Honte à ceux qui ont laissé les soeurs de Jeanne d’Arc aller seules au front pour sauver une certaine idée de l’école sénégalaise, déjà si mal en point. Honte à eux pour leur avoir fait croire qu’ils seraient à leurs côtés face à l’opinion publique, et que la légitimité de leur combat en ferait des héroïnes, comme leur marraine Jeanne d’Arc.
Le Sénégal, pays du maslaa, n’en est pas à une contradiction près : face à l’échec de l’école publique avec ses grèves à répétition et ses faibles taux de réussite aux examens, l’enseignement privé catholique est devenu la filière la plus sûre pour assurer l’avenir de nos enfants et dans cet espace de convivialité, l’unanimité semblait faite contre les agissements de certaines filles voilées, pour la plupart excellentes élèves, qui refusent de serrer la main aux hommes, d’être dans le même rang qu’eux et de partager les activités culturelles et sportives.
Alors, pourquoi diable les soeurs ont-elles porté le combat sur le symbole plutôt que sur les comportements ? Ce faisant, elles ont endossé le costume des liberticides et se sont aliéné l’essentiel des observateurs, modérés et radicaux. Car l’habitude crée le droit ! En ciblant les coupables individuellement, elles auraient pu s’assurer l’appui des autorités politiques et religieuses, créer un consensus, convoquer les familles et les mettre en demeure de se conformer à la culture de l’établissement ou de trouver asile ailleurs. On peut également se poser des questions sur le combat solitaire qu’elles ont accepté de mener avec une détermination qui frisait l’entêtement.
Ni les autres établissements catholiques: Maristes, Notre-Dame, St Michel, Sacré-Coeur, ni la Direction de l’Enseignement Catholique n’ont manifesté publiquement la moindre solidarité. Quant aux associations chrétiennes ou prétendues laïques qui se sont exprimées, elles ont déplacé le débat sur le communautarisme ou le terrain constitutionnel, alors que ces questions relèvent de la responsabilité exclusive du ministère de tutelle. Le Ministère de l’Education Nationale, ou plutôt son fantôme, apparu furtivement au moment de l’éclatement de l’affaire en mai 2019 à travers un communiqué affirmant sa désapprobation, puis disparu des radars, laissant la voie libre aux aboyeurs de tous bords. Il aura fallu l’annonce du retour précipité du Président de la République avec un conseil des ministres le lendemain pour que le voile cher aux soeurs se transforme en mouchoir de tête et que les bannies soient réhabilitées, après une semaine de purgatoire.
La communication calamiteuse des autorités laisse penser à une capitulation sous la contrainte, avec la complicité du Nonce Apostolique qui aurait brûlé le projet des soeurs sur l’autel du dialogue islamo-chrétien. Il nous reste de ce triste épisode un arrière-goût de grand gâchis, avec tout ce vomi qu’il sera difficile de ravaler, cette impression de louvoiement du ministère qui a raté une opportunité d’affirmer son autorité sur des questions sociétales capitales.
Pour le reste, l’avenir nous dira si la réduction de la taille du foulard aura un impact proportionné sur le caractère asocial de ces jeunes filles et sous ce rapport, l’entretien préalable à leur réintégration, en présence d’un inspecteur d’académie sera crucial car si toute cette prise de tête devait se résumer à une question de surface de tissu, nous en serions tous les têtes de… turcs.