Avec ses lunettes claires toujours bien ajustées sur son visage serein et un regard qui renseigne sur son sérieux, Khalifa Sall donne l’image de ces rares hommes sur les têtes de qui le ciel peut tomber et qui, par la magie d’un courage atavique, tiennent le coup. Emprisonné pour avoir eu l’outrecuidance politique de ne pas rejoindre le » Maquis « , Khalifa Sall, homme politique correct et courtois, tient haut la main le flambeau de l’espoir dans sa cellule de Rebeuss où il purge sa peine avec beaucoup de stoïcisme. Tous les analystes, tous les activistes, tous les citoyens épris de justice ont compris et affirmé que Monsieur Sall a été victime de l’épée de Damoclès. Macky Sall, tel un lion assoiffé, s’agrippe sur sa proie. Un vrai » killer » !
Dans un pays où on vit constamment avec des hypocrites encagoulés, se retrouver en prison est la pire vengeance qui puisse être infligée à une personne. C’est dans ces moments de la vie qu’on connait les vrais amis, les vrais parents, les vrais militants. Mais, les Sénégalais qui croient et défendent la justice, l’équité et la liberté, savent peu ou prou que Khalifa Ababacar Sall était dans le collimateur du » maquis » (dans le cadre de son vaste projet de liquidation des récalcitrants ).
Rebeus est dur. Karim Wade ne me laisserait pas mentir. Adama Gaye le sait. Guy Maruis Sagna l’a clamé. Oui, tous les leaders ne sont pas Mandela. La prison est cet endroit fermé sur lui-même qui donne l’impression d’être coupé du monde. Certes, je n’y ai jamais été, mais je garde toujours dans la tête que c’est possible d’y aller. Car, quand on s’engage en politique dans un pays comme le Sénégal, quand on ose mettre son opinion à la place publique sous le régime de Macky Sall, il faut s’attendre à être cueilli un jour par la DIC pour offense au chef de l’État ou atteinte à la sureté de l’État. Donc, il faut l’intégrer et continuer le combat.
Faire face au clavier de son téléphone en sirotant sa tasse de café et demander à un prisonnier (politique) de refuser une grâce pour humer le vent de la liberté peut sembler facile, mais il demeure nécessaire de signaler que les compromis sournois peuvent entacher la carrière d’un leader politique qui a un avenir prometteur. Si Nelson Mandela avait accepté des compromis parce que déprimé par l’angoisse des cellules, il n’aurait pas eu cette gloire. Il y a des combats dont on doit tirer les conséquences et les assumer. Le combat pour la justice et la liberté demande des sacrifices personnels. Il faut payer le prix des sacrifices pour la postérité.
La question de la grâce présidentielle pour Khalifa Sall, comme avec le cas Karim Wade qui, lui, avait fini par être gracié à l’issue du dialogue national en 2016, fait couler beaucoup d’encre et de salive. Khalifa Sall doit-il accepter d’être libéré pour l’exil ? Doit-il accepter de faire des compromis pour sortir de Rebeuss ? Doit-il accepter de signer un protocole ? Je demande rek nak ??? La vie est dure à Rebeuss, surtout pour ceux qui n’ont jamais crevé la dalle… Sans doute, loin d’être un fils à papa, la personnalité de Khalifa Sall a été moulée dans la banlieue dakaroise. Il a une expérience de la galère. Le coeur du prisonnier peut flancher entre signer un protocole pour rejoindre sa famille et rester en cellule pour sauver des familles (le peuple) de l’injustice, de la dictature, de l’intimidation… À Khalifa de choisir.
Reste que, si Macky Sall veut faire son mea culpa parce que considérant qu’il avait fait des erreurs de poursuivre Khalifa, qui aurait financé sa campagne au second tour des élections présidentielles de 2012 avec les fonds de la caisse d’avance, ce serait un acte de grandeur à honorer. Que le président de la République prenne ses responsabilités pour libérer le prisonnier politique. Il n’y a plus d’enjeux… En attendant, Khalifa endure d’une belle endurance, pour reprendre Idrissa Seck convoquant le verset. Ne signez pas de protocole ! Je partage avec vous, extra-muros, ce précepte de mon idole Nelson Mandela : le corps humain à une faculté extraordinaire d’adaptation; j’ai découvert qu’on pouvait supporter l’insupportable si l’on gardait le moral, même quand le corps souffrait. J’imagine que vous avez déjà lu UN LONG CHEMIN VERS LA LIBERTÉ.