Site icon Senexalaat

Quand Le Voile Revele Le Visage D’un Senegal Inconnu

Quand Le Voile Revele Le Visage D’un Senegal Inconnu

J’avais dit que le problème était mal posé. Il l’était en effet. Et l’accord trouvé entre le gouvernement et les responsables de l’institut Jeanne d’Arc le prouve à suffisance. Du port du voile, on tombe sur la taille du voile ! On tombe des nues. Ce compromis nuitamment trouvé permet d’évacuer sans coups férir la question du vivre ensemble à l’école – qui est le fond du problème. Les filles garderont donc le voile sans serrer les mains des hommes, sans s’asseoir à côté des garçons, sans participer à certaines activités obligatoires à l’école.

Ce qui va constituer une rupture culturelle au Sénégal où le mélange des genres n’a jamais posé de problèmes insolubles. Dans les maisons comme dans les cérémonies, hommes et femmes se côtoient sans penser à mal, de la même façon qu’ils se mélangent dans la circumambulation autour de la Kaaba.

Le refus de se mélanger est certes une disposition de la religion mais l’islam tolérant que nous connaissons au Sénégal n’a jamais fait de ce cas un casus belli. C’est à ce niveau que le comportement des filles voilées de la Jeanne d’Arc est une rupture avec la culture sénégalaise. J’estime que quelqu’un qui désire sincèrement se voiler et éviter de se mélanger ne devrait pas s’inscrire dans une école mixte, a fortiori catholique. Il faut être conséquent. La question de la constitutionnalité de l’interdit revient dans les contributions. Je veux juste ajouter que même si aucune disposition constitutionnelle ne dit expressément que le port du voile est autorisé dans les établissements scolaires, il demeure qu’en matière de droit, tout ce qui n’est pas interdit est permis.

Et la constitution du Sénégal ni aucune des lois du pays n’interdit le port du voile en quelque lieu que ce soit. On en vient à présent au statut des religions au Sénégal. Contrairement à la France qui les a combattues par les idéologies d’inspiration marxiste, athée ou agnostique, les régimes politiques au Sénégal ont toujours accompagné les religions, s’en sont même bien accommodés. Même aux pires moments de la colonisation et les régimes laïques, la religion chrétienne, et en particulier catholique, a été associée au pouvoir au grand dam certes des populations indigènes pour la plupart. L’administration coloniale tolérait même une cour indigène, dans ses tribunaux, qui rendait justice selon les lois naturelles du pays, selon les lois de la religion musulmane quand des musulmans étaient en cause. C’est pour dire que la laïcité dont on nous parle jusque dans la constitution est un vernis qui s’écaille dès que les problèmes deviennent sérieux. Enfin, soulignons que même en France, c’est l’État qui est laïque, pas la société. L’État du Sénégal n’a jamais été laïque, dans les faits. Il faut avoir le courage et la lucidité de le souligner.

Ainsi donc, le problème est mal posé. Mais pas que ! Il n’est, à proprement parler, même pas posé. L’institut scolaire Jeanne d’Arc de Dakar est le maillon faible d’une société tiraillée par ses apports extérieurs contradictoires et potentiellement conflictuels. La culture islamique – je ne dis pas la religion – venue d’Orient arabique ou perse (sunnite, salafiste ou chiite) entre en contradiction avec le soufisme sénégalais qui irrigue le mouridisme, la tidjania, la khadria, les familles niassènes et layènes qui sont des adaptations culturelles endogènes de l’Islam commun, Islam qui est liberté et tolérance, application des principes coraniques qui enseignent : « pas de contrainte en religion » ; qui reconnaissent la pluralité possible des religions : « A vous vos croyances, à moi la mienne ».

Contradictions entre la culture chrétienne de la monogamie et la société foncièrement polygamique du Sénégal, en dépit des évolutions notables. Contradiction entre la laïcité à la française et la société régie par le religieux, depuis toujours, qui voit l’État, les collectivités locales et les responsables politiques de tous bords et de toutes obédiences financer de bonne foi en en toute bonne conscience les manifestations religieuses et les lieux de culte. Sans que personne ne s’en soit offusqué sincèrement, ouvertement – ligne de masse oblige. Contradiction entre subventions nationales et subventions internationales ; entre autorité de l’État et intérêts des ONG. Contradiction entre stabilité institutionnelle et volonté de déstabilisation afin d’asseoir un pouvoir plus durable par la division et la diversion.







Quitter la version mobile