A intervalles réguliers et calculés, le biaisé débat sur l’interdiction du port du voile dans des établissements privés catholiques est malicieusement agité par de groupuscules tapis dans l’ombre ; on avait commencé à en prendre l’habitude d’autant plus que ces soubresauts épisodiques et épidermiques s’estompaient dans l’indifférence la plus totale des Sénégalais, avec cette logique au bout des lèvres : si leur règlement intérieur ne vous convient pas, allez voir ailleurs… D’ailleurs, il nous est parvenu que sur les 22 familles en conflit avec l’Institution Ste Jeanne d’Arc, 20 seraient d’origine libano-syrienne… sans commentaire.
Mais cela devient du harcèlement quand des autorités de ce pays, de façon péremptoire, tranchent un débat qu’elles ne maîtrisent pas ou qu’elles feignent d’en ignorer tous les tenants et les aboutissants pour des raisons inavouées mais perceptibles. L’on se souvient des sorties du nouveau ministre de l’Education nationale et de l’Ia de Dakar dans les colonnes du Soleil qui ne s’était pas privé, une quinzaine durant, d’«alimenter» ce débat par le dénigrement, la condamnation et un anticléricalisme subtilement distillé.
De surcroit, quand une autorité religieuse, à en croire les médias, en appelle à la fermeture de l’établissement incriminé, on tombe des nues ! A-t-on pris le soin de lui fournir tous les éléments d’appréciation ? A en croire toujours les médias, ce serait une preuve de tolérance que de les voir porter leurs croix partout ! Derrière cet institut, sait-elle que tous les autres établissements de l’enseignement privé catholique du Sénégal ont adopté la même position de principe ? Sait-elle que les élèves catholiques de ces établissements forment à peine le quart de l’effectif global et par conséquent l’Eglise, même considérée comme suppôt du colonialisme, a pris l’option d’éduquer, de former sans exclusive ; c’est donc attiser le feu, c’est invoquer les démons que d’évoquer un prétendu conflit interreligieux ! Fermer cette école ? Il y aurait à craindre que toutes les autres sur l’ensemble du territoire en fassent de même ; des milliers d’élèves seraient dans la rue, leurs parents obligés de se rabattre sur d‘autres établissements privés ou publics qui ont aussi leur propre règlement intérieur ! Faut-il continuer à se voiler la face ?
Qui sont ces parents d’élèves qui ont choisi de confier l’éducation de leurs enfants au privé catholique ? Du premier des Sénégalais au plus petit commis de l’Etat, la bourgeoisie, le corps diplomatique, la classe moyenne en passant par les dignitaires religieux et de braves goorgolou, leur choix renseigne sur les limites de l’offre éducative par rapport à la forte demande. Alors pourquoi ce rush vers le privé catholique ? Il a un plus que les autres n’ont pas forcément ; ses enseignants, musulmans comme chrétiens, ne sont ni les plus diplômés ni les plus expérimentés ; ce ne sont pas les mieux payés du système. Alors, quel est le soubassement de son attrait et par conséquent de ses performances si ce n’est le message évangélique décliné en doctrine sociale de l’Eglise ? Quand la nouvelle école primaire catholique de Diourbel compte en son sein une cinquantaine d’élèves catholiques sur un effectif de 800, il y a certainement lieu de s’interroger et de méditer sur les motivations spirituelles et humanitaires de ses bâtisseurs.
Dans le même registre, qui sont les principaux bénéficiaires de la Caritas dans son option préférentielle pour les plus démunis de ce pays ? Qui fréquente en ce moment les nombreuses structures de santé de l’Eglise ? Qui compose les associations de promotion féminine et de protection de l’enfant ? Peut-on pour autant les accuser de prosélytisme, ou de sectarisme, dans leur dévouement désintéressé ? Par ailleurs, il faut souligner que l’unique structure financière nationale de l’Eglise (Caurie Micro finance) est pilotée par un musulman très respecté et certainement très respectueux des orientations des Evêques du Sénégal. L’Eglise est presque partout au Sénégal ; savez-vous par contre qu’un «règlement intérieur» lui a interdit le droit de culte dans une cité dite religieuse ? Et dans cette même «circonscription confrérique», savez-vous que le Gamou annuel de Darou Alpha Thiombane compte beaucoup de chrétiens dans ses comités scientifique et d’organisation ; en deux éditions successives, le parrain, l’Evêque de Thiès, y a envoyé des prêtres pour en assurer la conférence principale ! Qu’allez-vous inventer pour décourager mes parentes musulmanes qui viennent spontanément et joyeusement donner un coup de main à leurs sœurs chrétiennes lors des fêtes ou des funérailles ? Sauf exception, on ne peut immoler une bête, dans mon village à moi, sans solliciter un couteau musulman !
Un militaire très taquin suggère à ces pourfendeurs d’exiger le port du voile dans l’Armée et dans les corps paramilitaires… un autre débat. Des écoles ayant pignon sur rue, ce n’est un secret pour personne, n’admettent pas des élèves catholiques, et cela ne choque personne et cela ne dérange nullement la conception orientée de la laïcité. Faut-il continuer à se voiler la face ?
Un compromis a été trouvé in extremis entre Ste Jeanne d‘Arc et le ministère de l’Education nationale ; les élèves concernées par cette mesure ont rejoint leur cher établissement, tant mieux si tout le monde y trouve son compte et c’est ce que l’on souhaite conformément à la tradition de dialogue dans ce pays. Que l’on ne nous entraîne pas dans un combat qui n’est pas le nôtre ! Nous avons bien d’autres défis à relever, ensemble. Qu’on me permette d’en citer un : fermer cette scandaleuse école de la rue, réservée aux enfants des autres ! Alors, gare à l’hypocrisie, à la duplicité, à la manipulation et aux desseins non avoués !!!
Albert FAYE
Thiès
palodial59@gmail.com