Depuis l’accession de notre pays à l’indépendance formelle en 1960, l’incapacité de nos autorités politiques à animer un jeu politique sain, basé sur une compétition programmatique et expurgé de toutes sortes de combines de nature juridique et/ou politicienne, a été établie par les politologues.
Mais depuis 2012, ces vices congénitaux attachés à notre processus démocratique se sont aggravés, si bien que nous vivons actuellement une situation surréaliste.
Nous en sommes arrivés à un stade où un haut fonctionnaire, unanimement reconnu comme compétent est défénestré pour avoir simplement osé évoquer l’impossibilité pour l’actuel président de postuler pour un troisième mandat, comme clairement stipulé dans la Constitution. Plus grave, au sein de la méga-coalition Benno Bokk Yakaar, qui n’a ménagé aucun effort, pour faire réélire frauduleusement son candidat lors de la mascarade électorale de février dernier, il est tout simplement interdit d’avoir des ambitions présidentielles.
C’est ce qui pousse des analystes, de plus en plus nombreux à soupçonner le président Macky Sall, de n’avoir pas encore entièrement renoncé à postuler pour un troisième mandat.
Cette hypothèse est d’autant plus plausible, que les partis de la majorité, dont certains avaient annoncé leurs ambitions pour les prochaines présidentielles semblent avoir tourné casaque et vouloir s’inscrire dans la consolidation de leur alliance stratégique, n’écartant même plus une fusion organique. Il est clair, que si ce cas de figure se confirmait, la seule personne capable de fédérer cette mosaïque qu’est Benno Bokk Yakaar risque d’être l’actuel locataire du Palais de l’avenue Senghor. Ayant déclaré forfait depuis longtemps et lorgnant sur les dividendes attendus du pétrole et du gaz, les entrepreneurs politiques de la majorité auraient alors définitivement renoncé à jouer les rôles attendus de leurs partis politiques, à savoir, concourir à l’expression du suffrage universel et conquérir le pouvoir.
Pour ficeler leur affaire, il ne leur resterait plus qu’à invoquer des raisons sécuritaires, la nécessité de préserver nos ressources naturelles ou tous autres prétextes fallacieux.
Une autre anomalie de notre vie politique est le hiatus entre cette volonté proclamée de réconciliation nationale, matérialisée par l’appel au dialogue et surtout les retrouvailles pathétiques entre le père, le fils et un saint homme à Massalikul Djinane et le refus obstiné des hommes du pouvoir de se remettre en cause.
Au niveau du dialogue politique, on ne note aucune concession significative de la majorité pour fiabiliser le processus électoral. Opposant une fin de non-recevoir à l’abrogation de la loi sur le parrainage et à l’adoption du bulletin unique, ils se servent de l’audit du fichier électoral pour réaménager le calendrier électoral à leur guise, comme le prouve le report sine die des prochaines élections locales.
Malgré la poignée de mains de Massalikul Djinane et la grâce accordée à l’ancien maire Khalifa Sall, ce dernier reste encore privé de ses droits civiques, tandis que la vive polémique autour de la réhabilitation de Karim Wade, ayant abouti au limogeage de deux autres hauts fonctionnaires émérites, renseigne sur l’état d’esprit de certains dignitaires de l’APR.
Sans cautionner l’impunité pour les auteurs de détournements de deniers publics, il serait, tout au moins, de bon ton, de procéder à une réévaluation des procès iniques faits à des adversaires politiques triés sur le volet.
Par ailleurs, l’épisode de la commission d’enquête parlementaire sur le scandale des 94 milliards est révélateur de la persistance de cette culture du maatey et de l’impunité garantie aux militants de la mouvance présidentielle, malgré leurs multiples frasques.
En définitive, tout se passe, comme si la détente souhaitée et saluée par la classe maraboutique et l’ensemble de la société ne visait pas un apaisement du climat sociopolitique menacé par une défiance croissante des couches populaires à l’endroit du régime de Macky Sall. Cette décrispation chercherait plutôt à sauver les meubles, au cas où le pouvoir changerait de mains, en 2024.
En effet, après des décennies d’une gouvernance peu vertueuse, tumultueuse et contraire à nos intérêts nationaux bien compris, il semble plutôt s’agir d’écarter toute possibilité d’accession au pouvoir de forces, qui pourraient menacer les intérêts de certains hommes-liges liés au capitalisme mondial.
C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre le projet du pouvoir de Macky Sall de s’attaquer au leader du parti PASTEF, qui de lanceur d’alerte vertueux et héroïque semble devoir être rétrogradé au statut d’accusé principal par une justice aux ordres.
Mais cette dernière bravade risque de sonner le glas d’un régime aux abois, qui, il faut bien le reconnaître, n’a dû, jusque-là, sa survie qu’à sa mainmise sur les institutions de notre pays.