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Qui était Serigne Moustapha Bassirou Mbacke (par Mody Niang Et Mamadou Niang )

Qui était Serigne Moustapha Bassirou Mbacke (par Mody Niang Et Mamadou Niang )

 

CONTRIBUTION

Du jeudi 28 août au dimanche au dimanche 1er septembre 2019, un vibrant hommage sera rendu à la vie et à l’œuvre de Serigne Moustapha Bassirou Mbacké, à travers différentes manifestations. Qui était Serigne Moustapha Bassirou ? Il était le fils de Cheikh Mouhamadoul Bachir, lui-même fils de Serigne Touba Khadimou Rassoul et de Sokhna Medou Maame Diop, de la célèbre famille des Diop de Koki, village créé par Maame Matar Ndoumbé. Il est né en 1928 à Darou Salam Kaél (près de Mbacké). Sa lignée maternelle est aussi prestigieuse. Sa mère, Sokhna Bineta Diakhaté, avec qui il partage Serigne Mountakha Mbacké (actuel khalife général des mourides) et Serigne Issakha Mbacké (diplomate de carrière retraité), est de la famille que l’on appelle familièrement de «Mbaakool»ou des «Ndiakhaté-Ndiakhaté». Son grand-père maternel, Serigne Makhoudia Fafal Diakhaté, est le frère de Serigne Modou Asta Diakhaté, l’aïeul de Serigne Abdoul Ahad Mbacké, de Serigne Saliou Mbacké et de Serigne Chouhaibou Mbacké.

Son père le confia très tôt à son homonyme Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké, premier khalife de Serigne Touba, pour son initiation au Saint Coran. Il l’envoya ensuite à Darou Rakhmane, chez un certain Serigne Ibrahima Dieng pour continuer l’apprentissage du livre de Dieu en compagnie de Serigne Abdou Aziz ainsi que beaucoup d’autres fils de Cheikhes du mouridisme. C’est enfin sous la férule de Serigne Dame Abdou Rahmane Lô  de Ndame qu’il a mémorisé et calligraphié la globalité du Saint Coran, comme bien avant lui son vénéré père. Enfin, conformément à la tradition, Serigne Bassirou le confia à son cadet Serigne Habibou Mbacké, un érudit incomparable qu’on désignait d’ailleurs par le surnom révélateur de «Alimul Alaama», du fait de sa profonde connaissance des sciences religieuses.

Sa vie durant, Cheikh Moustapha Bassirou Mbacké a incarné toutes les qualités du mouridisme. Rien de vraiment surprenant, puisque c’est son père qui l’a  très tôt initié à ces qualités, lui-même les ayant reçues de Cheikh Ahmadou Bamba Khadim Rassoul, qui l’a éduqué et façonné avec toute la rigueur requise. Serigne Moussa Mbacké «Nawel», son khalife, affirme, le concernant, que «Serigne Bassirou ne l’a jamais ménagé. Il ne connaissait pas de repos et se familiarisait au quotidien avec la droiture, l’adoration du Seigneur et le travail. C’est dans cette orthodoxie que Serigne Moustapha a été éduqué en talibé. Dès le bas âge, il s’est forgé une personnalité d’homme de Dieu, de responsable qui doit accomplir de lourdes tâches dans la communauté. Il connaissait les décisions qu’il devait prendre, les actes qu’il devait poser et le traitement que méritait chaque personne. La belle manière dont il savait diriger les choses n’était pas fortuite : elle était innée».

Quand, en 1966, son père rejoignit le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba Khadim Rassoul, Serigne Moustapha alla faire acte allégeance devant le tout nouveau khalife Serigne Mouhadou Fadel Mbacké, après avoir pris le soin de consulter son frère Serigne Cheikh Mbacké «Gaïnde» Fatma et son oncle. Ayant grandi dans la lignée des grands hommes, il était lui-même, à leur image, un homme de dialogue, cultivé, rassembleur et respectueux de l’orthodoxie mouride. Respecté par ses pairs pour son humilité et sa piété, il était devenu  un élément incontournable dans la marche de la cité religieuse. C’est en talibé modèle qu’il a vécu auprès de Serigne Fallou Mbacké, qui lui confia pratiquement la gestion de la ville sainte de Diourbel.

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Devenu Khalife général en 1968, Serigne Abdou Lahad en fit son bras droit à part entière. Pendant plus de deux décennies, il était son émissaire auprès du président Abdou Diouf et de son gouvernement et, en même temps, Président du comité d’organisation du grand Magal de Touba. D’ailleurs, durant la période du Magal, il abandonnait sa maison et ses disciples pour se consacrer corps et âme aux préparatifs et à l’organisation de l’événement. «Il assistait Serigne Abdou Lahad en tout», témoigne Serigne Mahmadane Mbacké, fils de ce dernier. Lors de la visite de trois jours de Serigne Cheikh Ameth Tidiane Sy  à Touba, Serigne Abdoul Ahad lui fit ce témoignage : «Ta visite est passée par Serigne Moustapha Bassirou, il m’a assisté de tous les côtés et c’est son comportement de toujours. Je prie pour que Cheikhoul Khadim l’assiste partout.»

Serigne Moustapha accomplissait ainsi toutes les missions que lui confiait Serigne Abdoul Ahad, qui aimait toujours séjourner à Touba Bélél. C’est d’ailleurs lui-même qui a construit la case où le vénéré Khalife a rendu l’âme. Ces relations particulières et ces responsabilités se sont prolongées durant le temps très court que le regretté Serigne Abdoul Khadre Mbacké est resté Khalife. Il en était ainsi pour les autres khalifes et fils du fondateur du mouridisme, Sa relation privilégiée avec Serigne Mourtalla en était une illustration car, il lui réservait une chambre personnelle dans toutes ses demeures au Sénégal. Il s’était aussi particulièrement distingué du temps du très sage Serigne Saliou. Il était imbattable ainsi à Khelcom, surtout pour des actes qu’il ne souhaiterait certainement pas qu’on rende publics.

A l’image de son vénéré père, Serigne Moustapha Bassirou Mbacké entretenait d’excellentes relations avec les fils de Serigne Touba Khadim Rassoul, ainsi qu’avec ses propres frères et sœurs, qui lui vouaient respect et amour. Ses relations avec Tivaouane, Kaolack, Ndiassane et Yoff Layenne étaient exemplaires. D’ailleurs, à Porokhane, se trouve jusqu’à nos jours, un appartement dénommé «Tivaouane», où séjournaient Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Maktoum, et aujourd’hui Pape Malick Sy et les autres membres de la famille d’El Hadji Malick Sy. Serigne Moustapha faisait presque l’unanimité qu’il constituait un bienfait pour toute la communauté musulmane.

Tous les gouvernements qui se sont succédé au Sénégal, que ce fût du temps de Léopold Sédar Senghor comme de Me Abdoulaye Wade, en passant par Diouf, ont reconnu son apport substantiel à la bonne marche du pays, à son développement économique en général. Il a, en particulier, par sa vision et ses idées futuristes, contribué notablement à la promotion de l’agriculture sénégalaise. Serigne Moustapha Bassirou ne s’était donc pas seulement réfugié dans son statut de chef religieux. Il aurait pu, car il ne manquerait de rien : tout le trouverait sur place. Il avait préféré concilier ce statut avec celui de Grand agriculteur, qui vouait un grand amour à la terre généreuse.

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Il avait compris très tôt la grande contribution de l’agriculture au développement économique du pays. Par son attachement indéfectible à la terre, il plaçait, après le spirituel, l’activité champêtre au-dessus de toutes autres considérations, montrant ainsi l’exemple à ses nombreux talibés comme aux populations des localités où ses nombreuses activités agricoles étaient menées. Parmi ces localités, on peut citer, à titre d’exemples, car il y en a bien d’autres : Darou Minam Saaloum, Tiib,  Naawel, Ross Béthio, Pout, Keur Momar Sarr, etc. Toutes ces localités étaient des «daara tarbia», c’est-à-dire en même temps des centres d’apprentissage par excellence du Coran et du culte du travail pour ses milliers de talibés comme pour les habitants desdites localités. Dans ces champs, des centaines d’hectares étaient exploités sur la presque totalité de l’année, avec des spéculations comme le riz, les haricots verts, la mangue, les melons et autres fruits et légumes alimentant le marché local comme l’exportation.  Ses performances dans le domaine agricole avaient conduit d’ailleurs l’Etat du Sénégal à baptiser le Centre de recherche agricole de Ndiol de Saint-Louis en son nom.

N’ayant jamais perdu de vue son statut de chef religieux et de fils de Serigne Mouhamadou Bassirou, Serigne Moustapha s’est employé, sa vie durant, à entretenir et à moderniser les daaras laissés par son vénéré père. Parmi ces daaras, très nombreux, on peut citer ceux en activité dans les localités suivantes : Touba, Diourbel, Porokhane, Darou Salam Tiib, Kaolack (Touba Ndorong), Sagatta (Touba Cadior), Darou Salaam Kael, Boulel (Touba Saloum), Boustane, Kaffrine, Maninatou Salaam.. A ces localités, s’ajoutent Dakar (Guédiawaye Hamo 4), Beer, Mbambilor, Tivaouane, Ngaaye, Louga, Thiar Dieumoye, Thilmakha, Bambey, Mbacké, Thiès,  Naawel, Gossas, Guiguinéo, Mbour, Ndoffane, Keur Madiabél, Darou Minan Saaloum.

Serigne Moustapha a ainsi perpétué l’œuvre, le legs de Serigne Touba comme de son père. Il en a surtout été ainsi de la ville de Porokhane et de son Institut Sokhna Maame Diarra Bousso qui porte son empreinte indélébile. L’institut en particulier, qui porte son nom, forme aujourd’hui au coran et aux sciences religieuses, les homonymes de la sainte mère de Khadim Rassoul. Il a formé près de 500 jeunes filles, éduquées, nourries, logées, habillées, soignées gratuitement. Serigne Moustapha Bassirou a été aussi pour l’essentiel dans la modernisation de Porokhane, avec l’érection de la Résidence Maame Diarra Bousso qui a beaucoup contribué à unifier toute la famille de Cheikh Mouhamadou Bamba Khadim Rassoul. «C’est un lieu où tous les parents peuvent de se rencontrer pour raffermir les liens qui nous unissent», précise Serigne Moustapha Abdou Khadre.

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Moustapha Niass, président de l’Assemblée nationale du Sénégal, témoigne que «Serigne Moustapha était un exemple de bonté, de générosité, d’ouverture d’esprit, de grand cœur avec une pitié et une grande vision. Senghor le consultait même aude-là des questions religieuses. Il était sincère, car il ne disait que ce qu’il pensait, même si cela n’arrangeait pas le président.» M. Niass ne s’arrête pas d’ailleurs en si bon chemin et poursuit : «Serigne Moustapha Bassirou était un grand diplomate et avait une maitrise sur tout ce qui pouvait contribuer au bien-être des populations. Il a réussi à avoir une ouverture d’esprit et une capacité d’écoute qui lui ont permis de gagner la confiance de nombre de chefs d’Etat qui le consultaient pratiquement sur tous les projets qu’ils avaient en vue. Il était un homme véridique et avait une bonne lecture de toute situation qui lui permettait d’accepter ou de refuser une idée venant d’un président.» De son côté, l’ancien ministre du Développement rural, Amadou Bator Diop confie ceci : «Senghor m’a dit un jour que Serigne Moustapha Bassirou Mbacké ne m’a jamais dit quelque chose de faux et il ne m’a jamais fait quelque chose qu’on pourrait considérer comme inconvenant

Serigne Moustapha Bassirou Mbacké nous quitta le 29 août 2007 (15ème jour du mois de Chahbane1429) à Touba, après une vie spirituelle et temporelle bien remplie, laissant derrière lui toute une communauté d’orphelins et d’orphelines. Il repose à Touba (Darou Minan) à quelque encablures de son vénéré père. Ainsi, l’Islam, la Mouridyah, le Sénégal et les valeurs ont durement ressenti sa perte. Serigne Mountakha Mbacké, qui lui vouait un immense respect, fit sur lui ce dernier témoignage : «Il est venu au monde en sainteté et est retourné ainsi à son Seigneur». Témoignage que partagea son fils et khalife Serigne Moussa Mbacké «Naawel», actuel bras droit et confident en tout du khalife de Serigne Touba, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké.

Il convient de signaler, en concluant, qu’autant il avait repris le flambeau de l’œuvre de son père, autant sa descendance veille comme sur la prunelle de leurs yeux sur l’important legs spirituel comme temporel qu’il leur a laissé. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rendre à Tiib, à Naawel, à Pout, à Ross Béthio, à Keur Massar et dans de nombreuses autres localités aux quatre coins du Sénégal.

 

Mody NIANG (modyniang@arc.sn)

Mamadou NIANG (niangndaga@yahoo.fr)

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