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Le Voile, Entre Croix Et BanniÈre

L’Institution catholique Sainte Jeanne d’Arc (ISJA) a refusé, lors sa rentrée scolaire 2019-2020, d’admettre en cours des élèves musulmanes portant le voile, en vertu d’un nouveau règlement qui suscite une vive polémique. Au moyen secondaire comme au primaire, une poignée d’élèves s’est vu interdire d’entrer en classe à cause d’un nouveau règlement qui interdit de façon très floue le port du voile. Les responsables de l’école avaient déjà annoncé la couleur au mois de mai dernier et voilà qu’ils mettent à exécution l’application de cette loi qui exclue et discrimine.

En effet, l’article 5.2 du règlement intérieur sur le port vestimentaire dispose que la « tenue autorisée se composera à partir de la rentrée de septembre 2019 de l’uniforme habituel, avec une tête découverte, aussi bien pour les filles que les garçons ». On sent dès lors couardement un style amphigourique et les circonlocutions syntaxiques dans la façon d’interdire le port du voile qui perdent le signataire du règlement. D’ailleurs, curieusement, le règlement est inactif depuis le début de la polémique sur le site web de ladite école. Les réseaux sociaux s’enflamment et la guerre discursive entre musulmans et catholiques est presque à son paroxysme. Chacun tirant la couverture de son côté. Ainsi l’ISJA relance, à la torche acétylène, la polémique sur le voile.

Toutefois, je suis estomaqué par la virulence et la violence avec lesquelles certains boutefeux veulent trancher le nœud gordien de cette affaire qui se complexifie de jour en jour. Si, comme l’a dit Mamadou Oumar Ndiaye dans un éditorial du Témoin, « l’ISJA décide de modifier son règlement intérieur dans le but en particulier d’adopter un code vestimentaire « ouvert », en tout cas dans lequel les élèves pourraient tous se fondre en un melting-pot réducteur des replis communautaires », il faut, par conséquent, aller jusqu’au bout de la logique et faire de même pour tous les signes ostentatoires qui renvoient à une appartenance confessionnelle. Ce qui n’est pas fait puisque moult élèves arborent des pendentifs chrétiens sans être nullement inquiétés. Un règlement à géométrie variable à moins que ces crucifix qui pendent autour du cou de plusieurs élèves ne soient considérés que comme des objets esthétiques et dont le port ne conduit à se faire reconnaître par son appartenance religieuse.

En France, le code de l’Education en son article L. 141-5-1 proscrit dans les écoles collèges et lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Par conséquent, cette loi exclut de son champ d’application les établissements d’enseignement privés, qu’ils aient ou non passé avec l’Etat un contrat d’association à l’enseignement public. L’extension de l’interdiction à ces établissements serait en effet de nature à porter atteinte à leur « caractère propre », reconnu par la « loi Debré » du 31 décembre 1959, et consacré par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 23 novembre 1977, comme garantie de la mise en œuvre du principe de liberté d’enseignement.

Mais cette liberté accordée aux écoles privées françaises de légiférer sur le port des signes religieux ne l’est pas pour les établissements privés sénégalais qui sont soumis de respecter les articles 4 et 5 de la loi d’orientation n°91-22 du 16 février 1991 modifiée par la loi 2004-37 du 15 décembre 2004. En effet, l’article 4 stipule : « L’Education nationale est laïque : elle respecte et garantit à tous les niveaux, la liberté de conscience des citoyens. Au sein des établissements publics et privés d’enseignement, dans le respect du principe de laïcité de l’Etat, une éducation religieuse optionnelle peut être proposée. Les parents choisissent librement d’inscrire ou non leurs enfants à cet enseignement ».

Et l’article 5 complète en ces termes : « L’Éducation nationale est démocratique : elle donne à tous des chances égales de réussite. Elle s’inspire du droit reconnu à tout être humain de recevoir l’instruction et la formation correspondant à ses aptitudes, sans discrimination de sexe, d’origine sociale de race, d’ethnie, de religion ou de nationalité. »

Cette liberté est aussi consacrée par notre charte fondamentale en son article 8 : « La République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales, les droits économiques et sociaux ainsi que les droits collectifs … le droit à l’éducation ». Et la violation d’une telle disposition est sanctionné par l’article 5 de la Constitution : « Tout acte de discrimination raciale, ethnique ou religieuse, de même que toute propagande régionaliste pouvant porter atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat ou à l’intégrité du territoire de la République sont punis par la loi ».

Ce qui veut que dans cette affaire seule force restera à la loi si le ministre par sa couardise ne cède au rigorisme et à la hardiesse des autorités de Jeanne d’Arc. L’évocation d’une minorité d’élèves voilées ou appartenant à des familles libanaises chiites pour justifier cet oukase de la Pucelle ne peut pas prospérer. La solution est de ne pas les extrader dans une autre école catholique qui, demain pour les mêmes raisons, peut modifier comme Sainte Jeanne d’Arc son règlement et les expulser comme des juifs en errance. D’ailleurs, les Cours Sainte Marie ont opposé une fin de non-recevoir à la requête de la désormais présidente des parents d’élèves de l’ISJA, Véronique Sèye, qui ne décolère pas contre la mauvaise gestion de l’Institut. Certains musulmans même chrétiens comme réaction déclarent qu’il faut retirer ces filles de cette école catholique et les inscrire dans des établissements qui n’interdisent pas le voile islamique. Une telle fausse solution est grosse de danger en cela qu’elle va créer un précédent dangereux aux conséquences dévastatrices. Même si l’école est dirigée par des catholiques, l’enseignement qui y est dispensé est laïc c’est-à-dire qu’il n’a aucun substrat religieux. Le programme sénégalais de même que celui français y est enseigné.

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L’éducation est un droit universel reconnu par la déclaration universelle des Droits de l’homme. L’école qui dispense le programme sénégalais est une école de la République, appartient-elle à des catholiques, musulmans, athées, juifs ou même francs-maçons. Une telle vision des choses conduira demain dans d’autres domaines comportements pareils à ce que la Pucelle d’Orléans, pardon, sénégalaise veut imposer.

La Gravissimum Educationis, signée à Rome le 28 octobre 1965 et qui est la Déclaration sur l’éducation produite lors du IIᵉ concile œcuménique du Vatican, stipule : « Tous les hommes de n’importe quelle race, âge ou condition, possèdent, en tant qu’ils jouissent de la dignité de personne, un droit inaliénable à une éducation qui réponde à leur vocation propre, soit conforme à leur tempérament, à la différence des sexes, à la culture et aux traditions nationales, en même temps qu’ouverte aux échanges fraternels avec les autres peuples pour favoriser l’unité véritable et la paix dans le monde. »

De même, le Concile demande instamment à « tous ceux qui gouvernent les peuples ou dirigent l’éducation de faire en sorte que jamais la jeunesse ne soit privée de ce droit sacré. Il exhorte les fils de l’Église à travailler généreusement dans tous les secteurs de l’éducation, spécialement pour hâter la diffusion des bienfaits d’une éducation et d’une instruction convenables, pour tous, dans le monde entier ».

Et le Concile de terminer sur un devoir indérogeable : « Les parents doivent donc jouir d’une liberté véritable dans le choix de l’école. Les pouvoirs publics, dont le rôle est de protéger et de défendre les libertés des citoyens, doivent veiller à ce que les parents puissent jouir d’une authentique liberté dans le choix de l’école de leurs enfants selon leur conscience. C’est encore le rôle de l’État de veiller à ce que tous les citoyens parviennent à participer véritablement à la culture et soient préparés comme il se doit à l’exercice des devoirs et des droits du citoyen. L’État doit donc garantir le droit des enfants à une éducation scolaire adéquate, veiller à la capacité des maîtres au niveau des études, ainsi qu’à la santé des élèves, et d’une façon générale développer l’ensemble du système scolaire. » Par conséquent, les autorités de l’ISJA devaient s’inspirer de ce texte vaticanesque qui s’adosse à un socle axiologique et doxologique et qui révolutionne l’Education catholique.

L’aporie des prêcheurs et bien-pensants

Oustaz Aliou Sall, Serigne Fallou Dieng, Serigne Modou Bousso Dieng, Ahmed Khalifa Niass et autres prêcheurs bien-pensants qui donnent tort à des musulmans d’avoir choisi une école catholique pour leur progéniture font preuve inconsciemment de sectarisme et de division. Et c’est donner du grain à moudre aux établissements (Hyacinthe Thiandoum, les Flamboyants, Anne Marie Javouhey et Abbé David Boilat de Thiès, Didier Marie) qui avaient interdit en 2011 et 2016 en vain le port du voile pour réchauffer leur circulaire prohibitive. Le parent qui décide d’inscrire son enfant dans un établissement dispensant le programme sénégalais ne doit pas mettre une religion sur la figure de l’enseignant. De même que ce dernier ou les autorités de l’école ne doivent pas mettre une religion sur la figure de l’apprenant. Il n’y a que le citoyen enseignant ou apprenant qui compte ici. Si l’on décide aujourd’hui de ne pas inscrire un enfant dans un établissement appartenant à des catholiques ou à des musulmans, il faut s’attendre demain à son glissement mortifère dans d’autres domaines. Un commerçant catholique refusera de vendre à quelqu’un sous prétexte qu’elle porte un voile islamique ou bien un commerçant musulman fera la même chose à l’endroit d’un chrétien sous prétexte qu’il porte la croix du Seigneur Jésus. On refusera de servir un client dans un restaurant sous prétexte qu’il porte une barbe. On refusera de se faire soigner par un médecin sous prétexte qu’il est un barbu ou qu’il porte une croix. Et voilà ces postures scissipares qui risquent d’ébrécher, voire de fracturer à moyen ou long terme l’entre-soi des citoyens sénégalais. Alors ceux qui prônent comme solution le fait d’aller s’inscrire ailleurs, vont-ils dire qu’il faut faire ses emplettes dans une boutique détenue par une personne de même confession religieuse que l’acheteur, manger dans un restaurant en prenant en compte la religion du serveur ou se faire soigner par son coreligionnaire ? Leur mantra n’est que cautère sur jambe de bois. Pour paraphraser le professeur d’histoire belge Michel Staszewski, je dirais que « cette solution prônée par nos prêcheurs est un terreau fertile pour le repli identitaire. Elle favorise le développement de tendances communautaristes. Ainsi les filles voilées deviennent donc les victimes innocentes d’une institution qui rejette l’entre-soi. L’ostracisme qui frappe le voile à l’ISJA porte atteinte à une mission fondamentale de l’École publique sénégalaise : être un lieu accueillant pour tous, quelles que soient leurs options philosophiques, leurs croyances religieuses de manière à favoriser la rencontre et la confrontation pacifique des idées et des cultures, un moyen irremplaçable de favoriser le développement de la tolérance et de l’esprit critique, de construire du lien social entre des personnes qui ne sont pas réunies sur une base communautaire. »

Le 15 janvier 2013, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a condamné le Royaume-Uni à verser à l’hôtesse 2000 euros pour dommage moral et 30 000 euros pour frais et dépens pour discrimination envers une hôtesse de l’air de British Airways, Nadia Eweida, d’origine égyptienne. Cette dernière s’était vu refuser le droit d’arborer une petite croix chrétienne autour du cou. La CEDH a estimé que les tribunaux britanniques – qui avaient débouté cette hôtesse lors de ses recours contre son employeur – n’avaient pas ménagé un juste équilibre entre son désir de vivre sa foi et la volonté de la compagnie d’imposer un code vestimentaire. Autrement dit, la CEDH autorise le port visible de la croix chrétienne autour du cou, l’étoile de David du fait qu’elle autorise aussi le port d’un foulard islamique ou d’un turban sikh.  Dire que cette affaire ne concerne essentiellement que les Libano-Syriens ou une caste de ploutocrates, c’est verser inconsciemment dans la discrimination.

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Que ceux qui brandissent l’exemple de Touba, de Tivaouane et de Cambérène pour justifier la décision de l’ISJA sachent qu’on ne répare pas une injustice par une injustice. D’ailleurs, tel est loin d’être le cas dans ces exemples mal choisis. En France, berceau de la laïcité, « la loi de 1905 ne s’applique pas aujourd’hui à l’Alsace-Moselle, qui est soumise à un statut des cultes spécifique issu de la période napoléonienne, le régime concordataire de 1801. C’est une convention internationale qui lie la France et le Saint-Siège et ne régit donc que le culte catholique. A cela s’ajoutent les textes qui concernent les protestants en 1802, puis le culte israélite en 1844. Tout cela implique aujourd’hui que l’Etat paie en Alsace-Moselle les salaires des curés, pasteurs et rabbins et qu’un système permet aux communes d’intervenir dans le financement de l’entretien d’édifices cultuels. Pourtant, l’article 2 de la loi de 1905 prévoit que la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte. » 

La loi est générale et impersonnelle

Une loi ne s’accommode ni de nombre, ni couleur épidermique, ni de nationalité, ni de rang social, ni d’appartenance ethnique, confrérique ou religieuse. Les allogènes sont protégés par nos lois au même titre que les autochtones. Vouloir regarder le problème sous le prisme déformant de l’idéologie, c’est emprunter une fausse piste qui mène vers une aporie. On a dit que « les pauvres filles voilées sont des perturbatrices qu’il faut foutre dehors ». Pourtant ces pauvres chérubins ne sont que des victimes perturbées dans cette histoire où elles risquent d’être des agnelles du sacrifice si l’Etat ne fait pas preuve d’autorité. Et paradoxalement, les filles victimes innocentes dont le seul tort est de vouloir apprendre en s’accommodant d’un simple couvre-chef deviennent les coupables qu’il faut châtier sans aménités avec le martinet. La véritable perturbatrice dans cette affaire, c’est la Pucelle de Dakar qui veut se doter d’un règlement dérogatoire aux dispositions de notre législation. Et celle qui se prend pour Jeanne d’Arc personnifiée, c’est ce lugubre belphégor du nom de Rayanna Tall qui joue le rôle d’un cheval de Troie dans le combat que la France maçonnique, agnostique et laïciste mène mortellement contre les adeptes des différentes religions qui peuplent l’école de Jules Ferry. 

Je rappelle à Rayanna Tall que le mercredi 30 mai 1431, 71 juges dont un évêque, 9 archidiacres ou abbés, 8 chanoines, 22 prêtres, moines, frères prêcheurs, inquisiteurs ou consulteurs de l’Inquisition, 23 docteurs en théologie accusèrent Jeanne d’Arc, la Pucelle, de séditieuse, perturbatrice et impéditive de la paix, excitatrice aux guerres et la condamnèrent au bûcher. Par conséquent, il ne faut pas, par l’intransigeance et l’agitation stérile d’une marionnette de la France, créer une situation inédite dans ce pays qui mène vers des lendemains destructeurs.

L’école sénégalaise publique comme privée est l’école de la diversité, du multiculturalisme. Il faut reconnaitre dans cette affaire que Sainte Jeanne est fautive parce qu’elle viole notre Constitution. Le règlement intérieur de l’ISJA ne peut être au-delà de la loi fondamentale toute comme il ne peut se faire sans la validation de l’autorité de l’éducation nationale. Maintenant pourquoi autorise-t-on l’ISJA qui est un établissement biculturel, c’est-à-dire dispensant un programme sénégalais et français séparément de souscrire au décret organisant l’ouverture et la fermeture des écoles françaises et pas celui de notre pays ? La réponse à cette question pourrait nous édifier sur le modèle de leur règlement intérieur qui s’inspire de la loi française du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. En effet, le premier alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation française stipule : « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. »

Le même article en son alinéa 3 indique que «lorsqu’un élève inscrit dans l’établissement se présente avec un signe ou une tenue susceptible de tomber sous le coup de l’interdiction, il importe d’engager immédiatement le dialogue avec lui. Le chef d’établissement conduit le dialogue en liaison avec l’équipe de direction et les équipes éducatives en faisant notamment appel aux enseignants qui connaissent l’élève concerné et pourront apporter leur contribution à la résolution du problème. » Ce qui est loin d’être le cas avec la violente Rayanna Tall qui préfère avec ses complices sortir le glaive plutôt que d’user de l’arme du dialogue. Dans cette affaire ISJA, la chef de l’établissement fait preuve d’un autoritarisme outrancier, refusant d’engager toute explication avec les élèves concernées, leurs parents et même la presse. Son seul leitmotiv, c’est cette phrase aussi lapidaire que floue : « Nous n’avons renvoyé aucun élève. Nous avons donné aux familles le règlement intérieur dès le mois de mai. Elles ont pu lire ce règlement, le signer et le valider avant les demandes d’inscription. » Une telle chef d’établissement qui fait montre d’une telle froideur méprisante et d’une telle fermeture rebutante ne mérite pas de truster la direction d’une institution qui a écrit son nom en lettres d’or dans l’éducation nationale.

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Par conséquent, les élèves voilées qui refusent le sort arbitraire qu’on leur a infligé sont traumatisées, brimées, violentées. A l’instar du Seigneur Jésus injustement condamné et conduit au Golgotha, ces enfants portent désespérément leur croix en attendant le sacrifice christique. Pourtant leur casier scolaire vierge plaide en leur faveur puisqu’elles sont travailleuses, sérieuses et intègres. D’ailleurs, le communiqué daté du 9 septembre dernier émis par le personnel enseignant et administratif de Jeanne d’Arc confirme que « ces filles voilées font parties des élèves les plus studieuses, les plus sérieuses et les plus intègres de l’établissement ». Mais diantre que cherche-t-on donc dans nos établissements si ce ne sont ces valeurs cardinales susnommées qui font le lit de la réussite ?

Ainsi, il appert que les raisons invoquées par la chef de l’établissement Rayanna Tall au mois de mai dernier « refus de serrer la main de camarades ou refus de s’asseoir avec eux sur la même table banc, sous prétexte de convictions religieuses, se regrouper et s’isoler dans la cour de récréation pour les mêmes raisons et refuser le port strict de l’uniforme de l’école » pour priver les filles voilées d’inscription sont purement mensongères. D’ailleurs, son argumentaire n’est qu’une resucée des propos de l’archevêque Monseigneur Théodore Adrien Sarr quand en 2011, certaines écoles catholiques avaient décidé d’interdire le port du voile. Dire que les élèves voilées refusent de s’intégrer dans la communauté élève de l’ISJA, qu’elles refusent de donner la main aux garçons, bref qu’elles menacent le vivre-ensemble au sein de l’Institut est une contrevérité d’autant que leurs condisciples ont manifesté toute leur solidarité à l’endroit de de leurs camarades exclues. Si ce vivre-ensemble est menacé dans ses fondements en 2019, pourquoi ne l’était-il pas durant toutes ces années où le voile a fait son apparition chez les élèves. Et quid des sœurs qui officient au sein de l’ISJA se couvrant toujours de leur voile pudique qui rappelle la Sainte vierge Marie, mère du Christ, symbole de la tolérance et apôtre de la diversité et même la bienheureuse Anne Marie Javouhey, fondatrice de la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny ?

Depuis que l’affaire fait couler beaucoup de salives et beaucoup d’encre, le ministre de l’Education dont la voix fait autorité s’est engoncé dans un mutisme lâche qui pourrit la situation, affaiblit les élèves exclues et renforce l’autoritarisme de Rayanna Tall. D’ailleurs la réponse virale et virulente du Conseil national du laïcat du Sénégal du 9 mai 2019 a sonné Mamadou Talla au point qu’il est devenu aphasique et frileux dans cette polémique qui enfle de jour en jour. Et si cette situation perdure, il est à craindre que la cohabitation islamo-chrétienne risque d’en prendre un sacré coup.

Appliquer la jurisprudence Kalidou Diallo

A la rentrée scolaire de 2011, suite à l’exclusion d’une vingtaine d’élèves pour port de voile au collège Hyacinthe Thiandoum suivi par d’autres établissements scolaires catholique, les Flamboyants, Anne Marie Javouhey et Abbé David Boilat de Thiès, l’alors ministre de l’Education, Kalidou Diallo, avait fait preuve de fermeté et d’autorité.

« Je tiens à rappeler que la Loi fondamentale ainsi que le décret qui régit les écoles privées au Sénégal stipule que celles-ci ont le devoir et l’obligation de recevoir tous les enfants sénégalais, quelle que soit leur confession. Les écoles ont l’obligation de respecter leur croyance et coutume et tout ce qui va avec, y compris la tenue ».  Il précisait, en outre : « aucun établissement ne peut avoir un règlement intérieur supérieur à ce principe. Force restera à la loi. Toute école qui dérogera sera fermée ». « Les textes fondamentaux du Sénégal. Je ferai une circulaire de rappel à tous les établissements privés et confessionnels pour qu’on sache que le Sénégal est un pays laïc, démocratique qui respecte toutes les sensibilités », martelait-il, ferme. Donc comme l’avait dit Kalidou force doit rester à la loi.

Le projet éducatif de l’Institution Sainte Jeanne d’Arc qui a été rédigé au cours de l’année 2014-2015 dit dans son épilogue : « Elle (Sainte Jeanne d’Arc, ndlr) se veut un lieu de rencontre en humanité et d’accueil de l’autre dans sa différence. » Et cela est complété par les sages propos de sœur Yvonne qui a vécu 18 ans à l’ISJA : « Tout le monde trouve sa place dans l’Institution. Jeanne d’Arc est (et reste, ndlr) une vraie famille ». Malheureusement, ce rêve risque de se transformer en cauchemar si l’on n’y prend pas garde. Déjà les menaces entre les deux communautés prolifèrent et les premières salves commencent à être tirées sur les réseaux sociaux. Au détriment du vivre-ensemble sénégalais.

Pour finir, je dirai aux niais somnambules que cette affaire qu’ils considèrent banale risque, si l’on n’y prend pas garde, de prendre des proportions démesurées. Banalisé par l’armée nigériane, Boko Haram, un quarteron d’étudiants non armé dirigé par Mohamed Yusuf au début des années 2000, est devenu aujourd’hui l’organisation terroriste la plus redoutable en Afrique de l’ouest.  

Une étincelle peut mettre le feu à la plaine. Comme celle qui a allumé le bûcher de Jeanne d’Arc un mercredi 30 mai 1431 par le bourreau Geoffroy Thérarge.

sgueye@







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