Parler et se faire virer ou se taire et rester dans le rang, ou manoeuvrer sans se faire prendre, tels sont les choix qui s’offrent désormais aux membres de la coalition Benno Bokk Yakkar au pouvoir. Le climat est pesant dans les rangs de la majorité, chacun surveille ses propos et ses arrières.
Le président commettrait-il une faute en interdisant aux membres de sa coalition de sortir du bois et de s’exprimer à propos du troisième mandat, fusse-t-il pour conforter ses dires qu’il n’en briguerait pas un ? Et pourquoi ceux qui en parlent et qui souhaiteraient qu’il en brigue un ne seraient-ils pas sanctionnés au même titre que les autres ?
N’aurait-il pas obtenu une victoire à la Pyrrhus en coupant les têtes de Kaba et de Diakhaté ?
En bannissant toute insurrection dans son camp, force est de constater que le président Sall tue une part d’avenir dans ce pays. Nous, autres citoyens, aimerions voir apparaitre de nouvelles figures politiques au sein de la majorité plurielle. Nous aimerions voir fleurir de nouveaux projets de vie, de nouvelles idées s’affronter et enfin disposer de temps pour jauger les nouvelles politiques que ne manqueraient pas de nous proposer les nouveaux prétendants à la magistrature suprême en 2024.
Face à cette menace présidentielle, il y a ceux qui, nonobstant les ambitions présidentielles qui les habitent, obtempèreront et resteront dans le rang. Ceux là courront le risque de s’enfermer dans des schémas incertains qui les neutraliseraient d’ici 2024. Une élection, ça se prépare. Il faut sillonner le pays, se faire mieux connaitre, proposer des solutions souvent différentes de celles en cours. Cela demande donc du temps. En imposant le silence dans ses rangs, le président brise les élans dans son propre camp et n’y favorise pas l’éclosion naturelle d’un champion qui le remplacerait. Tout porterait ainsi à croire qu’on s’acheminerait vers un candidat qu’il choisirait lui-même dans sa coalition, s’il décidait de ne pas y aller !
Il y a ceux qui passeront outre le message présidentiel et qui verront, de fait, peser sur eux la menace de perdre leur place. C’est le cas de Moustapha Diakhaté. Son éviction était devenue la seule issue possible. Dans un attelage gouvernemental, la parole n’est pas libre. Le grand écart n’était plus tenable. Il eût peut-être mieux valu pour sa grandeur qu’il démissionnât plutôt qu’on le congédiât. Maintenant qu’il peut parler en toute liberté, gageons qu’il ne se taira pas.
Il y a les lieutenants aux dents longues à qui on prête des velléités d’être califes à la place du calife. Ceux-là devront manoeuvrer en eaux troubles. Des clans séditieux vont bientôt naitre. Ils devraient toutefois méditer cette phrase de Benjamin Franklin que “ceux qui abandonnent une liberté essentielle pour acheter un peu de sécurité temporaire, ne méritent ni liberté, ni sécurité”. Bien qu’ils sachent mieux que quiconque qu’on sort de l’ambiguïté à son détriment, il leur faudra choisir et vite, leur camp.
Il y a ceux, nombreux, de la coalition au pouvoir, sans ambitions présidentielles, qui pourront le mieux se conformer à cette injonction présidentielle. En fait, ce mot d’ordre les arrange, ils n’auront pas à choisir entre les factions qui ne manqueraient pas de se former si la compétition était ouverte. Pour ceux-là, leur objectif est ailleurs : Garder leur poste jusqu’en 2024. Ce sont eux qui tenteront de convaincre le président de briguer un troisième mandat pour garder leurs privilèges. Ce furent les mêmes qui, naguère, l’avaient du reste convaincu de requalifier ses 5 ans en 7 ans lors de son premier mandat.
On aurait sans nul doute évité ces imbroglios si on avait dissocié le rôle de président de l’exécutif de celui du président de parti. Cela aurait permis au président de poursuivre tranquillement son mandat et son parti l’APR et sa coalition Benno, de se préparer au grand jour pour faire émerger de ses rangs, un candidat pour 2024. C’est ce que font les grand pays démocrates du monde, et c’est ce que recommandaient les conclusions des Assises Nationales.
Nous, citoyens, restons défiants des promesses politiques. Nous n’avons pas la mémoire courte et nous nous rappelons ce que nous a coûté notre confiance en des paroles déjà entendues et non respectées. C’est la raison principale pour laquelle le débat du troisième mandat prospère malgré les assurances maintes fois réitérées de l’exécutif de ne pas vouloir en briguer un.
La confiance ne règne pas entre les politiques et leurs administrés.
A qui la faute ?