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L’insaisissable Macky Sall

L’insaisissable Macky Sall

Présenté à ses début comme un « président normal », Macky Sall s’est finalement mué en « hyper-président ». En prenant le choix d’assumer seul les conséquences de ses succès comme de ses échecs, le président sénégalais prend un pari risqué, mais qui a le mérite de la clarté. 

Décidément, Macky Sall n’aime rien tant que brouiller les cartes. Le 27 septembre, ses « retrouvailles », ô combien symboliques, avec Abdoulaye Wade, son prédécesseur et ex-mentor devenu meilleur ennemi, lors de l’inauguration de la grande mosquée Massalikoul Djinane, en présence de Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, le khalife général des mourides, avait de quoi surprendre quand on connaît la rancœur éprouvée par Gorgui depuis sa défaite de 2012, et, surtout, l’incarcération en 2013 de Karim, son fils, gracié en 2016. Devant ces images, certains ont dû avaler leur chapelet !

Surprise du chef

Le 29, dans la foulée, on est tombé des nues en apprenant la grâce – à ne surtout pas confondre avec une amnistie – accordée à Khalifa Sall, puis sa libération immédiate. Condamné à cinq ans de détention pour détournements de fonds publics, l’ancien maire de Dakar venait de passer deux ans et demi à Rebeuss, la célèbre prison centrale de la capitale…

En réalité, il y a longtemps – bien avant sa réélection pour un dernier mandat – que Macky Sall songeait à cette pacification générale, sur fond de dialogue national, de la scène politique sénégalaise. Ils étaient pourtant bien peu nombreux à être dans la confidence. Une nouvelle surprise du chef, en somme.

Déjà, en avril dernier, la cérémonie de son investiture à peine achevée, il avait pris tout le monde à contre-pied en nommant un gouvernement réduit à trente-deux ministres, remerciant du même coup une vingtaine de membres de son ancienne équipe, sanctionnés en raison de leur inefficacité ou de leurs frasques.

Seize petits nouveaux, venus pour la plupart de grandes entreprises publiques ou de diverses institutions, avaient été lancés dans le grand bain. Le président avait aussi zappé les ralliés de la dernière heure et contraint les caciques de son entourage à changer de maroquin, histoire, sans doute, de leur éviter de s’encroûter.

L’opération chamboule-tout ne s’est pas arrêtée là. Peu de temps après, la suppression du poste de Premier ministre a fait l’effet d’une bombe. Ceux qui rêvaient d’un second mandat « pépère », avec un gouvernement pléthorique pour remercier les uns et les autres de leur soutien et aucune prise de risque politique, en ont été pour leurs frais.

Le « président normal » devenu « hyper-président »

Le chef de l’État a fait tout l’inverse, comme pour obliger ses troupes à consacrer leur énergie à la mise en œuvre des réformes qu’il souhaite mener à bien avant 2024. Et pour inciter ceux qui rêvent de prendre sa place à mettre leurs ambitions en sourdine.

Il était présenté à ses débuts, à l’instar de François Hollande, comme un « président normal », par opposition à Wade. Et voilà qu’il s’est mué en « hyper-président », maître du jeu et des horloges, qui entend gérer le Sénégal à sa guise, ne rendre de comptes qu’à ses concitoyens, et éviter soigneusement les « goulets d’étranglement », les polémiques ou autres petits calculs politiciens. Il a fait le choix d’assumer seul les conséquences de ses succès comme de ses échecs. Le pari est risqué, mais au moins les choses sont-elles claires. Appréciable nouveauté au pays de la Teranga…

La prochaine présidentielle est encore loin. Trop, pour se hasarder à de quelconques spéculations sur la succession de Macky Sall. Dans son camp, tout le monde a compris la consigne et personne n’ose afficher ses ambitions. Mais une chose est sûre : « Macky » n’a pas encore fait son choix, preuve qu’aucun postulant ne sort du lot.

Le test des législatives

Dans l’opposition, il faudra évidemment compter avec l’inusable Idrissa Seck, qui a réalisé sa meilleure performance en 2019 (plus de 20 % des voix), mais aussi avec le surprenant Ousmane Sonko (15,6 %). Pour l’instant, ni Karim Wade ni Khalifa Sall ne peuvent être candidats en raison de leurs ennuis judiciaires. Mais ils n’ont pas pour autant disparu d’un paysage appelé à évoluer, notamment quand il s’agira pour le Parti socialiste de se choisir un nouveau chef et, peut-être, un nouveau cap, après le décès d’Ousmane Tanor Dieng…

Prochaine étape – et prochain test : les législatives de 2022. D’ici là, Macky Sall et son gouvernement auront tout loisir de se consacrer à leur mission essentielle : répondre aux nombreuses attentes de leurs concitoyens. Et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle.

Marwane Ben Yahmed est directeur de publication de Jeune Afrique.







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