Depuis sa réélection, suite à l’élection du 24 février 2019, le président Macky SALL prend ses aises avec la Constitution en ne respectant pas l’article 37 de notre charte fondamentale qui l’oblige à faire une nouvelle déclaration de patrimoine en tant que président réélu pour un second et dernier mandat de cinq (05) ans. En ne respectant pas une telle obligation, le président touche directement à la portée pratique de la suprématie de la Constitution et sort du cadre légal. L’article 37 de la Constitution pose, pourtant, très clairement les obligations qui s’attachent à cette déclaration de patrimoine. Il exclut donc tout manquement à cet effet. C’est pourquoi, il importe de préciser l’exigence d’une déclaration de patrimoine (I) avant de rappeler l’absence d’une déclaration de la part de l’actuel président de la République (II).
I-L’EXIGENCE D’UNE DÉCLARATION
La déclaration de patrimoine du Président de la République est une obligation constitutionnelle. Avec l’adoption de la Constitution du 22 janvier 2001, le constituant sénégalais a mis en place un dispositif tendant à donner aux citoyens l’assurance que l’exercice du mandat présidentiel ne sera pas l’occasion d’un enrichissement anormal du patrimoine de la personne titulaire de cette haute charge. Or s’il apparaît que cette obligation déclarative devait permettre une meilleure transparence, aujourd’hui, elle se révèle beaucoup plus limitée à l’égard des citoyens et de l’opinion publique en général. Aux termes de l’article 37 de la Constitution du 22 janvier 2001: «Le Président de la République nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au Conseil constitutionnel qui la rend publique.»
A travers cette disposition, le constituant pose les bases de cette déclaration de patrimoine du chef de l’Etat. Une fois posé le principe de base de cette déclaration, reste à déterminer les modalités de dépôt de cette déclaration. A cet égard, la législation n’apparaît pas efficace et pourrait être modifiée pour améliorer le respect de cette obligation déclarative. Il faut préciser que la formule utilisée par la loi fondamentale permet d’en percevoir qu’il s’agit d’une obligation constitutionnelle sans conteste : en droit, le présent vaut impératif. Mieux, le moment de cette déclaration est une exigence importante. En effet, des retards sont souvent constatés, comme c’est le cas actuellement, dans le respect de cette obligation. C’est ici le lieu de rappeler que le « président nouvellement élu » est tenu de respecter scrupuleusement ce délai imposé par notre charte fondamentale, sous peine de violer son serment à peine formulé.
En effet, en vertu de l’article 37, la constitution a pris le soin de fixer le délai de la déclaration de patrimoine en des termes précis puisqu’il s’adresse au « président nouvellement élu », ce qui signifie que ladite déclaration doit intervenir, au plus tard, avant la prestation de serment. Aussitôt la proclamation définitive des résultats prononcée par le Conseil constitutionnel, jusqu’à sa prestation de serment, le Président nouvellement élu a l’obligation de faire parvenir cette déclaration écrite au Conseil constitutionnel qui la rend publique. Cette exigence renforce une telle obligation déclarative. Ainsi, la déclaration de patrimoine doit se faire sans délai ni excuse. Les retards accusés, à cet effet, constituent une violation manifeste de la Constitution. Le respect de la formalité de dépôt couvre la production d’une déclaration sincère; l’insuffisance notoire d’une déclaration pouvant être assimilée à un manquement délibéré aux obligations déclaratives. Par conséquent, les détails de ce patrimoine doivent être rendus publics, au plus tard, avant l’entrée en fonction du « Président nouvellement élu ». Quelle que soit la personne qui exerce la fonction présidentielle, il a l’obligation de considérer, avec le plus grand sérieux et en conformité de son serment, ses obligations déclaratives et ne pas se soustraire au principe constitutionnel de transparence en expliquant avec clarté et de façon détaillée les évolutions constatées de sa situation patrimoniale et de ses intérêts.
II-L’ABSENCE D’UNE DÉCLARATION
Un intérêt public s’attache à ce que le dispositif sur la déclaration de patrimoine, qui renforce les garanties de transparence de la vie publique, soit effectif. En vertu de l’article 4 de la loi n°2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine, « La déclaration doit comporter toutes les informations relatives aux biens et actifs détenus par la personne concernée, directement ou indirectement. Les biens meubles englobent les comptes bancaires courants ou d’épargne, les valeurs en bourse, les actions dans les sociétés de commerce en général, les assurances vie, les revenus annuels liés à la fonction occupée ou provenant de toute autre source. »
Après un vide juridique de 2001 à 2014, ces nouvelles dispositions nous renseignent désormais sur les obligations qui pèsent sur le contenu de la déclaration de patrimoine du chef de l’Etat. Il faut préciser que ces nouvelles dispositions qui prolongent les prescriptions de la Constitution lient le Président réélu qui doit faire une nouvelle déclaration devant le Conseil constitutionnel. L’objectif du constituant est d’encadrer les pouvoirs du président de la République. Un chef d’Etat nouvellement élu ou réélu très endetté ou bénéficiaire d’un financement incontrôlé pourrait bien profiter de son statut pour utiliser l’argent public en vue de se libérer de ses dettes.
Mouhamadou Ngouda Mboup est enseignant-chercheur de droit public FSJP/UCAD