Les manquements remarqués sur le volume I, Tome III, qui traite la période de 1817 à 1914, de l’histoire générale du Sénégal de l’origine à nos jours, ont suscité un tollé plus ou moins compréhensible au niveau des foyens religieux du Sénégal. Malheureusement, les réactions de certains responsables de ces familles relatives à ces erreurs ne sont pas appropriées ; elles sont souvent émotionnelles, démesurées et inattendues. Quelques réactions ne sont que des injures, des calomnies et des menaces de mort, sans apporter de réponses correctives et scientifiques par rapport à l’erreur commise.
La polémique est axée sur cinq points :
1. Les relations Talibé – Serigne qui existeraient entre les deux pôles de la Tidjania au Sénégal ; El Hadji Abdoulaye Niasse (1838-1922) et El Hadji Malick Sy (1855- 1922).
2. La considération manifestée par le nombre de pages consacrées à la famille ne correspond pas à sa dimension comme le cas de la famille Ndiéguine de Thiès et de la famille Seck de Thiénéba.
3. La confusion sur les dates comme le soulignent les Layènnes en précisant que Limamoulaye est plus âgé que Cheikh Ahmadou Bamba car il est bel est bien né en1843 par contre le second est né en1853.
4. Le manque de précision sur des faits historiques : c’est le cas de Ndiassane, de Touba qui conteste le fait de dire que ‘’Mame Mor Anta Saly n’avait pas le temps d’enseigner‘’et la communauté Sérère de Fatick qui s’indigne de quelques passages réservés à son histoire.
5. Les erreurs d’appréciation sur la posture du Cheikh comme l’ont fait remarquer les Layennes sur le fait que Limamoulaye soit traité comme un Marabout et non un homme investi de mission prophétique.
Tous ces problèmes sont inhérents et récurrents à l’écriture de l’histoire basée sur la source orale dont les versions sont souvent contradictoires. Ils proviendraient du fait de vouloir trop chercher à apporter du nouveau sur notre histoire par rapport à l’histoire coloniale. Ces erreurs peuvent être liées également au fait que l’histoire est un rapport de force dans lequel chaque partie s’émeut pour s’imposer mais c’est toujours le plus puissant qui domine.
Pour régler la contestation de la famille niassène réfutant sa subordination à la famille Sy qui revendique la paternité de la transmission du Wird Tidjâne sur les autres familles excepté celle omarienne, les historiens ne devraient pas se laisser emporter par ces querelles. La Tarikha Tidjâne est bien structurée, ce qui fait que la transmission des Lidjâsa se fait de manière scientifique et établit les rapports entre le Talibé et son Serigne.
Le maître autorisé à initier et à transmettre le Lidjâsa délivre une attestation sur laquelle on mentionne sa chaîne de transmission ‘’son Sil Sila’’ jusqu’à lui et argument scientifique est suffisant pour confirmer ou infirmer l’appartenance d’El Hadji Abdoulaye Niasse et El Hadji Amadou Sakhir Ndiéguêne (1890- 1997), premier khalife du Tafsir Ahmadou Barro Ndiéguène (1825-1936), à l’école d’El Hadji Malick Sy, comme disciples.
À partir de cela, il ne faut pas se livrer à des polémiques stériles sur le rapport entre ces deux Cheikhs car si l’un est le maître de l’autre on doit le prouver de manière scientifique en présentant une attestation de la chaine d’autorisation de transmission (lidjâsa) qui élève l’initié à la station de Moukhadam. Nous savons qu’El Hadji Abdoulaye Niass et El Hadji Malick SY ont été initiés à la Tidjânia par leurs oncles maternels respectifs : Ibrahima Thiam Kèlelle pour le premier et Alpha Mayor pour le second, la chaine d’autorisation de transmission des deux oncles remonte au patriarche et précurseur de la Tidjânia en Afrique de l’Ouest, Cheikh El Hadji Oumar El FoutiyouTall (1785-1864).
Les 11 chaines d’autorisation ‘’lidjâsa’’ qu’El Hadji Abdoulaye Niasse a obtenues sont connues mais n’y figure pas Cheikh EL Hadji Malick Sy . En revanche, le nom d’El Hadji Abdoulaye Niasse n’a jamais été mentionné sur la liste des Moukhadams d’El Hadji Malick Sy éparpillés partout au Sénégal et dans la sous région. .
Cheikh El Hadji Malick écrit « Ma silsila (chaîne d’initiation) passe par Mayoro, l’homme au noble caractère, par notre maître Umar, réputé pour sa générosité par mon maître al-Ghâlî, par le Sceau de la Sainteté (khatm alniẓâm)Abû al-‘Abbas [16] le maître de tous les grands saints» . » Il ressort de cette polémique la nécessité d’organiser un colloque national sur la Tarikha Tidjania au Sénégal pour rétablir la vérité et éclairer la lanterne des Sénégalais avec des preuves scientifiques. En vérité il n’y a aucune preuve scientifique ou historique qui étaie l’hypothèse de l’appartenance d’El Hadji Abdoulaye Niasse à l’école de Maodo ni l’apprentissage de ce dernier par le premier
. Le fameux voyage d’El Hadji Abdoulaye Niasse au mausolée de Cheikh Ahmed Tidjani Cherif à Fès, Maroc, en 1911, ne doit pas être une source de polémique entre les familles Niasse et Sy si on veut vraiment préserver la cohésion nationale et raffermir la fraternité qui existait entre les deux Hommes. Ces deux saints Hommes étaient des frères en islam, des amis, des confidents, chacun complète l’autre. Ils entretenaient des relations affectueuses. Ils partageaient la responsabilité de défendre l’islam, de diffuser la Tarikha Tidjania, de vulgariser le savoir et la connaissance, de protéger les Sénégalais en leur inculquant l’éducation religieuse, solide et morale pour qu’ils vivent en commun, en paix, dans un respect mutuel, et éviter l’orgueil, la surenchère confrérique, familiale ou ethnique comme source de subsistance.
Des sources écrites et des faits historiques sont à explorer positivement pour rétablir la vérité. Cheikhal Islam El Hadji Ibrahima Niasse (1900-1975) a relaté cette relation de complicité devant un parterre de Marabouts venus assister à l’ouverture de la Zaouiya de son père El Hadji Abdoulaye Niasse à Léona Niassène, Kaolack. Étaient présents Cheikh Abdoul Aziz Sy (1904-1997), Thierno MountagaTall (1914-2007). Les deux saints Hommes ont échangé des poèmes et des paroles pleines de civilité, de tendresse, d’amour, de noblesse lors du séjour de Cheikh El Hadji Abdoulaye Niasse à Tivaouane pour remettre ce qu’Ahmed Soukeyridji lui avait confié pour El Hadji Malick Sy . Compte tenu de cette relation particulière, Cheikhal Islam avait demandé à Cheikh Abdoul Aziz Sy Dabakh de diriger la prière mortuaire de son petit frère Baye Mbaye Niasse (1905-1973), décédé le 8 juillet 1973, à keur Madiabel.
Pour magnifier l’amitié et la fraternité qui existent entre les deux familles, Cheikh Abdoul Aziz SY Dabakh a été invité à la cérémonie de récital du Coran de Cheikh Mouhamed Mahi Niass, fils de Cheikhal islam, en 1950-51. Cheikh Ahmed Tidjane Sy Al Maktoum (2017) jouissait d’une grande estime auprès de la famille Niassène, lui-même a raconté qu’il avait un problème de mémorisation du saint Coran à cause de la similarité de certains mots mais que ce problème a été résolu par Baye Niasse alors qu’il était chez son oncle El Hadji Hamid Kane.
LA DIFFÉRENCE D’ÉCOLE ENTRE LES DEUX CHEIKHS
L’école est le lieu d’apprentissage, qu’il soit un édifice, en plein air ou un abri provisoire. Comme elle peut signifier également une école de pensée. Dire qu’El Hadji Aboulaye Niasse appartient à l’école de Maodo montre la méconnaissance totale de l’approche des deux Hommes. El Hadji Abdoulaye Niasse avait accompagné son père Mouhamed Niasse et son oncle Ibrahima Thiam Kèlelle du Djolof pour répondre à l’appel que l’Imam Maba Diakhou Bâ (1809-1867) avait adressé aux érudits pour l’aider dans son Djihad. Mame El Hadji Abdoulaye était un résistant hors pair qui a participé à plusieurs guerres saintes menées par Maba et ses successeurs alors que Cheikh El Hadji Malick Sy n’a jamais utilisé cette voie pour propager l’islam. Les deux Cheikhs partagent le premier sens de l’école de par leurs Zaouias et cours de leurs maisons, mais sont différents du second bien qu’il appartient à la confrérie Tidjâne.
LA DIFFÉRENCE D’APPROCHE ENTRE LES DEUX CHEIKHS
Le milieu social a influencé la personnalité des deux hommes et leurs approches dans le prêche de l’Islam. El Hadji Abdoulaye Niasse qui a vécu dans la campagne au Djolof, au Saloum puis en Gambie était plus dur, plus radical et moins réconciliant avec les autorités coloniales. C’est pourquoi, il s’est exilé en Gambie pendant près de 11 ans en refusant d’inscrire son fils aîné Mouhamed Khalifa dans l’école française et en s’éloignant de toute influence française. Cheikh El Hadji Malick Sy qui a vécu en milieu urbain à Saint-Louis de1880 à 1886 et de 1891 à 1895, alors capitale de l’AOF était plus intelligent que tous les marabouts de son époque. Il était plus réconciliant avec les autorités coloniales, pas pour soumission à leur ordre mais pour créer un climat de confiance et de compréhension réciproque qui lui permettra de réussir sa mission. L’élégie que Cheikh Mbacké Bousso avait composée à l’endroit de ces deux Hommes étaie cette parole. Il a dit : Incroyable Malick qui revivifie la Sounna éclatante, aide les étrangers, les démunis et les orphelins. Mais, il n’y a pas un lion qui repait comme Abdoulaye, le jour de guerre, qui se bat en héros et qui attaque son ennemi . Il ne faut pas occulter l’œuvre monumentale que nos guides religieux ont réalisée pendant l’occupation coloniale et l’indépendance par ces genres de comportements irresponsables voire même honteux émanant du guide religieux qui est censé donner des leçons de morale. Les autres erreurs sont moins graves et plus faciles à rectifier.
La famille qui trouve que le nombre de pages qui lui est consacré ne correspond pas à sa dimension, sa réputation et sa représentation nationale, est tenue de fournir plus d’informations au comité de pilotage du projet sans tambour ni trompète. Il faut signaler que dans un travail scientifique collégial, il faut éviter de personnaliser le débat ou d’incriminer l’un ou l’autre comme le subit actuellement l’initiateur et le coordonnateur principal du projet, Professeur Iba Der Thiam. Il me semble que la position de la commission scientifique de Ndiassane est plus salutaire. Elle fait remarquer les erreurs commises sur son texte pour qu’elles soient corrigées tout en appréciant le travail abattu jusqu’à présent.
En revanche, les autres réclament la dissolution du comité de pilotage. Cependant, Ahmed khalifa Niasse, demande de retirer le titre du Khalife général des Tidjâne au Sénégal de la famille Sy au profit de la famille Bâ de Médina Gounas. D’autres demandent la suspension pure et simple du projet. Vu l’importance du projet, j’invite les Sénégalaises et les Sénégalais à plus de retenue et de responsabilité pour préserver l’unité, la paix sociale, la cohésion nationale, la bonne entente ; conditions sine qua none de tout développement. Le Professeur Iba Der, malgré ces erreurs, mérite du respect car c’est lui qui a réhabilité nos figures nationales en rebâtissant les écoles, les lycées en leurs noms. Il a représenté le Sénégal dignement à l’UNESCO et dans la communauté scientifique internationale.
ALERTE
Le Sénégal s’enlise de plus en plus dans la dérive totale, car des chefs religieux remettent en cause le pèlerinage à la Mecque, le cinquième pilier de l’islam, avec ironie comme l’a fait Pape Malick SY, porte-parole du khalife général des Tidianes. Un autre Marabout, Moudou Kara Mbacké Nourayni déclare, sans gêne, qu’il ne sait pas faire l’ablution ni la prière. L’injure publique, la calomnie, l’accusation fortifie, le mensonge, la trahison, l’infidélité, libertinage sont devenues hélas le comportement des Sénégalais.
Dr El Hadji Ibrahima THIAM Chercheur