J’ai déjà eu l’occasion il y a quelques temps d’évoquer la situation de Adama
Gaye notre ami journaliste sénégalais victime depuis quelques temps des
manœuvres d’intimidation du pouvoir. J’y reviens car je trouve scandaleuses
les poursuites dont il fait l’objet pour « offense au chef de l’Etat ». Ce délit en
effet n’est pour ainsi dire jamais pris en compte par aucune des grandes
démocraties du monde soucieuses de la pluralité des opinions et du respect
des libertés individuelles.
Cette judiciarisation de notre vie politique constitue à mes yeux un précédent
dangereux qu’on ne peut passer sous silence. Si un journaliste, au Sénégal,
n’a plus la possibilité de dénoncer la mauvaise gestion des autorités dans les
secteurs du pétrole et du gaz, (alors même qu’Aliou Sall, le frère du
président, soupçonné de corruption dans l’attribution des marchés publics, a
dû récemment démissionner de son poste de président de la Caisse des
Dépôts et Consignations), alors, je pose la question : Dans quel Etat vivons-
nous ? Le Sénégal peut-il encore prétendre être un Etat de droit dans ces
conditions ?
Alors que notre pays s’apprête à entrer dans le top 10 africain des
producteurs de gaz et que cette manne inespérée risque de bouleverser
l’actuel classement de l’indice du développement humain où nous figurons à
la 162ème place il est important que toute la transparence sur l’exploitation
des gisements puisse être faite.
Nous sommes en effet un pays jeune de seulement 16 millions d’habitants et
ces réserves pourraient dans un proche avenir nous permettre de faire face
aux immenses défis qui sont les nôtres en matière d’éducation et de santé.
Aucun franc CFA ne doit donc être détourné de ce à quoi il est destiné d’où
un nécessaire contrôle des gains financiers de l’Etat évalués à quelques 30
milliards d’euros sur trente ans. L’émergence est là à condition également
que le pays ne s’installe pas dans une économie de rente et qu’on puisse
vérifier que les contrats de services passés avec les compagnies ne
permettent à certains, notamment en raison de liens de parenté, (suivez mon
regard) de s’enrichir indûment.
Le monde pétrolier est en effet très corruptogène, et c’est pourquoi le rôle
des journalistes, comme Adama Gaye est essentiel dans notre République
en tant que contre-pouvoir. Le Sénégal est depuis sept ans, secoué par de
multiples crises politiques et sociales (emprisonnement de Khalifa Sall, exil
de Karim Wade, détention arbitraire de Guy Marius Sagna, soupçons de
corruptions et détournements, traque des activistes sur les réseaux sociaux,
etc … ) Depuis l’avènement de Macky au pouvoir le débat est devenu
partisan et l’objectivité rarement observée. Ailleurs quand la société est dans
la tourmente c’est la parole de l’élite libérée, notamment celle des journalistes
qui permet d’éclairer les citoyens perdus. Or l’élite sénégalaise se tait,
enfermée et empêtrée dans les calculs d’intérêt ou par peur d’être ridiculisée
et traînée comme de vulgaires voleurs de poules à la DIC. Au grand dam de
ceux d’entre nous qui se posent beaucoup de questions le ministre de la
justice Malick Sall et le procureur Bassirou Guèye agitent la répression au
nom de « BAYE – SALL » .
Vouloir museler Adama Gaye comme on le fait aujourd’hui est un très
mauvais signe qu’envoie le pouvoir Sénégalais à toute la communauté
internationale. La confiance ça se mérite, elle ne se décrète pas !
Ibrahima Thiam
Président du mouvement “Un Autre Avenir”
Share on: WhatsAppL’article «Embastiller» Adama Gaye est un mauvais coup porté à la démocratie sénégalaise .