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Des Vacances ! Quelle Mouche A Donc Piqué Nos Gouvernants? (par Pape Samb)

Des Vacances ! Quelle Mouche A Donc Piqué Nos Gouvernants? (par Pape Samb)

CONTRIBUTION

L’information a estomaqué plus d’un Sénégalais, qui n’en reviennent pas encore d’un tel anachronisme tant la mesure est impertinente et en total déphasage avec les réalités du pays. En effet, au moment où les populations sénégalaises se débattent à mort dans leurs difficultés quotidiennes et que le pays est plongé dans la chienlit, quelle mouche a donc piqué nos gouvernants au point qu’ils se décident à aller faire le farniente dans je ne sais quel paradis terrestre pendant que leurs administrés, en quête de pitance, triment dur au pays. Le dernier Conseil des ministres avant les vacances, prévu le mercredi 7 août 2019, n’a finalement pas eu lieu. En effet, le gouvernement a, d’ores et déjà, pris ses vacances. Le président Macky Sall en a décidé ainsi. Le retour aux affaires est prévu dans un mois.

Le gouvernement a donc rangé ses dossiers et fermé ses bureaux pour quelques semaines de repos. Le départ en vacances du gouvernement, au moment où les Sénégalais croulent sous les difficultés liées à la cherté de la vie, relève de l’inconscience et de l’insouciance à l’égard du peuple sénégalais. Voilà une décision inappropriée eu égard à la situation morose du pays. Les populations voient d’un mauvais œil les ministres faire leur shopping ou du lèche-vitrine dans les rues de Dubaï ou de Paris pendant qu’elles pataugent dans leurs difficultés. C’est indécent qu’ils aillent se la couler douce, au moment où les pères de famille peinent à trouver le mouton de la Tabaski. C’est la même désapprobation chez le Sénégalais lambda, interrogé par certains organes de presse, à travers des micros-trottoirs, et qui s’oppose farouchement aux vacances gouvernementales.

Au moment où les malfrats écument les quartiers et que l’insécurité a fini de s’installer dans tous les coins de rue, faisant que les gens se font maintenant égorger comme des moutons de Tabaski, en plein jour de surcroît, c’est nul pour nos gouvernants d’aller en vacances. Entre le retour en force des délestages, l’insécurité galopante, les tas d’ordures qui jonchent les rues de la capitale et la montée des périls sur le front social avec les syndicats sur pied de guerre, les Sénégalais ne savent plus où donner de la tête (…) Au moment où toutes ces urgences s’entrechoquent, le président Macky Sall et son régime n’ont trouvé mieux à faire que de considérer qu’ils sont déjà… fatigués, après seulement quatre mois aux affaires, et qu’ils doivent donc partir en vacances. Question d’empirisme, car tirée de l’expérience de tous les jours, dans toutes les familles sénégalaises, seuls les élèves qui ont bien travaillé durant l’année scolaire, méritent de partir en vacances en guise de récompense pour bons résultats. A contrario, les derniers de la classe – et c’est ça leur punition – restent confinés à la maison et sont sommés de redoubler d’efforts. Or, le gouvernement actuel du Sénégal n’a rien à envier à un mauvais élève. Tout comme le bon dernier de la classe, ce gouvernement doit étrenner le bonnet d’âne et écoper d’une colle (sanction) du fait de ses prestations peu glorieuses.

Des vacances après juste 4 mois de travail, il faut vraiment être au Sénégal pour le faire. Ce, d’autant que personne n’a travaillé, du jour de la présidentielle, le 24 février 2019, au 3 avril 2019, jour de la formation du gouvernement. Conformément au Code du travail, le congé annuel est accordé à tous les travailleurs au bout d’une année de service. Un employé a droit à un congé annuel payé de 24 jours de travail après avoir fait au moins douze mois de service. Dans un document, avec force détails, intitulé : «Les congés au Sénégal : références et régimes juridiques», l’inspecteur du travail et de la sécurité sociale, Fany Traoré, explicite les tenants et les aboutissants du congé annuel ou congé payé. Ses principales références sont les articles L 148 à L 155 du Code du travail, ainsi que les articles 54 à 58 de la Convention collective nationale interprofessionnelle (Ccni). Le principe est de réaffirmer la nécessité d’alterner repos et activité tant dans la journée (pause ou descente), la semaine (repos hebdomadaire) que dans l’année. Le congé annuel est un droit acquis après une période de référence minimale de 12 mois de service effectif, durée égale à deux jours ouvrables par mois de service effectif au titre du congé (…) Il faut aussi relever que la période choisie par le gouvernement pour aller en vacances pose problème. A cet égard, Mohamadou Sy «Siré», journaliste-économiste, estime que «du point de vue institutionnel, le Sénégal a hérité TOUT de la France, même les vacances gouvernementales. Et s’il vous vous plait, toujours au mois d’août. Mais, est-il judicieux pour nos membres du gouvernement, de prendre leurs vacances au même mois d’août, le mois de toutes les urgences (hivernage, inondations, soudure, malnutrition, famine, coupures d’électricité). En tout cas en France, aucun gouvernement n’ira jamais en vacances pendant l’hiver glacial qui est, par parallélisme, le pendant de notre hivernage pluvieux, c’est-à-dire, les mois de toutes les urgences. Et si nos dirigeants sortaient du cadre, en prenant leur congé en dehors des mois de juillet-août-septembre (hivernage) ; octobre-novembre (rentrée des classes) ? Last but not least, l’éthique a mal et souffre dans tous ses sens, quand on ose prendre un congé sans avoir, au préalable, bouclé 6 mois de fonction. Au Sénégal, prendre des vacances gouvernementales (congé) au mois d’août n’est-il pas à la fois une faute lourde (droit public) et un délit de fuite (droit privé) ?».

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Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Intérieur

Pour rappel, le chef de l’Etat, Macky Sall, avait profité de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres du mercredi 22 mai 2019 pour annoncer la tenue d’un Conseil présidentiel sur la sécurité des personnes et des biens au début du mois d’août. Macky Sall avait alors rappelé l’impératif du renforcement de la sécurité dans un contexte marqué par la recrudescence dangereuse de la délinquance et des crimes, la persistance des accidents routiers mortels, les incendies et les effondrements de bâtiments. Hélas, le mois d’août ne verra pas l’ombre de ce Conseil présidentiel sur la sécurité. Bon sang ! Quand est-ce que le président Macky Sall respectera sa parole ? Le meurtre à Koumpentoum du commandant Tamsir Sané, l’affaire des deux présumés jihadistes (hommes) à la burqa, le vol de bétail, l’affaire Petrotim, la mise aux arrêts, par la justice sénégalaise, d’un élément de l’Etat islamique, auraient alors pu rendre davantage impérieuse la tenue d’une telle rencontre. C’est un euphémisme que de dire que le ministre Aly Ngouille Ndiaye a du pain sur la planche. Devant de tels dossiers, très lourds, partir en vacances, serait inadmissible pour lui.

Abdoulaye Daouda Diallo, ministre des Finances et du Budget

Avec les coupes budgétaires tous azimuts et les augmentations à n’en plus finir, pour renflouer les caisses de l’Etat exsangues, il n’y a pas à chercher de midi à 14 heures. L’Etat du Sénégal est au bord du dépôt de bilan. Cette situation est consécutive à un endettement successif et continu et qui, à terme, deviendra insoutenable, en dépit du changement d’année de référence utilisée pour calculer le PIB. «La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (Fmi) ne permettront plus au Sénégal de continuer à s’endetter de manière incontrôlée, du moment que les recettes propres ne suffisent plus», dixit Meïssa Babou, professeur à la Faculté des sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Le niveau de la dette est passé de 60,6 % du Pib en 2017 à 64,5 % en 2018, en prenant en compte les entreprises détenues par l’Etat et les entités parapubliques. Dans le Rapport pays du Fmi n°18/211 d’août 2018, portant Sixième revue du programme du Sénégal appuyé par l’instrument de soutien à la politique économique (Ispe), il a été relevé que «l’inaction persistante sur les prix intérieurs de l’électricité et des carburants poserait des risques importants pour la viabilité budgétaire». Une injonction pour l’application de la «vérité des prix» sur l’électricité et sur le carburant.

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Dans un document donnant une vue d’ensemble de la situation économique du Sénégal en 2018-2019 ( https://www.banquemondiale.org/fr/country/ senegal/overview), la Banque mondiale affiche ses craintes. La situation des finances publiques reste tendue en raison du renchérissement des cours internationaux du pétrole et du gel des prix de l’énergie au niveau national, qui induisent une réduction des recettes et une hausse du montant des subventions énergétiques. Le déficit budgétaire s’est, par conséquent, creusé à 3,5 % du Pib en 2018 (contre 3 % en 2017), et l’Etat a retardé les paiements dus à ses fournisseurs. L’objectif de continuer à limiter son déficit à 3 % du Pib, conformément au critère de convergence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) reste menacé. Il s’y ajoute le cours élevé des matières premières qui continuera de peser sur l’équilibre budgétaire. Afin de respecter ce plafond, le Sénégal devra possiblement poursuivre ses efforts d’accroissement des recettes et de maîtrise des dépenses publiques.

Ainsi, de tous les ministres, Abdoulaye Daouda Diallo semble être le plus chargé. Comment, alors, dans ces conditions, pense-t- il un seul instant devoir partir en vacances. Même si d’autres devaient partir, lui l’argentier de l’Etat, avec des caisses exsangues, doit être réquisitionné. Ne serait-ce que parce qu’il gère l’un des tout premiers ministères dits de souveraineté. Au boulot !

Malick Sall, Garde des Sceaux, ministre de la Justice

L’urgence pour ce néophyte dans le gouvernement, c’est de s’employer à prendre ses marques. Ses deux premières sorties publiques ont été des fiascos. «Il ne fait que des sorties catastrophiques», dixit Babacar Bâ, président du Forum du justiciable. «Il n’a pas été un bon casting», estime pour sa part, Alassane Seck de la Ligue sénégalaise des Droits humains (Lsdh). Au lieu d’aller en vacances, Me Malick Sall devrait répéter ses gammes.

Mouhamadou Makhtar Cissé, ministre du Pétrole et des Énergies

Concerné aussi par l’affaire Petrotim, mais aussi par les problèmes de la Senelec dont il est le directeur sortant, il ne devrait pas avoir du temps pour se tourner les pouces ou se prélasser dans des vacances inopportunes (….)

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Moussa Baldé, ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural

Voilà un ministre qui ne doit plus fermer l’œil ces temps-ci, avec ce retard inquiétant des pluies et de l’installation de l’hivernage. Dans quasiment tout le pays, les ruraux sont sur le qui-vive. Les paysans sénégalais attendent la pluie. Sidy Bâ, secrétaire général du Cadre de concertation de producteurs d’arachide (Ccpa) et chargé de Communication et porte-parole du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux du Sénégal (Cncr), alerte sur la situation dans le monde rural. «Il y a une pluie qui est tombée le 1er juillet, et depuis lors, la pluie n’est pas retombée. Cela a occasionné des reculs sur la culture des céréales, surtout pour le mil et le maïs et si les pluies demeurent absentes, ces plantes ne vont pas arriver à maturité au moment opportun ». Très pessimiste, Sidy Bâ renchérit : «On va connaître cette année une longue période de soudure qui arrive précocement. Avec ce retard de la pluviométrie, les récoltes en vert du maïs, du niébé et de l’arachide ne se feront pas aux dates habituelles, c’est-à-dire la troisième décade du mois d’août. Elles permettaient aux exploitations familiales de disposer de ressources monétaires assez importantes pour passer sans grandes difficultés la période de soudure». Pis, ajoute-t-il, «une bonne partie des greniers est vide. Cela va être difficile d’assurer cette période qui s’avère un peu longue. Donc, ce manque de pluies rime toujours avec détresse pour ceux qui tirent leurs revenus des cultures sous pluie. Dans la brousse, le tapis herbacé est quasi inexistant à cause de ce retard des pluies ».

Serigne Mbaye Thiam, ministre de l’Eau et de l’Assainissement

Le ministre de l’Eau et de l’Assainissement, Serigne Mbaye Thiam, qui a pris fait et cause pour le groupe français Suez, dans l’affaire du contrat d’affermage de l’eau, n’en a pas encore fini avec la Sde qui ne s’avoue pas vaincue, malgré les insultes du ministre qui estime que «les sorties de la Sénégalaise des eaux (Sde) ne visent qu’une seule chose : jeter le discrédit sur l’Etat du Sénégal. Dans ce dossier, le gouvernement défend les intérêts du pays et des consommateurs sénégalais. Cela ne sert à rien de s’épancher dans la presse pour jeter l’opprobre sur l’Etat du Sénégal». Maintenant, le ministre Serigne Mbaye Thiam serait mieux inspiré de revoir ses papiers, pour ne plus être épinglé par Africa Check, la première organisation indépendante de fact-checking en Afrique, qui l’a pris en flagrant délit de «diffusion de données obsolètes» (…) Au total, même s’ils ont mis le peuple sénégalais devant le fait accompli, nos ministres vacanciers et plaisanciers doivent être mal dans leur peau, car ce n’est pas un repos mérité. Qu’à cela ne tienne, nous leur souhaitons de très bonnes vacances et espérons qu’ils vont nous revenir vite, d’aplomb, en très grande forme, plein de peps, bien bronzés, bien requinqués et plus inspirés qu’avant pour faire face avec succès aux défis qui les attendent.

 

 

 

 

Pape SAMB

papeaasamb@gmail.com

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