Nul besoin d’être un politologue talentueux, pour constater que le pouvoir de la Coalition Benno Bokk Yakaar est dans une mauvaise passe. Il est en train de payer pour ses promesses démagogiques et son endettement effréné, qui risquent de nous valoir, sous peu, une économie sous ajustement, avec détérioration prévisible du climat social.
Par ailleurs, le slogan de gestion sobre et vertueuse en vogue, au début du premier septennat de l’actuel président, est mis à mal par des scandales innombrables, qu’on essaie, vaille que vaille d’étouffer, comme celui de Pétrotim et celui des 94 milliards, pour ne citer que ceux-là.
Et que dire des échecs patents de la réduction du train de vie de l’État, que le président de l’APR a lui-même reconnus lors du lancement du programme d’appui à la modernisation de l’administration (PAMA), au grand dam des organisations syndicales ?
Comble de ridicule pour un pays, qui était considéré comme une des vitrines démocratiques de l’Afrique, il est devenu très risqué d’exprimer des avis critiques sur les politiques gouvernementales, voire même de penser différemment des canons de pensée officiels, comme en témoignent les arrestations de Guy Marius Sagna, Adama Gaye, Idrissa Fall Cissé…etc., et le maintien anachronique de Khalifa Sall dans les liens de la prévention.
Malgré cela, le Sénégal vit actuellement une situation paradoxale, dans laquelle le pouvoir n’a jamais paru autant affaibli, mais où l’Opposition se refuse à entreprendre des initiatives réellement efficaces, devant mener à une véritable alternative populaire, civile et pacifique.
C’est ainsi, qu’on peut d’ores et déjà observer d’âpres batailles de positionnements entre les partis d’opposition qu’on peut grosso modo distinguer en deux groupes : celui de l’opposition favorable au dialogue et celui de l’opposition dite boycotteuse de ce même dialogue, avec beaucoup de subdivisions dans chacun des groupes.
En réalité, participer au dialogue n’est pas en soi, un acte répréhensible. Ce qui l’est, par contre, c’est l’absence de réactivité face aux scandales et aux atteintes aux libertés, que certains leaders politiques se contentent de condamner du bout des lèvres, se focalisant plutôt sur les questions électorales. Est-ce la raison de leur participation plutôt symbolique aux activités de la plateforme Aar Li Ñu Bokk, dont les faibles mobilisations semblent faire la joie du pouvoir apériste, de ses thuriféraires et d’une certaine presse aux ordres ?
L’absence d’engouement populaire pour ces tentatives d’assainissement de nos mœurs politiques et pour une meilleure gouvernance politique est, il est vrai, très superposable à l’indifférence des citoyens sénégalais aux appels présidentiels à instaurer des “journées de propreté”, qui pour l’instant, ne mobilisent que le ministère en charge de la question et quelques militants de la Coalition présidentielle.
En cette période de transition vers l’inconnu, où le président sortant est censé entamer son dernier mandat, l’évidence première se trouve être ce hiatus flagrant entre les élites de notre pays et les masses fondamentales.
L’impuissance de l’opposition politique face à Macky Sall, durant son premier et long septennat est-elle une confirmation du fait que le président de l’APR a bel et bien réussi son pari de réduire l’opposition à sa plus simple expression ? Cette apathie des ténors de l’Opposition est-elle en train de perdurer, en cette période post-électorale ?
Même en refusant d’accorder du crédit aux rumeurs les plus folles sur un ralliement éventuel de certains chefs de l’Opposition au pouvoir, on ne peut manquer d’être troublé par ce dialogue “à huis clos”, loin des terrains de lutte, avec ce qui semble être une volonté inébranlable, d’aboutir à un accord avec le pouvoir, quel qu’en puisse être le prix.
Quid de l’opposition boycotteuse ? Qu’on le veuille ou non, le hold-up électoral du 24 février dernier a été facilité par l’élimination des candidats du PDS et de Taxawu Senegaal, par des artifices juridiques, malgré le fait qu’ils avaient franchi la barre très sélective de la loi scélérate sur le parrainage, ce qui constitue, tout de même, une preuve irréfutable de représentativité.
Cependant, les principaux reproches qu’on peut faire aux partis d’opposition est la diversité de leurs agendas, à forts relents électoralistes et cette personnalisation excessive du jeu politique – que d’aucuns assimilent à un culte des messies – contrastant avec de fortes réticences à élaborer des plateformes alternatives communes aux politiques mises en œuvre par le pouvoir actuel.
Le récent remaniement des instances du PDS par le tout puissant secrétaire général national jette une lumière crue sur le fonctionnement anachronique de nos partis politiques, syndicats et même organisations de la société civile, qui semblent privilégier de futiles querelles entre hommes d’appareils par rapport à l’exaltante mission de libération sociale et économique de notre peuple.
Par ailleurs, il est également difficilement compréhensible de refuser de participer à un dialogue entre acteurs politiques, que la réalité des faits impose à la classe politique, tout en tressant des lauriers à des personnalités politiques, cherchant instrumentaliser leur formation politique à des fins personnelles, voire familiales.
Pour éviter à notre pays d’être entraîné dans des convulsions épouvantables, il est plus que temps pour tous les partis – surtout ceux de l’opposition- , d’adopter des modes de fonctionnement réellement démocratique, de taire leurs contradictions secondaires et de se focaliser sur la contradiction principale contre un pouvoir prédateur, au service des monopoles étrangers.