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Dilatoire Au Sommet

Dilatoire Au Sommet

Le flou total entretenu par le chef de l’Etat sur la tenue des prochaines locales, procède d’un dilatoire sur fond de calculs purement politiciens visant tout simplement à régenter l’horloge électorale et républicaine. Ceci, avec la complicité de la classe politique et même de l’opposition sénégalaise engagée dans un interminable dialogue dit politique. 

La sortie, avant-hier, de la société civile sénégalaise sur le flou qui entoure la tenue des prochaines joutes électorales, aura eu le don de sortir le gouvernement de son inertie voulue sur la question. Dans une note lapidaire signée par le ministre de l’Intérieur et largement médiatisée d’ailleurs, Aly Ngouille rend public l’amendement du gouvernement fait sur le projet de loi portant report des élections locales du 1er décembre 2019 et prorogation du mandat des conseillers départementaux et municipaux. L’amendement en question veut ainsi que les élections départementales et municipales prévues le 1er décembre 2019, soient reportées pour être tenues au plus tard le 28 mars 2021.

La tradition du report des Locales

Le dérèglement du calendrier électoral sénégalais ne date pas de l’ère Macky Sall. Depuis 1984, les élec- tions municipales n’ont jamais été tenues à date échue. Que ce soit sous Abdou Diouf, sous Abdoulaye Wade ou sous Macky Sall. Elles ont toujours fait objet de report et, le plus souvent, sur fond de calculs purement politiciens. Mais le phénomène s’est aggravé sous le règne du président Macky Sall. En moins d’un an, les élections départementales et municipales ont été reportées à deux reprises.

Initialement prévues le 23 juin 2019, elles ont été décalées au 1er décembre 2019, avant d’être repoussées, jusqu’à hier, sine die, sous le regard impuissant et parfois complice de la classe politique et même d’une partie importante de l’opposition sénégalaise.

Selon la société civile sénégalaise qui a produit un mémorandum assez fouillé sur la question, l’histoire des reports des élections locales débouche sur un panorama normatif morcelé. “Si le cadre légal s’affirme comme le lieu adéquat de décision pour légitimer les reports, pour autant, il se prête mal à la détermination d’un système démocratique garant du droit de suffrage et de la libre administration des collectivités territoriales’’.

Elle note ainsi que, depuis 35 ans, le calendrier électoral sénégalais n’a pas cessé d’être modifié. Pour preuve, elle souligne qu’en 1984, les élections locales n’ont pas été organisées à la date initialement prévue. Elles ont été reportées qu’après la généralisation des communes de plein exercice. C’est le même phénomène que l’on observe après 1984. Ainsi, les élections qui devaient se tenir en 1995 furent reportées d’un an, à cause de la politique de régionalisation enclenchée. La même logique fut poursuivie après 1996 où les élections devaient se tenir en 2001, mais reportées d’un an, du fait de l’accession du président Abdoulaye Wade à la tête du pouvoir, ainsi que son désir d’expérimenter la provincialisation comme nouvelle forme de décentralisation. Ce qui justifia la tenue des élections en 2002.

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Cette pratique récurrente du report des élections va se poursuivre jusqu’en 2007 où les élections initialement prévues la même année furent reportées deux fois, en 2008 puis en 2009, à cause des contestations post-électorales de l’élection présidentielle de 2007 et le boycott des législatives par l’opposition. Après 2009, les élections furent tenues en 2014, même si un report fut décidé pour une durée de 3 mois. En 2019, dans un contexte quasi-similaire, il y a eu un premier report en décembre 2019, puis un deuxième report sans précédent, puisque non encadré.

Contrairement à toutes ces lois portant report des élections, la situation est un peu particulière, pour cette fois. Car, relève la société civile sénégalaise, le projet de loi n°15/ 2019 portant report des élections prévues le 1er décembre 2019 et prorogation du mandat des conseillers départementaux et municipaux qui doit être soumis à l’Assemblée nationale, ne prévoit pas de date fixe pour l’organisation des prochaines élections locales. La conséquence qui en découle, selon elle, est que ce projet de loi est en totale contradiction avec les dispositions des articles L.232 et L.266 du Code électoral auxquelles il fait référence.

En effet, en vertu de l’article L.232 de la Loi n° 2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral, “les conseillers départementaux sont élus pour 5 ans. Sauf cas de dissolution, les élections départementales ont lieu dans les 30 jours qui précèdent l’expiration de la cinquième année après la date du dernier scrutin de renouvellement général des conseillers départementaux’’. Dans la même dynamique, l’article L.266 du même code précise que “les conseillers municipaux sont élus pour 5 ans. Sauf cas de dissolution, les élections municipales ont lieu dans les 30 jours qui précèdent l’ex- piration de la cinquième année après la date du dernier scrutin de renouvellement général des conseillers municipaux’’.

Dilatoire du président Macky Sall

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Dans un contexte d’incertitude et de flou total sur le calendrier républicain, un troisième report des élections municipales et départementales n’est pas à écarter. Puisque l’amendement fait par le gouvernement, dans ce sens, n’a pas été aussi explicite qu’il en a l’air. Au contraire, elle participe plus à entretenir l’incertitude des acteurs, étant donné qu’il ne définit jusqu’ici aucune date exacte pour la tenue de ces joutes électorales. Cette situation est inédite dans l’histoire politique du pays.

Loin d’être un concours de circonstances, le report abusif des élections locales est toujours une situation provoquée et calculée par le régime. Dans le cas précis du président Macky Sall, le message est assez clair. Organiser ces joutes dans un contexte national sur fond de contestation politique de sa légitimité et surtout marqué par le scandale Petro-Tim remis au goût du jour par une enquête de la chaine britannique Bbc intitulée “Scandale à 10 milliards’’ impliquant le frère du président de la République, Aliou Sall, serait plus que suicidaire pour le régime de Macky Sall. Il fallait donc, pour le chef de l’Etat, trouver des astuces pour repousser au plus loin possible la tenue de ces élections.

Dans ce dessein, le président Sall a inventé une trouvaille toute faite, englobée dans un dialogue dit national dans lequel il a réussi à enrober tout le monde, même le Parti démocratique sénégalais et ses alliés du Front de résistance nationale qui avaient opté, dans un premier temps, pour le boycott.

Dans l’histoire politique du pays, c’est la première fois qu’un dialogue politique dure autant de temps. Le plus cocasse dans ces concertations, c’est que 90 % des questions qui y sont discutées, depuis le démarrage des travaux le 31 mai dernier, ont été réglées lors des concertations préélectorales de 2017. Démarré le 31 mai 2019, le dialogue politique en est aujourd’hui à sa 34e session. Ce dialogue, le plus long depuis les années 1990, selon le président de l’Ong 3D, Moundiaye Cissé, est sûrement le plus mal structuré jusqu’ici. Puisque tous les consensus qui y seront trouvés attendront tranquillement dans les tiroirs du ministère de l’Intérieur.

En effet, pendant que le volet politique du dialogue bat son plein, le président du Comité de pilotage du dialogue national attend toujours d’être installé dans ses fonctions. Nommé le 1er mai dernier, Famara Ibrahima Sagna n’a jusqu’ici aucune marge de manœuvre lui permettant de prendre une quelconque décision ou de jouer pleinement son rôle. Le président de la République, qui doit l’installer dans ses fonctions de président du comité de pilotage du dialogue national, prend toujours son temps, six mois après l’avoir nommé. Résultats des courses : “Des décisions ont déjà été actées par la commission cellulaire, mais le dialogue national qui doit les matérialiser, n’existe pas encore.’’

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C’est, en effet, le dialogue national qui doit prendre en charge l’audit du fichier électoral revendiqué par l’opposition et acté par le dialogue politique. Même si un consensus a été trouvé sur la question, rien ne peut se faire allant dans le sens de le matérialiser, tant que le comité de pilotage n’est pas fonctionnel. Mais cette situation de blocage ne semble guère déranger le chef de l’Etat qui, il faut le rappeler, au fur à mesure que cette situation d’incertitude persiste, gagne du temps.

Arrivera ainsi un moment où les délais seront très courts et où toute la classe politique sénégalaise sera mise devant le fait accompli. Il sera alors obligé d’organiser les Locales et de reporter les Législatives de 2022 qu’il peut même coupler avec la présidentielle de 2024.

La subtilité, dans cette affaire, c’est que le président de la République, qui entretient également le flou sur un éventuel troisième mandat, ne veut pas prendre le risque de perdre l’Assemblée nationale durant son magistère. Son régime est englué dans les scandales notés depuis le début de son deuxième mandat.

Opposition complice

Dans cette situation pas du tout aisée, l’opposition n’est pas indemne de reproche. Soit elle est complice de cette situation créée par le président Macky Sall, soit elle est en train, impuissamment, de laisser faire. Quoi qu’il en soit, le report des élections locales ne semble point lui déplaire. Tout au contraire, il semble faire son affaire. Puisqu’au sortir de la présidentielle du 24 février 2019, bon nombre des partis d’opposition se sont trouvés complètement désargentés et anéantis. La plupart d’entre eux n’ont jusqu’ici pas les moyens financiers d’engager de nouvelles batailles politiques.

Ceci pourrait expliquer la raison pour laquelle ils n’ont pas poursuivi le bras de fer engagé, dès le début, contre l’Etat, pour le respect du calendrier républicain. Tous ou presque tous se sont rangés. Aucun son discordant ne s’échappe du côté de l’opposition, pour s’insurger contre le report des élections locales. 







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