En cette période hivernale au cours de laquelle une épidémie de grippe et une chaleur étouffante se conjuguent aux inondations, les accidents et évènements étranges de toutes sortes font le lit d’un chaos de la pensée et donnent aux bonimenteurs et autres prêcheurs en eaux troubles, l’occasion de s’épancher en digressions malfaisantes. Sur tout. Sur rien. Faut-il s’en réjouir, la star de l’été, Ndiaye Dragon et son tube « l’anaconda siffleur » auront placé la barre suffisamment haute pour réduire au silence les imaginations les plus fertiles…Que dire des assauts devenus quotidiens du vice sur les citadelles de la vertu ? Jusqu’au Saint Coran qui trouve de nouveaux exégètes ? Ne suivez pas mon regard… A un point tel qu’il est devenu évident que « le silence est d’or… »
Au sortir donc de ces mois éprouvants, endeuillés par la disparition de personnalités phares de notre pays, on en finissait plus de désespérer. Et pour couronner le tout, on dirait que les nouvelles ne sont « dignes d’intérêt » et médiatisées que lorsqu’elles sont mauvaises ! Alors les médias rivalisent de catastrophisme. C’est à qui trouvera la titraille la plus sanglante. Ou alors la plus obscène. Ou les deux à la fois.
Et c’est sur fond de ce tableau apocalyptique qu’un nouvel espoir cherche son chemin : voici, surgit du profond désir de notre peuple un joyau architectural dédié à la magnificence du seul créateur Allah, maitre de l’univers : Massalikoul Jinaan ou les « chemins du Paradis », titre d’une œuvre magistrale du fondateur du Mouridisme Cheikh Ahmadou Bamba (RTA) et désormais dénomination de « la plus grande mosquée d’Afrique », selon de nombreux témoignages. Au cœur de notre capitale, la communauté spirituelle musulmane que Serigne Touba a fondée, et qu’il inspire, a construit, à la sueur du front de ses adeptes et de leurs moyens financiers, Massalikoul Jinaan. Une œuvre de foi destinée à nous rappeler que « les chemins du Paradis » sont pavés par les prosternations des croyants. Ce joyau au cœur de la capitale sénégalaise, s’impose comme une nouvelle illustration de l’engagement et de la détermination de la communauté mouride. En sept ans, la mobilisation des moyens humains, matériels et financiers aura démontré, encore une fois, que rien n’est impossible à une communauté soudée, disciplinée et allant dans une seule et même direction. Un message à méditer, et dont il va falloir s’inspirer entre autres, pour trouver les voies d’un développement endogène affranchi de la tyrannie de la dette extérieure qui n’en finit pas de prospérer.
À l’occasion de l’inauguration de cet édifice somptueux, s’invite un événement qui n’est pas anodin : les retrouvailles entre le président Macky Sall et son prédécesseur le président Abdoulaye Wade sous la houlette, et avec la bénédiction de Serigne Mountakha Mbacke. Wade et Sall, deux hommes que rien n’aurait dû séparer. Humainement parlant. Mais il paraît que la politique a ses raisons que la raison ignore… N’en parlons plus ! Essayons plutôt de fonder sur ces prémisses le socle d’une concorde nationale à la hauteur du défi relevé par les bâtisseurs de Massalikoul Jinaan ! Sachons voir plus loin que nos egos et, par-delà nos vies respectives, essayons de mettre en perspective la durabilité de notre Nation. La survie de nos descendants. Pauvres mortels, sachons lire entre les lignes…
Et voilà que s’ouvrent les portes de Rebeuss devant le député maire Khalifa Ababacar Sall… Prières d’une mère et d’une famille exaucées, engagements militants récompensés, victoire de la raison sur les passions ? Tout cela à la fois ! En plus de l’ardent désir populaire…Les chemins du Paradis seraient-ils aussi pavés de pardon et de repentir ? Pour l’heure, réjouissons-nous sans limites de la joie d’un homme qui retrouve les siens. Le reste ne sera toujours que le reste !
Et c’est là que me prend une forte envie de fermer les yeux et de rêver… Aux portes du troisième âge, je rêve pour mes enfants et…petits-enfants (!) d’un pays apaisé, laborieux, tourné vers le plein épanouissement spirituel, intellectuel et moral de ses habitants. Pour nourrir ce rêve, une génération d’hommes et de femmes doit nécessairement donner un coup de barre décisif pour changer tout ce qui mérite de l’être. Et d’abord refonder l’État postcolonial qui est, manifestement, gangrené ! Il est corrompu et corrupteur. Permissif envers ceux qui le dirigent et impitoyable à l’endroit de ceux qui s’y opposent. Il faut donc reconfigurer les institutions et les réconcilier avec la nation. Autrement dit, il ne faut pas imposer au peuple le legs culturel et intellectuel en politique de plus trois siècles de malentendus avec la France et, de plus en plus avec les nouvelles puissances qui veulent participer au partage du gâteau africain. Nous devons nous affranchir de toutes les sortes de tutelles qui, sous le couvert de bien faire, nous confinent dans l’inaction et la paresse intellectuelle. Le préalable à cette révolution culturelle est la prise de conscience de notre place dans l’Histoire. Non pas au point de la réécrire ( !) Vaine entreprise, s’il en est. Car les faits historiques sont intangibles. On peut les relire, éventuellement sous différents points de vues. Mais réécrire l’Histoire… De plus, que de vaines querelles autour de petites histoires de familles au moment où il s’agit de construire et de consolider la concorde nationale. Que de plaies cicatrisées imprudemment rouvertes… Cela valait-il le coût ? Avec tout le respect dû aux éminents rédacteurs des premiers tomes de l’Histoire Générale du Sénégal.
Pour ne pas finir, ce que doit nous inspirer Massalikoul Jinaan, c’est la force de la foi et l’importance de la confiance. L’une se nourrissant de l’autre. La foi est entendu ici comme l’absence de doute quant au but poursuivi. La confiance est l’aptitude à le poursuivre les yeux fermés. Le but étant d’abord et surtout la certitude de bien agir à tout instant. On m’a raconté, entre autres moyens de mobilisation de ressources au sein de la communauté musulmane mouride l’existence d’une chaîne de solidarité de 1.000.000 (un million) de personnes cotisant chacune 1000 C.F.A (mille francs) par mois. Cela fait un milliard de CFA par mois et douze milliards par an ! Ce fonds aurait, entre autres, financé des appareils de dialyse pour les hôpitaux de Touba. Juste pour illustrer ma conviction selon laquelle nous pouvons inventer des modèles de solidarité tournés vers le développement, en comptant d’abord sur nos propres forces. Nous disposons de compétences pour affiner les modèles et les sécuriser. Le plus dur sera d’y insuffler la foi et la confiance, ce que 60 ans de République à la française n’a pu inspirer à la majorité des sénégalais. Bien au contraire. Car le crédo de l’État postcolonial, c’est la contrainte. La force. Et même dans ce cas, il ne devrait pas en abuser pour en rester digne. Pour mériter la confiance et l’honorer. Sinon et en cas de dérives manifeste, la puissance publique devrait être contenue par la balance de la Justice, la force des lois. Mais lorsque celles-ci perdent, à leur tour, la confiance, le rêve vire au cauchemar…
Il ne me reste plus qu’à rouvrir les yeux sur la réalité du Sénégal d’aujourd’hui. Notre pays a besoin d’un véritable « Ndeup » national, au sens d’une véritable introspection sur des sujets de fond, pour exorciser à jamais les démons de la division. Notre génération saura-t-elle, dans un sursaut d’une très grande amplitude, consentir d’énormes sacrifices pour restaurer sens et vigueur à notre commun vouloir de vivre ensemble ? Alors, le rêve redeviendrait possible pour les générations à venir. Nous leur devons au moins cela !