J’ ai connu Thierno Amath Dansokho, il y a 40 ans, quelques semaines après mon adhésion au PAI clandestin, recruté par le révolutionnaire professionnel Abass Kane, la même année de la première parution du journal idéologique du Parti, Gëstu, Recherches marxistes, dont il était directeur de publication et Semou Pathé Guèye, rédacteur en chef.
A dire vrai, Amath, comme nous aimions l’appeler affectueusement, est un homme exceptionnel, un génie politique, une intelligence politique rare, faite de culture politique marxiste et universelle, de sens quasi inné du compromis, de capacités d’analyse politique et d’anticipation stratégique sur les événements. Ce sont ces valeurs et ces qualités qu’il a inculquées aux jeunes militants élèves que nous étions et il était notre référentiel politique et notre idole, comme aime en avoir un adolescent de 18 ans. Amath, c’est l’expression achevée du courage, de l’engagement et de la détermination politiques. Amath, c’est l’anti dogmatisme en politique. Homme de gauche parfait, Amath a toujours prôné le réalisme politique; ce qui a permis de développer des alliances fortes avec le libéral Abdoulaye Wade et son Parti et d’entrer en coalition avec le Président Mamadou Dia, en lançant le journal And Sopi.
Amath est un homme généreux Quand j’ai réussi au concours d’entrée à l’ENAM en 1988, Amath m’a convoqué au siège du Parti à Khar Yalla pour me dire ceci : “Mankeur, félicitations. Mais à partir d’aujourd’hui, je ne veux plus te voir au siège. Mets-toi dans la clandestinité totale, car l’ENAM, c’est l’Ecole de l’Etat, une école très sensible. Va étudier, car on a besoin de cadres de haut niveau, demain, si nous accédons au pouvoir. Et mets-toi à l’anglais, tu en auras besoin”.
Voilà l’homme Amath, le théoricien de la “politique du large rassemblement”. J’ai eu la chance de lui parler, il y a quelques semaines et je sentais déjà le poids de la maladie, mais aussi, cette capacité de résilience rare qui fait qu’il n’a jamais cessé de lutter pour survivre. Amath, tu auras vécu pleinement ta vie au service des gens et de ton pays. Je sais : tu n’as jamais voulu être ministre, car, nous disais-tu : “Je ne veux pas exercer le pouvoir sur les gens”.
Amath, je te redis grand merci pour tout, pour la formation que tu m’as donnée, le soutien que tu m’as toujours apporté et pour l’affection dont tu m’as toujours entouré.
Mes condoléances émues à Babette, ta respectable épouse qui est restée à tes côtés durant tous ces moments difficiles, à ton fils Alcali et à tes filles Elsa et Yacine. Amath, repose en paix. Tu auras incontestablement marqué la vie politique sénégalaise durant les 50 dernières années. Le Pays te sera toujours reconnaissant.
MANKEUR NDIAYE,
Chef de la MINUSCA