690 milliards de F Cfa. C’est le montant représentant le volume du stock des créances en souffrance pour le système bancaire sénégalais à fin juin 2019. Ce chiffre qui représente 13,6% des encours de crédits à l’économie a été révélé, la semaine dernière, par le directeur national de la Bceao, Ahmadou Al AminouLô, lors de la réunion trimestrielle avec l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Sénégal (Apbef). Le non recouvrement de cette importante somme due au système bancaire et qui suit une tendance haussière ces dernières années appelle à une grille de lectures. La première consisterait à analyser les facteurs explicatifs qui pourraient être à l’origine de cette situation pénible pour le système bancaire sénégalais. En termes clairs, pourquoi les emprunteurs (entreprises et particuliers) ne remboursent pas les crédits à date échue à leurs créanciers ?
Sous nos cieux, il est devenu fréquent de voir nos entreprises (non financières), notamment les Pme, se plaindre des difficultés financières qui les empêchent de s’acquitter convenablement de leurs dettes vis-à-vis de leurs prêteurs ou d’être à jour de leurs remboursements. D’autres, plus touchées, mettent tout simplement la clé sous le paillasson et se plongent dans une situation de défaut de paiement. Loin d’être à l’abri de cette situation, les autres agents économiques tels que les ménages (particuliers) font face également à des difficultés pour assurer leur solvabilité. Pour cette catégorie d’emprunteurs, leurs incapacités à honorer leurs engagements résulte, pour la plupart, d’une mauvaise gestion des avoirs, d’une absence de planification, d’un détournement d’objectif des fonds empruntés. Bien évidemment, les prêteurs (banques et établissements financiers) ont, aussi, une part de responsabilité. Ces créanciers avaient-ils pris la peine d’évaluer et de cerner tous les types de risques de leurs clients avant l’octroi de crédits ? Ces derniers bénéficiaient-ils d’un accompagnement dans la mise en œuvre de leur business-plan ? Autant d’interrogations qui interpellent le système bancaire.
L’autre lecture que nous pourrons faire est que ces 690 milliards de FCfa de créances en souffrance poussent à s’interroger sur l’efficacité et la pertinence des Bureaux d’informations sur le crédit (Bic) qui étaient censés réduire l’asymétrie d’information sur la solvabilité des emprunteurs. Dans les normes, nous devions noter une baisse du niveau des créances en souffrance après la mise en service de ces Bic, d’autant qu’ils devaient participer à prévenir le risque de crédits d’impayés. L’une des vocations de ces bureaux était d’aider les établissements du système bancaire à étudier la solvabilité de leurs clients avant l’octroi de tous les types de crédit. En dépit de la mise en place de ces Bic, les créances en souffrance continuent d’augmenter. D’où la nécessité d’évaluer leurs actions dans l’environnement bancaire. Le montant des créances en souffrance avancé par la Direction nationale de la Bceao peut paraître insignifiant au regard du total bilan du système bancaire sénégalais qui s’est établi, à fin juin 2019, à 7378,7 milliards contre 7249,8 milliards de FCfa en décembre 2018, soit une progression semestrielle de 1,3 %.
Mais, ces crédits impayés ne font que réduire les marges des banques dans leurs missions de contribuer au financement de l’économie à travers les crédits accordés au secteur privé. Afin d’accroître le stock de l’épargne locale dans le financement de l’activité économique et d’instituer un portefeuille de clients sains, crédibles et solvables, les acteurs institutionnels (Bceao et Apbef) doivent trouver des solutions à l’équation des créances en souffrance. D’abord, il est important de privilégier la sensibilisation auprès des emprunteurs pour des règlements à l’amiable. A ce titre, l’Observatoire de la qualité des services financiers (Oqsf), qui joue un rôle déterminant dans la médiation entre les banques et les clients, doit être mis à contribution. L’étape judiciaire n’est pas àécarter avec l’apport des tribunaux des grandes instances et ceux de commerce. Que l’Etat puisse honorer ses engagements, dans les délais, vis-à-vis des entreprises. Du côté des banques, elles doivent se doter d’outils plus précis et sophistiqués d’analyse de risques avant d’accorder de crédit. Un accompagnement de leur part au profit des entreprises dans la réalisation de leurs projets ne fera que renforcer la viabilité économique et financière des projets.