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À FÉlix, Le Grand !

Au Sénégal, certains l’appellent Félix, d’autres Samba Félix. En France, ils connaissent Samba. Je parle du cinéaste, mon ami !

Il y a 25 ans, un certain 18 Octobre, Amet l’ami de tous et mon plus que frère … partait au ciel ! Le 06 Novembre2019, l’institut français a « célébré » les 10 ans de la disparition de Samba Félix Ndiaye. Quand un vieux perd ses béquilles, il a du mal à se déplacer.

Ma génération a eu une chance inouïe d’avoir des « grands », des « petits » , des « jumeaux » et des « bokk mbar ». Félix est mon grand.

Professeur de cinéma à PARIS-VIII –La –Vraie (Vincennes), Félix m’a accueilli dans sa salle de classe, m’a présenté et demandé de raconter mon « Sénégal » … mon « Sénégal audiovisuel » !… je ne sais plus ce que j’ai raconté … Notre relation s’est fortifiée au delà des relations entre nos deux familles.

A l’époque, à « Vincennes », le professeur n’en était pas un, mais une sorte de chercheur qui traquait le sens avec d’autres étudiants d’origines différentes (difficile à faire comprendre aujourd’hui , j’avoue) … mais c’est pas grave. Félix était mon grand.

A Vincennes, mon premier document filmique était ma vision de Paris à partir de diapositives. Ce premier exercice m’a convaincu qu’on peut s’exprimer en images inanimées … Et quelques années plus tard, dans la cour de la Roulotte, on a crée une agence de photos, «MBAYE -NDIAYE» qui n’a sorti qu’un seul recueil, didactique, intitulé « l’eau c’est la vie » commandité par l’Unicef.

Dans mes années parisiennes difficiles, Félix m’a ouvert sa maison, a partagé ses repas avec moi, et m’a ouvert le regard sur le cinéma. Etant un vieux parigo , il était « branché » : toujours en contact avec les cinéastes qui « comptaient », les techniciens qui inventaient ou traficotaient les caméras et autres « nagras » … Son expertise et sa maîtrise de la culture sénégalaise, qu’il démontre avec son film « PérantaL » , lui donnèrent une notoriété qui pousse plusieurs cinéastes à se rapprocher de lui, pour un avis, un conseil ou une explication .

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A cette époque, le milieu du cinéma ne faisait pas de dichotomie entre documentaire et fiction : on est cinéaste-tout-court ! Des longues nuits blanches de visionnages de films et de discussions, seul le langage cinématographique nous intéressait : Nous analysions les cinémas Novo, américain indépendant, Japonais ou Indien.

De temps en temps, Moussa Bathily ,avec son merveilleux film « Personnages encombrants » venait nous parler « Apocalypse Now ».  On se demandait comment faire mieux que « Afrique sur Seine », « Sarzan » ou « Borom sarret » ? Le cinéma était notre passion et notre socle.

De temps en temps, les Grands parlaient du club du centre culturel, avec les Djibril et autres mais aussi de Samb et de Johnson …

On réalisait qu’on n’était pas né de nulle part, que je faisais partie de la troisième génération. Ben Diogaye Bèye réalise avec Wasis « Les « Princes noirs de Saint Germain des Près » à Paris et me confie l’assistanat à la réalisation.

Il y avait un bouillonnement cinématographique, à Paris avec Félix, Ngaido, Joe Ramaka, As Thiam et autres. Moussa Touré et Bara Dionkhané ont participé à notre réflexion sur l’esthétique de la lumière et des valeurs de plans. D’âpres discussions ont tourné autour de nos découpages techniques. Et à la croisée des chemins, chacun selon sa sensibilité a pris une voie et s’est exprimé selon sa conscience. Comme dirait l’autre, l’histoire a continué à « marcher ».

Je ne sais pas combien de films a fait Félix, parce que je ne les compte pas, mais je sais que parmi ses trois meilleurs films, il y a « Dakar-Bamako ».

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Sa sœur Aby en est le personnage-narrateur. A mon sens, ce film marque un tournant important dans la filmographie de Félix et même pour le cinéma national parce que je pense qu’il a trouvé là, la dialectique qu’il cherchait depuis toujours, c’est à dire : l’esthétique par rapport au politique. Comment montrer une intégration entre maliens et sénégalais, sans discours politique, juste avec des images du train qui quitte Dakar pour aller à Bamako.

Il aura fallu deux voyages pour les repérages et un voyage pour le tournage, pour ce « train-movie ». Pour l’anecdote : les glacières quittaient la rue Vincens, derrière la gare, pour les voyages … parce qu’arrivés à Thiés il y avait plus de glaçons dans le train.

« Questions à la terre natale » est aussi un film important et reflète la préoccupation centrale de Félix. Comment transmettre l’identité !

Mais la grande leçon de cinéma que le monde va retenir c’est « Trésors des Poubelles » ,cette série de courts documentaires sur la récup’ en pleine crise économique, qui montre le génie créateur du peuple sénégalais. « Le cinéma du réel », à Beaubourg , ne s’y est pas trompé. Fèlix est devenu le « Pape du Documentaire ».

Dans mes souvenirs : Félix venu tourner à Ngor sur la pêche et le Cfa, (Lev à l’image et Cissokho au son) me dit « si tu as un projet, on le tourne avec mon matos et mon équipe ». Ainsi a été produit « Dial-Diali » et Amet Diallo était mon assistant. Ayant mes deux béquilles, une complicité parfaite avec équipe, le tournage et la post–production se sont déroulés en toute sérénité.

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Félix était mon Grand, mais tout le monde savait que Amet était mon jumeau … Amet Diallo avec « L’an fer-So boxulmalen », posait un tournant important de notre cinéma, en mettant en scène une esthétique dont notre collectif rêvait. Le générique de ce film en est la preuvre.

Félix, dont l’anniversaire de ses dix ans de disparition a été célébré mercredi 06 novembre, a fait tous les métiers du cinéma : caméraman, réalisateur, producteur, ingénieur du son, monteur, etc.

Il m’est difficile de parler de lui et je me rends compte que je n’ai pas parlé de l’homme . Je ne lui reproche qu’une chose : d’être parti un certain 06 Novembre. Le soir de ton départ, un ami commun est venu te voir, à la clinique. J’étais dans l’avion pour la Guadeloupe… comme pour y présenter mes condoléances à ta famille antillaise.

Oumar Ndao avait dit de AMET « Salut l’Artiste !»

A toi Félix, je dis « Salut Grand cinéaste ! »

YES I !







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