« J’ai la prétention de ne pas être aimé de TOUT LE MONDE… Car cela signifierait qu’on est aimé par N’IMPORTE QUI… » – Sacha Guitry
Les tempêtes dans des verres d’eau, on adore… Comme le Mbalax, cette danse tourbillonnante, envoûtante, qu’on peut exécuter avec brio dans 50cm2 tout en mouvements amples. Cela fait du vent, mais on reste sur place. Débattre de tout sauf de l’essentiel, est notre miel quotidien. L’affaire du commissaire et du pharmacien occupe avec une frénésie déconcertante l’espace médiatique, et nous a offert comme punching-ball caricaturé, mon confrère et surtout frère, Charles Faye, nouvelle tête de turc virale. Je ne m’en fais pas pour lui, le garçon a de l’humour, de la répartie, et puis bon, c’est le jeu de l’exposition aux sunlights de la télé, quand on y dit ce que beaucoup pensent être une connerie, on se prend ricanements, moqueries et lazzis en pleine gueule… C’est le jeu. Et la loi du genre.
Cette histoire du commissaire et du pharmacien, c’est un remake urbano-tropical de Guignol et Gnafron, ce dernier qui n’avait de cesse de harceler Guignol, et qui ratait toujours son dessein au grand bonheur des enfants, qui étaient toujours, contre le gendarme et pour le rebelle Guignol. Le commissaire dans cette affaire d’ordonnance exigée pour un vaccin contre le tétanos par le pharmacien, a forcément eu tort d’user de sa position et de son pouvoir, pour impressionner le jeune homme, dans ce pays où tous les jours celui qui a le pouvoir, gronde, emprisonne et délivre des lettres de cachet, en-veux-tu-en-voilà. C’est sous nos latitudes d’une affligeante banalité.
Débat sur la TFM, « Le Miroir du Sénégal », on comprend pourquoi du coup, et voilà que ça dérape et voilà notre chroniqueur au feutre élégant, qui contre le pays tout entier donne raison à Gnafron… Sociologiquement et politiquement incorrect… A voir la notice du Tetavax, il a tort. La prescription médicale n’est pas exigée. Mais à bien lire cette notice, les contre-indications et les effets indésirables qui s’étalent sur les deux-tiers de la notice, on est ahuri que la prescription ne soit pas obligatoire, compte-tenu du degré d’analphabétisme et de notre fâcheuse tendance à l’auto-médication.
Mais plutôt que de s’acharner sur Charles Faye pro-Gnafron, il eut été plus courageux de s’attaquer à des vraies questions. D’abord la pharmacienne, toute auréolée de son statut de victime de la force et du pouvoir, a-t-elle le droit ou non de diffuser les images de son système de vidéo-surveillance sur les sites d’informations ? Guignol est facétieux, il asticote Gnafron avec son gourdin certes, mais il est « dans les clous ».
Ensuite, dans un pays où au bout de trois ou quatre portes de pharmacie poussées, n’importe qui peut se procurer avec un peu de bagout, n’importe quel type de médicaments, même de la morphine en exagérant à peine, c’est fort de café que de faire de ce vaudeville sanitaire, pour cause de trêve politique, CAN finie et lutte en berne, le buzz de l’été. Cela exige plus de courage que de devoir s’attaquer frontalement au business assassin des « pharmacies-par-terre », qui tuent sournoisement des milliers de sénégalais qui ingurgitent des faux médocs fournis en toute impunité par « Keur Serigne-bi », dont le décret de fermeture promulgué dans un fier mouvement de menton par nos gouvernants, a le don de nous faire pouffer de rire.
D’ailleurs, le Pablo Escobar du faux-médicament, Woury Diallo, qui avait été condamné le 4 décembre 2018 à 5 ans de prison, pour trafic de faux médicaments à Touba Bélel, vient d’être, on ne rigole pas, gracié par le président de la République. Oups ! Mais pourquoi toussez-vous ? C’est plus aisé de nous amuser avec la gaffe de Charles Faye, qui a eu l’outrecuidance, non pas d’excuser Gnafron, mais d’avoir juste été contre Guignol.
Y’a-t-il un vaccin contre la myopie intellectuelle, qui nous fait croire à tort que « ce qui bouge » est plus fort que « ce qui l’a fait bouger » ? Une des vertus du journalisme veut que, lorsqu’on vous présente une évidence, il convient de regarder ailleurs.
Vaut-il mieux être le « premier à dire une connerie », où le « dernier à informer de la vérité » ? Choix cornélien toujours pas tranché. Puis-je avoir un cachet d’aspirine ? J’ai la tête dans le gaz…