook, Moustapha Diakhaté a demandé au président Macky Sall d’ordonner l’arrêt des poursuites contre l’activiste Guy Marius Sagna, arrêté et placé sous mandat de dépôt pour “fausse alerte au terrorisme”. Tout le monde aura ainsi remarqué que Moustapha Diakhaté continue à se distinguer par ses positions tranchées sur certaines questions qui occupent le centre de l’actualité. Il avait récemment indiqué, dans une sortie, que le président Macky Sall ne devait pas octroyer les permis d’exploitation du pétrole à Frank Timis. Après “l’affaire Petrotim”, Moustapha Diakhaté, décidément en verve, redoute un autre scandale “aux conséquences incalculables”. Il pense qu’il faut “casser absolument le mariage entre COS-Petrogaz, Petrosen et Monsieur Enjoy Ayuk Eyonk et décliner l’attribution de la distinction accordée au président de la République par la Chambre africaine d’énergie”. Ce n’est pas tout, puisque Moustapha Diakhaté réclame “l’annulation de la participation du Sénégal à la conférence-exposition Africa-Oil & Power 2019 prévue en Afrique du Sud” dans la mesure où notre pays “court un grand risque en collaborant avec un personnage poursuivi pour trafic de visas, blanchiment d’argent et implication dans un scandale de contrat pétrolier au Soudan”.
Pour finir, Moustapha Diakhaté estime que “une enquête doit être diligentée pour débusquer celles ou ceux qui ont introduit Monsieur Eyonk au Sénégal et auprès de son président”. Au lendemain de la formation du dernier gouvernement, Thérèse Faye Diouf, directrice de l’Agence de la Case des tout-petits, avait fait la gueule parce qu’elle avait été zappée de la liste des 32 intermittents du spectacle et des 2 secrétaires d’Etat. Il a fallu qu’elle soit reçue au palais présidentiel, pour que le chef de l’Etat la ramène à la raison et la décolère un peu. Même si, vraisemblablement il ne le fait pas exprès, Aliou Sall, n’a de cesse de pourrir la vie à son frère de président, dans ce second mandat, particulièrement mouvementé, avec toutes les casseroles trop bruyantes et clinquantes qu’il traine. Mais, le gros os que le président Macky Sall aura du mal à avaler dans cet ultime mandat, c’est cette attaque qu’il a subie jusque dans sa vie privée, dans ce qu’il est convenue d’appeler “l’affaire Adama Gaye” où le chef de l’Etat est présenté sous des traits odieux qui heurtent la morale et la décence.
Le dimanche 28 juillet 2019, une cinquantaine de jeunes apéristes sèment le chaos devant la maison familiale du président Macky Sall à Fatick. Le spectacle était ahurissant : des pneus encore fumants, des blocs de pierres jonchant le sol à la devanture de la maison familiale du chef de l’Etat, des troncs d’arbre pour bloquer les issues du quartier Peulhga. Les clichés, partagés sur la Toile, témoignent de la violence des scènes de la manifestation enclenchée par des jeunes désœuvrés, qui s’étaient engagés politiquement aux côtés de Macky Sall pour son élection en 2012 et sa réélection en 2019, mais qui s’estiment aujourd’hui “être laissés en rade”. L’un des dirigeants du groupe, Birane Guèye, 32 ans, a laissé éclater sa colère : “Quand il s’agissait de défendre les intérêts de notre leader, nous avons toujours été présents, surtout quand il avait des problèmes avec le président Wade. Nous avons tout donné pour ce parti [APR], mais aujourd’hui, on n’en peut plus. Nous avons suffisamment avalé de couleuvres. Cette manifestation est un signe d’alerte au président de la République et à sa famille. Nous n’accepterons plus d’être utilisés comme du bétail.
Tout le quartier de Peulhga est frustré contre le président de la République et les responsables politiques de Fatick. Si rien n’est fait, nous avons prévu d’autres manifestations plus radicales”. Le mercredi 31 juillet 2019, les “marrons du feu” ont manifesté leur mécontentement pour exiger leur intégration dans la Fonction publique, Ces “gros bras”, ces “nervis”, ou encore cette “milice” selon certains, qui assuraient la sécurité du candidat Macky Sall lors de campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2012, puis de celle de 2019, ont assiégé le domicile du chef de l’Etat sis au quartier Mermoz de Dakar pour se faire entendre de qui de droit. Mais, le rassemblement n’a duré que quelques minutes. Ils ont été rapidement dispersés par les éléments de la Gendarmerie intervenus avec force. Le lundi 5 août 2019, la circulation était bloquée sur la VDN, à Dakar, dans le sens Parcelles assainies-Ecole Normale et sur l’avenue Cheikh Anta Diop, pendant au moins 2 heures de temps. Raison de ces bouchons : la “Macky Family” avait barré la route et affrontait les policiers pour demander que l’Etat trouve une solution à leurs problèmes après que le cadre unitaire des organisations des établissements privés de l’enseignement supérieur du Sénégal (CUDOPES) a décidé de leur exclusion des universités privées où l’Etat du Sénégal les avait orientés, et qu’il n’avait pas honoré par la suite la dette de 18 milliards F CFA en souffrance. Incroyable mais vrai, le chantier du train express régional (TER) est quasiment à l’arrêt, faute de blé. L’Etat en banqueroute ? On n’est pas loin du compte. Pourtant l’Etat du Sénégal s’est toujours gargarisé et vanté d’avoir levé pas moins de 7356 milliards de F CFA au Groupe consultatif de Paris, des 17 et 18 décembre 2018, considéré comme un très grand succès. Les partenaires techniques et financiers du Sénégal ayant décidé de soutenir la seconde phase du Plan Sénégal émergent (PSE). Où est passé tout cet argent qui semble s’être volatilisé en un rien de temps ? Aujourd’hui, le Sénégal est classé parmi les pays les plus endettés de l’Afrique, par un rapport de la Banque Mondiale qui analyse la conjoncture économique africaine. Le niveau d’endettement augmente vite, voire trop vite même. Le service de la dette, soit la somme que le Sénégal doit payer chaque année pour honorer sa dette, s’élève à 30% des recettes de l’Etat.
D’après la situation économique et financière de la Direction de la prévision et des études économique (DPEE), l’encours de la dette publique totale projeté à 6564,2 milliards à fin 2018, n’a pas varié. De 3076 milliards en 2012, la dette a été presque doublée en 2016. En 2018, elle s’élevait à 6 420 milliards de CFA, avec un encours de 840 milliards de francs CFA. Soit 61.44% du Pib. L’économiste El Hadji Mounirou Ndiaye, enseignant chercheur au département Sciences économiques et de gestion de l’Université de Thiès, estime que le Sénégal ne peut pas continuer perpétuellement à avoir un service de la dette qui étrangle les finances publiques. Il alerte : « 72 milliards de francs CFA de dettes payées par mois, 840 milliards à payer pour l’année 2018 alors qu’à côté vous n’avez que 70 milliards pour payer les salaires. Donc vous avez un service de la dette supérieur au montant des salaires. C’est cela le problème. D’ici quelques années, nous aurons dépassé les 70% et nous allons être le mauvais élève au niveau de l’UEMOA et nous allons être le pays qui va semer la panique ou même semer de l’anxiété au niveau de l’UEMOA ». La situation est d’autant plus inquiétante que les emprunts ne sont pas toujours utilisés à bon escient, de l’avis de l’économiste. Qui interroge : « Comment pouvez-vous justifier 730 milliards mobilisés pour un Ter de 50 km, 57 milliards uniquement pour acheter des lampadaires, 30 milliards pour un building administratif en commettant en même temps la redondance d’entamer la construction de sphères ministérielles à Diamniadio ?
Le gouvernement éparpille ses moyens et ses forces dans des dépenses sans calcul économique ». El Hadji Mounirou Ndiaye recommande au gouvernement d’adopter une démarche de rationalisation des dépenses. La tension de trésorerie que le ministère des finances essaie de nier en vain, se manifeste avec la dette de 250 milliards F CFA que l’Etat du Sénégal doit aux entreprises des BTP. En conférence de presse le jeudi 1er août 2019, Diaraf Ndao, secrétaire général du syndicat national des travailleurs de la construction des bâtiments et travaux publics privés (CNTS/BTP) met les pieds dans le plat : “La dette de l’Etat vis-à-vis des entreprises de BTP est devenue inquiétante et à la limite alarmante. Et la conséquence de cette dette, c’est l’arrêt de plusieurs chantiers, le chômage technique, les licenciements, les fournisseurs qui ne sont pas payés, les PME/PMI en stand-by, la suspension des contrats de sous-traitance, les difficultés avec les fournisseurs qui arrêtent leurs livraisons, les transporteurs qui retirent leurs camions, la fermeture programmée de certaines sociétés du secteur et les charges non prévues et j’en passe. Cela fait 10 mois que les entreprises ne sont pas payées. Cela concerne 5 grandes entreprises du secteur (Compagnie sahélienne d’entreprise (CSE), Eiffage-Sénégal, Consortium d’entreprises (CDE), Société sénégalaise de terrassement (SOSETER), Getran) Aujourd’hui, le PSE cher au président Macky Sall est porté par les BTP. Combien de chantiers, de réalisations ont été réceptionnés en grande pompe où les entreprises nous ont fait travailler à des heures creuses terribles pour que ces travaux-là puissent être livrés à date échue. Et cela a été fait. L’exemple le plus patent c’est le train express régional (TER). C’était un défi du président de la République de réceptionner le TER le 19 janvier 2019. Toutes les entreprises se sont constituées pour réaliser ce projet en bijou aujourd’hui. On était à 2800 travailleurs, on a licencié entre 2000 et 2500. L’ardoise que l’Etat doit à ce groupement est devenue très importante : 75 milliards F CFA”.
A leurs yeux, l’Etat est en mesure de payer ses arriérés, puisque une voix autorisée au sommet de l’Etat récemment a déclaré que “les caisses de l’Etat se portent assez bien”. Mais, “Comment peut-on avouer que les caisses de l’Etat sont pleines et qu’on ne paie pas, surtout pour des travaux qui ont été réalisés et inaugurés par le président de la République ?”, s’est interrogé Diaraf Ndao. Ce qui a donné des urticaires aux travailleurs des BTP, ce sont les “mensonges d’Etat” du ministre des finances et du budget, Abdoulaye Daouda Diallo, qui dit que “L’Etat ne doit aucun sou aux entreprises”.
Aussi, les syndicalistes du secteur des BTP invitent-ils l’argentier de l’Etat à jurer la main sur le Saint Coran (comme Aliou Sall ?) pour dire que l’Etat ne doit rien aux entreprises. “Il ne le fera jamais”, assurent-ils. Selon eux, les collaborateurs du chef de l’Etat ne lui disent pas la vérité. Maintenant, ils sont prêts à rencontrer le président de la République. Ils s’attendent, d’ici à deux mois, que la dette soit apurée. Maintenant que Mody Guiro, secrétaire général national de la CNTS, qui a pris part à la conférence de presse du syndicat des travailleurs des BTP, déclare que “la CNTS sera avec les travailleurs du Bâtiment et partagera avec eux tous les plans d’actions”, on peut dès lors croire que ça va barder. La dèche de l’Etat touche d’autres secteurs névralgiques comme celle de l’électricité. A cause d’une dette de 247 milliards F CFA due par l’Etat du Sénégal à la SENELEC, cette entreprise stratégique peine à s’approvisionner en fuel pour ses centrales. C’est l’explication du retour en force des délestages qu’on croyait derrière nous. La situation va empirer dans les prochains jours. Par ailleurs, la crise d’autorité au sommet de l’Etat, handicapante, est aussi accentuée par le manque de crédibilité de la parole du chef de l’Etat. Chat échaudé craignant l’eau froide, les Sénégalais qui ont expérimenté les innombrables “wax waxeet” (reniements) du président Macky Sall, comme sur l’engagement à réduire son mandat de 7 à 5 ans ou sur celui de ne jamais nommer son frère, Aliou Sall, par décret, à un poste public, prennent désormais les promesses du président Macky Sall avec des pincettes.
Sa parole ne vaut plus un kopek. Il s’y ajoute que le président Macky Sall avait un agenda caché, en mettant sous le boisseau, pendant la dernière campagne électorale, le projet de suppression du poste de Premier ministre ainsi que la décision de hausse des prix des hydrocarbures et des produits pétroliers, pour appliquer “la vérité des prix” et se conformer ainsi aux injonctions asociales des bailleurs de fonds. Pas sûr que les Sénégalais auraient voté comme ils l’ont fait le 24 février dernier s’ils avaient su ce que Macky Sall leur réservait après sa réélection. Toujours est-il que des lendemains extrêmement pénibles attendent les Sénégalais, et ils n’auront que leurs yeux pour pleurer. Mais, qu’ils ne se fassent pas d’illusions, ce n’est pas Macky Sall qui va leur sécher les larmes. Depuis qu’ils l’ont réélu, les Sénégalais ne l’intéressent plus. Seulement, en mettant leur situation de misère en corrélation avec la bamboula au sommet de l’Etat, avec des gouvernants indifférents, insouciants, insolents et irresponsables, qui plus est, ne se privent de rien, les Sénégalais vont finir un jour par craquer. Le réchauffement du climat social est la chose la plus probable dans de telles conditions.
Poussé dans ses derniers retranchements par une opposition qui ne veut rien lui concéder, toujours pas reconnu, en tant que président de la République, par ses adversaires de la Présidentielle, Macky Sall cherche un bol d’air. Deux évènements providentiels auraient pu l’aider à avoir un répit et à desserrer l’étau autour de lui : le Dialogue national et la CAN 2019 en Egypte. Raté ! Même l’évènement fortuit du décès d’Ousmane Tanor Dieng, qui a poussé, par exemple, la Plateforme “Aar Liñu Bokk” à suspendre ses mouvements d’humeur, pour observer une période de deuil de 15 jours, avant de reprendre les hostilités contre le pouvoir, n’a pas fait faiblir les mouvements de contestation pour acculer le pouvoir. Avec la défaite des “Lions” en finale de la CAN, le président Macky Sall a dû faire le deuil de son de rêve de faire de la récupération politique d’une éventuelle victoire de la bande à Sadio Mané sur les bords du Nil. Défaits, les “Lions” ont pourtant eu droit, au Sénégal, à un accueil en or, comme des héros, pour des médaillés en argent. On ne savait pas que la vacuité de l’armoire à trophées des “Lions” pouvait pousser l’Etat et des populations friands et dépourvus de titres majeurs, à en arriver là, à fêter… une défaite. Maintenant, le plus grand paradoxe, c’est qu’un régime si mal en point, trouve encore le temps, les ressorts et les ressources pour poursuivre sa frénésie totalitaire alors qu’il est empêtré dans de grandes difficultés qui constituent un vaste programme en soi. Sinon, comment comprendre l’acharnement de l’Etat contre Guy Marius Sagna et Adama Gaye. Toujours est-il que, pilonné de toutes parts, ses domiciles de Fatick au quartier Peulhga et de Dakar au quartier Mermoz, attaqués par ses partisans, mais aussi son propre frère qui lui cause autant d’ennuis, le président Macky Sall Macky Sall est partout chahuté et tutoyé. C’est la fin d’un mythe. Pire, il ne peut même plus compter sur ses collaborateurs immédiats, avec son entourage politique qui se dégarnit : décès brutal d’Ousmane Tanor Dieng, un de ses plus fidèles et loyaux alliés, l’ex Premier ministre Mahamad Boune Abdallah Dionne, malade et hospitalisé en France, le ministre d’Etat Amath Dansokho, un autre allié, malade et en retrait, El Hadji Hamidou Kassé, ex-chargé de la communication du président de la République, limogé, Moustapha Diakhaté, un fidèle parmi les fidèles, limogé itou. Voilà un président désormais seul, esseulé et solitaire. La solitude du pouvoir. Il faut le dire, il y a
des moments où le mauvais sort semble s’acharner sur soi. Alors qu’il avait décidé de raccompagner son ami Ousmane Tanor Dieng jusqu’à sa dernière demeure, le président Macky Sall a vu sa limousine présidentielle prendre feu à l’entrée de Nguéniène. Pire, cet incident pourrait même être considéré comme une honte pour le Sénégal et son président car le véhicule, une Mercedes Maybach S 600, a flambé en présence d’un hôte du Sénégal, le président Ibrahim Boubacar Keïta du Mali, venu assister aux obsèques de son ami Ousmane Tanor Dieng, et qui avait pris place dans la voiture, aux côtés du président Macky Sall. Un des facteurs bloquants du bon fonctionnement de l’Etat, est imputable au président Macky Sall du fait de son manque de cran et de fermeté pour assumer ses actes, sans états d’âme, quand il s’agit, par exemple, de sévir dans son propre camp.
En véritable papa-poule, le président Macky Sall, qui a un mal fou à sanctionner négativement ses collaborateurs qui n’auraient pas donné satisfaction, a commencé à battre le rappel des “bannis”, avec le retour en force des anciens ministres limogés dans le dernier remaniement du gouvernement, et qui reprennent du service, les uns après les autres. Une planque par ci, un strapontin par-là, un fromage par là-bas. Et voilà, tout le monde est (re)servi. Tant pis pour le budget et le train de l’Etat qui s’en trouve gravement grevé. Et va pour l’impunité. Vogue la galère pour le pauvre Sénégalais qui cherche désespérément le diable pour lui tirer la queue.
Sous des airs de “ñangal”, Macky Sall est pourtant loin de cet homme à poigne – une des facettes des grands dirigeants – dont l’autorité s’impose d’elle-même. La preuve, il a du mal à discipliner ses troupes de l’APR, très dissipées, et qui se comportent comme une armée mexicaine. Sa couardise fait qu’il n’a pas le courage d’affronter dans les urnes ses adversaires politiques les plus redoutables, à l’image de Karim Wade ou de Khalifa Sall, mais préfère se réfugier derrière une justice aux ordres et à double vitesse, pour les emprisonner, afin de se retrouver avec le “menu fretin” pris pour des faire-valoir, en vue de légitimer sa “réélection démocratique” du 24 février 2019 qu’il a de la gêne de célébrer. Et pour cause. Maintenant, si les intentions à lui prêtées, de nourrir l’ambition secrète de briguer en 2024 un troisième mandat anticonstitutionnel sont avérées, le président Macky Sall est mal barré. Déjà que les Sénégalais, traumatisés par la “jurisprudence Wade” ne se laisseraient pas faire, il vendangerait aussi toutes ses chances d’entrer dans l’histoire, mais à l’idée de revivre, dans ce troisième mandat hypothétique, quasiment les mêmes problèmes qui lui tombent dessus avec le mandat en cours, il est fort à parier que le président Sall hésitera beaucoup avant de relever le challenge. Et puis, personne ne connaît à Macky Sall la capacité de résilience pour supporter la tension et la pression, sur une longue durée, sans flancher.