C’est par un tweet que j’ai appris le rappel à Dieu du professeur Boubakar Ly, surnommé le père de la sociologie de l’UCAD. Je m’incline humblement devant sa mémoire. En guise d’hommage, je voudrais juste, sans commentaire, partager ces quelques extraits issus de la conclusion générale de son livre : « La morale de l’honneur dans les sociétés wolof et halpulaar traditionnelles. Tome 2 Ed l’harmattan ».
Ci-dessous, les extraits :
« L’homme d’honneur a beaucoup de respect pour lui-même. Le sentiment qu’il a de sa dignité personnelle est puissant. Il craint par-dessus tout la honte (…)
Il a beaucoup de pudeur personnelle. Il évite tout ce qui peut révéler ce qu’il a de plus intime, sa personne ou ses sentiments. Il a honte de tout ce qui le « dévoile » (…)
Il est d’un courage à toute épreuve. Dans la vie quotidienne, comme dans les « temps forts » de la vie sociale (guerre, par exemple), il ne manifeste aucune faiblesse. La lâcheté, l’abandon de ses responsabilités dans la vie de tous les jours, sont de grandes hontes. Il doit affronter toutes les épreuves, aussi bien naturelles qu’historiques et sociales, avec courage. Il ne se livre à aucun acte avilissant. Il est d’une honnêteté sans faille. Il ne vole pas ; il ne ment pas. Ces deux actes sont réellement indignes de l’homme d’honneur. Il respecte, en toute circonstance, la parole donnée (…)
Il est loyal et accomplit, comme il se doit, toutes ses obligations sociales (…) Il participe à tous les réseaux de solidarité sociale (…)
Il est d’une grande discrétion. Il sait tenir sa langue et il ne va pas là où il n’a pas besoin d’aller. Il ne se mêle pas de ce qui ne le regarde pas. Il est franc et a horreur de l’hypocrisie. Il ne médit, ni ne calomnie. La médisance et la calomnie sont véritablement indigne de l’homme d’honneur (…)
Il est modeste socialement et personnellement. Il « se connaît » et ne dit ou ne fait que ce qu’il peut dire ou faire. Il ne « s’oublie jamais. » (…)
L’homme d’honneur est digne. Toute sa personne reflète cette dignité. Ses attitudes et ses conduites sont mesurées. Son extérieur est majestueux et imposant. Ses gestes sont mesurés et dépourvus de toute gratuité. Sa démarche est d’une lenteur digne. La douceur prédomine sur la hâte et la précipitation, dans tous ses attitudes et comportements (…)
Il a beaucoup de sang-froid. Il ne «sort jamais de lui.» Dans la vie, face à l’adversité et au malheur, comme au bonheur, il conserve son sang -froid et adopte toujours une attitude mesurée. Il sait maîtriser ses sentiments. Il ne s’emporte jamais ; il en aurait honte.
Il est circonspect et ne se « livre » jamais d’emblée. Ses jugements, ses paroles et se actes sont mesurés et jamais gratuits. Il ne se prononce jamais à la légère. Tout chez lui est mûrement réfléchi (…)
Il « connaît la vie » : sa perspicacité lui permet de se guider et de guider dans la vie. Il sait parler quand il faut et dire ce qu’il faut dire. Il sait comment dire les choses, c’est pourquoi il est subtil et utilise souvent un langage symbolique. Sa sagesse se manifeste par des « paroles profondes » (…)
L’homme d’honneur « connaît véritablement la vie ».Sa « connaissance de la vie » le guide dans ses relations avec autrui (…)
Il considère autrui comme un égal en honneur (…)
Il attend de lui qu’à son tour, il le respecte comme on doit respecter son « égal » social et/ou en honnêteté. Il ne lui fait rien qui puisse lui permettre d’être l’objet d’un manque de respect de la part de cet égal (…)
Il considère autrui comme lui-même, c’est-à-dire comme un homme d’honneur et en tant que tel il le respecte et agit avec lui comme on doit agir avec un homme qui se respecte et qui, de ce fait même, est respecté (…)
L’homme d’honneur, par respect pour autrui, ne lui fait jamais de tort (…) Par contre, il sait faire preuve de très grande patience et de magnanimité en fermant les yeux sur beaucoup de torts qui lui sont faits (…)
Il a le respect de la personnalité d’autrui. Son respect pour autrui est aussi un respect pudique. Il a « honte » d’autrui. Il ne dit rien de désagréable à entendre en sa présence. Il n’injurie pas. Il sait, par respect pour autrui, utiliser un langage d’évitement. Il est délicat et plein de tact. Il sait employer les belles paroles qui masquent le réalisme de certaines situations. Il sait comment témoigner de la déférence à quelqu’un dans les moindres actes de la vie. Il fait toujours triompher dans ses rapports sociaux la beauté sociale (préférence accordée à un mensonge nécessaire par beauté plutôt qu’à la vérité, par exemple). L’homme d’honneur, par respect pour autrui, fait preuve de diplomatie (…)
Il évite toujours par pudeur d’acculer un individu. Il fait tout pour éviter de déconsidérer autrui. En aucun cas, il n’humiliera quelqu’un. Il n’a que respect. Il honore toujours autrui comme il se doit. »