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Deal Au Sommet De La RÉpublique

En politique, le même scénario se répète toujours avec la rigueur d’une intrigue tragique. L’ami, le frère, le fils ou le fidèle, au gré de ses intérêts, révèle doucement ou brutalement sa fourberie et sa perfidie. Ainsi les retrouvailles entre les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, après moult années de brouille, ne constituent point une surprise si l’on sait qu’en politique on est toujours ballotté dans le cycle éternel des ruptures et des sutures sur fond de deal.

« Il ne faut jamais dire jamais». Cet aphorisme de Napoléon III est devenu une vérité absolue dans le champ politique sénégalais. L’histoire politique nationale, comme d’ailleurs celle de plusieurs autres nations, est faite de fractures, de ruptures, de sutures, de rabibochages et de replâtrages. Elle est caractérisée par des virages à 180 degrés et des retournements de situation spectaculaires. Et les remariages en fonction des intérêts des uns et des autres deviennent la règle en politique sénégalaise.

Un marché de dupes

Samedi dernier 12 octobre, l’ancien président Abdoulaye Wade a rendu une visite de courtoisie à Macky Sall au palais de la République dans l’optique d’effacer toutes les brouilles du passé et de sceller une fraternité politique. Après plus d’une décennie de tensions, de haines, de rancœurs, de ressentiments, d’esprits vindicatifs, place au rapprochement, au réchauffement et, éventuellement, à la réconciliation entre frères (libéraux) ennemis. Dès lors, les discours lénifiants éclipsent les diatribes, les dénigrements et les rhétoriques guerrières entre les deux présidents.

Désormais, ils se passent la brosse à reluire et se caressent mutuellement dans sens du poil. Après l’embrasement, place aux embrassements. C’est l’heure des bisounours. Nos deux présidents ne nagent plus dans le bain bouillonnant des animosités. Ils ont signé un armistice, un cessez-le-feu. Suspendues les hostilités, les attaques félonnes, les castagnes et le pancrace dans l’obscurité ! Le père fouettard et le fils rebelle se parlent et s’embrassent enfin. Le désir tenace de faire la paix l’emporte sur les egos surdimensionnés, l’envie vengeresse fait place à la mansuétude calculée et l’amour paternel ou filial triomphe de la haine mortifère. Les pathologies honnies et bannies d’hier deviennent des vertus bénies et abonnies aujourd’hui. Ces retrouvailles qui préfigurent une réconciliation postiche entre frères ennemis libéraux qui se vouaient une haine mortelle, il y a quelques années, démontre qu’au Sénégal, en politique, tout est possible. Les relations entre Wade et Macky s’étaient tellement exacerbées qu’on croyait que jamais les deux caïmans politiques n’allaient plus se baigner dans un même fleuve.

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Aujourd’hui, les occurrences et les postures politiques ont changé. Seul invariant demeure : chacun des deux présidents, l’ancien et l’actuel, essaie de défendre ses intérêts crypto-partisans dans ce marché de dupes. Le Dialogue politique qui a valu à Oumar Sarr sa mise à l’écart du Pds par les deux Wade pour y avoir participé sans leur aval est maintenant le cadre démocratique idéal dans lequel il faut siéger pour apporter sa réflexion féconde. Pourtant en mai dernier, voilà ce que le Pape du Sopi disait à propos dudit dialogue national : « Le Parti démocratique sénégalais informe l’opinion nationale et internationale qu’il ne participera pas à la réunion de démarrage des concertations sur les termes de référence du dialogue politique du chef de l’État du jeudi 09 mai sous la présidence du ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye. Ce dernier est surtout totalement disqualifié pour présider une telle rencontre car il a été le maître d’œuvre de la fraude électorale pour faire gagner son patron Macky Sall. » Ngouille est toujours en poste et probablement il y restera jusqu’à la fin des travaux et très probablement avec son contempteur. Mieux, il a pris part à l’audience que le président Macky Sall a accordée à son prédécesseur ! Et demain Wade lui enverra ses plénipotentiaires pour embrasser le dialogue qu’il rejetait hier. Il ne restera donc plus qu’à acter son adhésion à Bennoo Bokk Yaakaar et son retrait du Front de résistance nationale.

Wade ingurgite ses vomissures

Les scandales du pétrole, si l’on en croit la version wolof du communiqué conjoint lue par Mayoro Faye porte-parole du Pds, sont devenus curieusement des actes de bonne gouvernance qu’il faut saluer. Il faut souligner que ces propos biaisés de Mayoro Faye, qui n’ont rien à voir avec le texte en français, en disent long sur la mauvaise foi de l’homme-lige de Wade. L’arbitrage vidéo montre qu’en novembre 2014, Wade accusait sans aménités Aliou Sall, frère de Macky en ces termes : « Aliou Sall, le jeune frère du chef de l’Etat actuel est un voleur. Macky s’est arrangé pour lui donner 30 % d’une société de recherche et d’exploitation du pétrole des deux sites qui sont celui de Saint-Louis et Cayar où du pétrole a été découvert. Le volume découvert estimé à 200 milliards Usd, Macky Sall en a donc donné 60 à son frère.

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 Ce dernier peut vendre ses actions à l’amiable et mettre l’argent dans ses poches. C’est un cas de vol de ressources publiques qui étaient conservées dans un magasin, le sous-sol de notre pays. C’est un voleur, nous demandons que les 30 % détenus indûment par Aliou Sall soient transférés à l’Etat qui aura ainsi 40 % au lieu de 10 %. Il faut enclencher des poursuites pénales contre Aliou Sall… » Certainement qu’Aliou Sall que Wade traitait de voleur de milliards sera bientôt le Monsieur propre, le symbole de la transparence et de la bonne gouvernance.

Et Macky Sall, l’esclave Maccube anthropophage sera ce descendant guerrier de la lignée des Sebbe. Voilà la République du Sénégal avec son système pourri et corrompu où les politiciens du système se jouent de la naïveté des Sénégalais pour continuer à se relayer au pouvoir en étant loin des préoccupations du peuple ! Au-delà du vernis de cette fraternité retrouvée entre Wade et Macky, il faut entrevoir dans leurs retrouvailles un stratagème politique qui consiste, pour les deux leaders, à montrer aux yeux de Serigne Mountakha, architecte de leurs retrouvailles, et des Sénégalais, la sincérité de leur remariage après un divorce douloureux de plusieurs années. Il s’agit de se donner ostensiblement une main chaude de fer dans un gant de velours, des baisers de Judas, de montrer que la guerre est finie entre clans et que désormais seule la paix doit prévaloir.

Rien que du saupoudrage ! Le jeu caché de Wade en s’accointant avec son pire ennemi de cette décennie passée vise seulement à se donner les moyens d’obtenir l’amnistie de son fils et légataire de son entreprise et patrimoine politique, le PDS. Au diable, l’éthique, le coût politique, les chemins sinueux et les scénarii empruntés ! Pour Macky Sall aussi, il faut pêcher et anesthésier ce gros requin de l’opposition qu’est Wade au moment où les alliés de Bennoo ne pèsent plus lourd électoralement et casser la dynamique de l’opposition renforcée par le leader de Taxawu Dakar, Khalifa Sall. Force est de reconnaitre, aujourd’hui que le vieux briscard Abdoulaye Wade a réussi sa stratégie politique.

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 Pendant toute la durée de la brouille, ce vieux briscard a toujours multiplié les effets de manches et fait de la communication d’enfumage politique dans le Front de résistance nationale qu’il a porté sur les fonts baptismaux pour poursuivre son combat politique avec les autres opposants. Ce, aux fins d’imposer à Macky un deal éventuel sous la houlette et l’homologation naïve des chefs religieux devenus malheureusement, et sans le vouloir, des institutions politiques. Il a fait croire qu’il restait à tort ou à raison le pilier et le patriarche de cette opposition autour de qui tout tourne.

D’ailleurs, il s’est toujours ingénié de façon séquentielle à recevoir médiatiquement les membres de l’opposition à tour de rôle comme pour montrer à Macky Sall que c’est lui le maitre du jeu de cette opposition incendiaire qui l’accule dans les dossiers du pétrole et du gaz. Et par conséquent, il est le seul canal par lequel passer pour tempérer cette ardeur des opposants et même de la société civile politisée. Mais cela a un coût politique. Il faut se retrouver, se réconcilier, tirer dans la même direction, affaiblir l’opposition et amnistier le prince héritier Karim. Wade et Macky sont les deux faces d’une même pièce. Et en politique, « la trahison est une question de date » comme dit Talleyrand et la fraternité débouche graduellement sur la rivalité, l’animosité voire l’assassinat politique. Ces deux Machiavel adoptent les mêmes méthodes en politique. On se ménage aujourd’hui dans l’optique de sortir les couteaux demain. Brutus et Judas n’ont jamais quitté la scène politique, de même que Abel et Caïn.







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