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Comme Des Traces Lumineuses …

Comme Des Traces Lumineuses …

Comment parler de cet homme exceptionnel qui, toute sa vie durant, n’a jamais dévié de la trajectoire qu’il s’était lui- même tracée, et qui consistait à être continuellement et inlassablement au service de son peuple, en tout temps, en tout lieu et en toutes circonstances ?

On a beaucoup dit, beaucoup écrit et porter de nombreux témoignages sur la vie et l’action de ce baobab politique, mais et au fur et à mesure que les témoignages s’épaississent et s’amplifient, j’ai le sentiment que ce que nous savons de lui ne constitue que la pointe de l’iceberg de cet homme multidimensionnel de vérité.

En choisissant de son vivant d’être enterré dans la vieille ville de Saint -Louis qui fut le berceau de son engagement syndical et politique et le lieu où il a vécu ses premières humanités et tissé ses plus grandes et durables amitiés, Dansokho nous a administré une fois de plus, la preuve de son attachement sincère à l’amitié et au respect de la parole donnée.

Né le 13 janvier 1937 à Kédougou dont il a été le député- maire sous le régime de Abdoulaye Wade, Dansokho était acteur et témoin de la vie politique nationale. On peut même affirmer sans risque de se tromper, qu’il fut un des hommes politiques qui a le plus marqué l’histoire politique du Sénégal. Son engagement à être constamment du côté des opprimés, de tous ceux qui sont assoiffés de liberté d’opinion et de progrès social, faisait qu’il était perçu, d’abord et avant tout, comme l’étendard et le symbole vivant de plusieurs générations de combattants qui se sont succédé dans la lutte, pour l’avènement d’une société de démocratie véritable, de paix et de justice sociale. Il a été de tous les combats dans notre pays et en Afrique, pour la décolonisation et les alternances, pour hâter et parachever la libération nationale et sociale.

Amath, comme on l’appelait familièrement, a traversé les époques, conduit avec un courage sans failles et une détermination à nulle autre pareille, les luttes politiques qui ont jalonné et rythmé la marche de notre peuple vers l’indépendance. Depuis quelques années, il s’était retiré de la vie politique pour des raisons de santé, mais son ombre tutélaire était toujours présente. Il était l’absent le plus présent, car même sur son lit de malade, il était très souvent consulté sur divers sujets qui agitaient le landerneau politique et sa voix était de celle qui comptaient.

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Révolutionnaire jusqu’à la moelle des os, Dansokho avait un tempérament d’insoumis qui finira d’ailleurs par déteindre sur ses relations avec les candidats qu’il a eus à soutenir, puis avec qui il s’est séparés à cause de divergences profondes sur leur mode de gouvernance. D’abord le Président Abdou Diouf (1981-2000), puis Maître Abdoulaye Wade (2000- 2012) qui, ne pouvant supporter ses critiques contre leur gestion, ont préféré se séparer de lui. Ses principes inaliénables de défenseur absolu des intérêts du peuple, faisaient que Amath était un homme toujours d’attaque, prêt à porter haut le flambeau des causes sociales.

 Peu importe le prix à payer car cet engagement infaillible faisait partie intégrante de son ADN marqué par les péripéties de son militantisme politique. Amath Dansokho a toujours été un homme généreux dans ses choix de lutte ou de combat. Son pouls a toujours vibré pour le Sénégal. Il aimait surtout les débats d’idées qui faisaient avancer la société et non les débats crypto personnels. Il a tenu à faire triompher ses convictions premières qu’il a conservées jusqu’à sa mort. Malgré son état de santé fragile, il n’a jamais raté les manifestations de l’opposition. Combattant de toutes les causes justes, Dansokho a mené plusieurs décennies de lutte dans la clandestinité pour l’avènement au Sénégal et en Afrique d’une démocratie qui donne sens à l’humain et aux couches laborieuses. C’est cela qui donne tout son sens à la confidence qu’il avait faite en 2010, à Walf Grand Place en disant qu’à sa mort, il ne voudrait point d’hommage folklorique.

En visionnaire sincère pétri d’une générosité sans limite, il disait : « Je ne voudrais pas d’hommage folklorique, l’estime du peuple me suffit. Je regrette simplement le fait que l’estime dont je bénéficie de la part des couches populaires ne se traduise pas dans l’urne. » ! Terrible interpellation à toute la Gauche sénégalaise en particulier et africaine en général. Comme chacun le sait, les partis de gauche ont des capacités d’élaboration des tactiques et des stratégies politiques, mais lors des consultations électorales leurs scores sont relativement faibles. La classe politique sénégalaise doit beaucoup à Dansokho qui s’est toujours investi activement dans la politique des alliances et dans la recherche de l’unité d’action des forces patriotiques et démocratiques. C’est ainsi que sa main est tout à fait visible dans la mise en place de plusieurs cadres de lutte unitaires de l’opposition depuis plus de trois décennies dans notre pays.

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A titre d’exemple, on peut citer, entre autres cadres : la Coordination de l’Opposition Sénégalaise Unie (COSU) (1978), le Front du Refus ou « Cadre des 11 » (1983), l’Alliance Sopi (1985), la Conférence Nationale des Chefs de Partis de l’Opposition (CONACPO) (1990), le Gouvernement de Majorité Présidentielle Elargie (GMPE) (1993), la Coalition Alternative 2000 (CA 2000) (1999), le Front pour la Régularité et la Transparence des Elections (FRTE) (2000), le Pôle de Gauche (2000), le Front pour l’Alternance (FAL) (2000) , le Cadre Permanent de Concertation de l’Opposition (CPC) (2004), la Coordination de Lutte et d’Action pour la Transparence des Elections (Clarté/ Naa Leer) (2005), la Coalition Populaire pour l’Alternative (CPA) (2006) , la CA 2007, le Front Siggil Sénégal (FSS) (2007), les Assises Nationales (2008), la Coalition Bennoo Siggil Sénégal (BSS)( 2009), Clarté / Dey Leer (2012), jusqu’à l’actuelle coalition Bennoo Bokk Yaakaar (BBY) (2012).

Le mérite de l’ex secrétaire général du PIT est d’autant plus important, que durant ces 20 dernières années, la plupart des réunions de l’opposition se tenaient dans sa résidence à fenêtre Mermoz. Son salon servait de Quartier Général où se tenaient les réunions des forces démocratiques et politiques. Les secteurs sociaux en lutte qui voulaient rencontrer les leaders de l’opposition pour obtenir leur soutien, programmer les rencontres chez Dansokho. Ce formidable consensus autour du leader du PIT était surtout dû à son tempérament de rassembleur, à son esprit d’ouverture, à sa riche expérience politique, à la confiance qu’il inspirait à tous les acteurs politiques et sociaux. Pour avoir tenu le cahier de PV des réunions des coalitions politiques chez Amath pendant plus de deux décennies, je mesure à quel point l’homme était foncièrement généreux. D’abord, à chaque rencontre c’est le café ou le thé qui accueille le visiteur, à tout moment. Même les murs du salon respirent la générosité et la gentillesse, tant tout le monde se sentait à l’aise chez lui.

Le salon de Dansokho peut être comparé à un livre ouvert, où chaque page renferme un chapitre des péripéties, des convulsions et pulsions de l’histoire politique du Sénégal. Je demeure convaincu que les chercheurs et historiens ne manquerons pas un jour de venir décrypter le message politique que renferme tous les objets qui se trouvent dans ce salon mythique. Mais, plus qu’un simple espace de réunion, ce salon servait de ciment puissant pour rassembler les leaders politiques, malgré l’adversité ou la méfiance des uns à l’égard des autres. C’est tout à l’honneur de ce combattant qui avait en bandoulière sa foi en la paix, en la démocratie et en la liberté et qui fut un des principaux animateurs des nombreuses coalitions politiques de l’opposition dans notre pays. Mais Amath n’était pas que cela. Plus que tout autre facteur qui irriguait sa forte personnalité, c’était sa sensibilité. Il est généralement admis que tous les grands révolutionnaires dans tous les pays du monde, ont pour trait commun la sensibilité : sensibilité devant la misère des populations, sensibilité devant l’oppression, sensibilité devant l’exploitation de l’homme par l’homme, sensibilité devant la souffrance et la détresse humaine.

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C’est là tout le sens de sa déclaration qui résume parfaitement ses convictions militantes : « Je ne suis pas un révolutionnaire d’occasion. Mes convictions, je les ai construites patiemment ». C’est à juste raison que Samba SY, l’actuel Secrétaire général du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT), dira de Amath que c’est un homme de « cœur » dont « la sensibilité est à fleur de peau ».

Dans une interview faite à la Radio SudFM avant la première alternance politique en l’an 2000, ITINERANCE, et dans une émission plus récente, en 2012, à Radio France- International (RFI), la MARCHE DU MONDE, Dansokho retrace les péripéties de sa vie de militant révolutionnaire pendant la période de clandestinité. Il évoque ses nombreux séjours en prison et sa vie en exil dans les pays africains et dans les pays de l’ex. Bloc de l’Est. Il évoque les entretiens qu’il a eus avec d’éminentes personnalités du monde politique, de la culture et des mouvements de libération nationale (Fidel Castro, Ché Guévara, Kwamé Nkrumah, Ben Bella, Amilcar Cabral, Frantz Fanon, etc.) C’est cet homme de vérité, ce monument politique incontestable et ce combattant authentique qui ne variait jamais dans ses convictions militantes et républicaines, que notre pays vient de perdre. Son itinéraire fabuleux est jalonné de traits de lumière qui éclairent le chemin de l’action de notre jeunesse en quête de repères. Que la terre de Saint- Louis lui soit légère et que le Tout Puissant l’accueille dans son Paradis Eternel pour qu’il se repose en paix.

Ousmane BADIANE

Membre de la Ligue Démocratique (LD)







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